Je scrute avec méfiance la dame face à moi, un mélange de désespoir et d'amertume dans les prunelles.
-Comment sont-ils morts ?
-Tes petites sœurs n'avaient que quelques mois quand c'est arrivé, elles étaient jumelles. L'une d'elle est tombée très malade... Tes parents t'ont rapidement déposée chez la voisine au milieu de la nuit et ils ont emmené tes sœurs aux urgences. Sur la route, ils ont eu un terrible accident de voiture. Ton père et tes sœurs sont morts sur le coup. Ta maman est décédée à l'hôpital quelques heures plus tard. Ce jour-là, en mourant, ils t'ont condamnée à tomber entre les mains d'un homme insensé.
-Je ne sais pas encore si je vous crois mais je voudrais...je voudrais connaitre leurs prénoms ...
-Tes sœurs s'appelaient Jeanne et Louise. Tes parents, Émilien et Blanche.
Je souris imperceptiblement.
-Qu'est-ce qui te fait sourire ?
-C'est la première fois que quelqu'un me parle de mon passé...je ...je suis un peu perdue d'entendre ces prénoms qui me sont inconnus et qui pourtant résonnent en moi.
-Un enfant qui se croit seul et rejeté est une proie facile.
Sans même réagir à ses paroles, je continue :
-Je ne sais même pas si vous me dites la vérité.
Je reste immobile face à elle, avachie sur ma chaise, le regard mélancolique, ne pouvant m'empêcher de scruter le visage de cette dame âgée. Son visage est fin et avenant. Juste quelques rides marquent le contour de ses yeux et son front, mais étonnement, elles ne gâchent pas sa physionomie harmonieuse. Son sourire me parait sincère. Je sais que je connais ce visage et ses yeux bienveillants.
Soudain, des images refoulées de mes cauchemars refont surface dans mon esprit pour faire échos aux révélations de l'inconnue.
-Votre visage, vos traits me disent quelque chose. Je ne peux pas dire le contraire.
Brusquement, les souvenirs lessivent mon cerveau en ébullition et me paralysent sur place.
-June ? C'est bien ça ? Vous vous appellez June !
La dame me lance un regard plein d'espoir en reconnaissant son prénom, mais déchante aussi vite lorsqu'elle aperçoit que je me lève brusquement.
-C'est vous ?
-Oui, cest moi, dit-elle avec joie. Elle tend les mains pour saisir les miennes, mais je les retire aussitôt avec dégoût.
-C'est vous cette infirmière que je vois dans mes cauchemars ? C'est donc bien vous ? Et cette pauvre petite fille traumatisée ne peut être que moi !
-Oui, c'est toi Leo... et c'est bien moi...mais qu'as-tu vu dans...
Furieuse, je ne lui laisse même pas l'occasion de finir sa phrase.
-Comment avez-vous osé me traiter comme un cobaye, toutes ces piqures, tous ces tests ? Je ne voulais plus de tout ça. J'étais trop petite et trop vulnérable pour subir ces mauvais traitements. M'avez-vous séquestrée ?
-Ce n'est pas ce que tu crois ! Laisse-moi t'expliquer !
-Vous devriez avoir honte... Je ne comprends même pas pourquoi je suis venue ici pour vous parler. Je devrais vous fuir.
Furibonde, j' enfile ma veste avec irritation et je m'apprête à partir.
-Leonora, ce n'est vraiment pas ce que tu crois ! J'espère qu'un jour, tu me laisseras tout t'expliquer.
-Laissez-moi tranquille, je ne veux plus jamais vous revoir !
-Comment vas-tu que je t'explique si tu pars maintenant ?
Je ne prends même pas la peine de lui répondre, je la fusille du regard. À cet instant, cela m'est bien égal de ne plus jamais la revoir. C'est même son souhait le plus cher.
-Tiens, Leonora ! s'exclame la dame en me retenant par le bras. Je me suis promise de te rendre cela.
June me tend une enveloppe, le regard troublé et les lèvres tremblantes.
J'hésite à la saisir, mais je recule malgré tout d'un pas pour la saisir.
Je la fixe un instant puis je m'enfuis du restaurant sans même me retourner une dernière fois.
À cet instant, je la déteste. Et de perdre ainsi le contrôle à cause d'elle, je me déteste tout autant.
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Supermundane TOME 2
Ficção CientíficaLeonora décide de ne plus fuir son passé et de faire face à ce qu'elle fuit depuis trop longtemps. De retour à phoenix, elle se prépare à rencontrer quelqu'un qui va changer sa vie à jamais. Va-t-elle enfin comprendre ses troubles ? 1er chap : oct 2...