Chapitre 3 : La Vie au Détour de l'Existence

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Aaric se réveillait chaque matin avec la sensation étrange de ne plus être tout à fait lui-même. L'aube qui perçait à travers les rideaux de son appartement luxueux semblait trop brillante, trop franche. Le contraste avec la nuit précédente, passée à flâner dans les ruelles du quartier populaire de Bakwa, était brutal. Là-bas, la lumière était tamisée, enveloppée dans un voile d'incertitude et de simplicité. Ici, il était entouré de tout ce dont il avait toujours rêvé : des meubles importés, des œuvres d'art précieuses, des rideaux en soie. Tout était conçu pour offrir confort et opulence, et pourtant, il se sentait plus vide que jamais.

Depuis sa conversation avec la jeune femme au café, Aaric avait changé. Il s'était rendu compte qu'il avait vécu toute sa vie dans une coquille de luxe, une bulle dorée qui l'avait empêché de voir la réalité qui se déroulait sous ses yeux. Il pensait que le monde était synonyme de pouvoir, de statut, de belles maisons, mais il avait maintenant l'impression que tout cela n'avait aucune substance. Il avait commencé à comprendre que la véritable richesse n'était pas dans les biens matériels, mais dans les relations humaines, dans la manière dont les gens se soutiennent et s'aiment, même dans la pauvreté.

Les premiers jours passèrent lentement. Aaric se rendait chaque jour dans les quartiers où il n'avait jamais mis les pieds, observant les gens, échangeant quelques mots ici et là. La vie là-bas était rude, souvent incertaine, mais il y avait une chaleur humaine, une solidarité palpable. Il se rendit compte qu'il n'avait jamais véritablement connu ce genre de proximité. Sa vie jusqu'ici avait été une succession d'événements planifiés, de rencontres d'affaires, de soirées où l'on se saluait froidement, où l'on échangeait des sourires calculés. Mais dans ces rues qu'il parcourait désormais, les sourires étaient pleins de vie, d'espoir et parfois de désespoir, mais toujours sincères.

Il s'arrêta un jour devant un petit marché. Des étals de fruits, des légumes, des tissus, et des produits de première nécessité. Il s'approcha d'un vendeur de poissons, un homme d'une cinquantaine d'années, la peau marquée par les années passées sous le soleil, les mains calleuses, les yeux pleins de fatigue, mais aussi d'une détermination silencieuse. L'homme le salua d'un signe de tête, et Aaric, d'un geste un peu timide, répondit par un sourire.

— Tu veux acheter des poissons, jeune homme ? demanda l'homme, la voix grave mais chaleureuse.

Aaric hésita un instant, puis secoua la tête.

— Non, je... Je viens juste discuter. J'ai... je suis curieux de comprendre comment vous vivez ici.

L'homme le regarda fixement, surpris, mais il ne sembla pas offusqué. Après un moment, il soupira et posa une poignée de poissons frais sur son étal.

— La vie, ici... ce n'est pas facile. Mais c'est ce qu'on a, et on fait avec. On se soutient. Le matin, on travaille dur. L'après-midi, on se repose, on mange ensemble, on parle. Et on se bat, chaque jour, pour ne pas sombrer dans la pauvreté.

Aaric se sentit mal à l'aise. Il n'avait pas l'habitude d'entendre une telle franchise, une telle vérité nue. Tout ce qu'il connaissait était fait de faux-semblants, de petites phrases polies, de préjugés sur ce qu'était la "vraie vie". Ici, il n'y avait pas de filtre. Tout était brut, réel.

— Et... comment ça se passe, quand il n'y a pas assez de clients, ou quand il pleut et qu'on ne peut pas travailler ? demanda-t-il, cherchant à comprendre.

Le vendeur baissa les yeux, comme pour chercher des mots, puis releva le regard, un peu plus doux.

— On fait comme on peut. Si tu n'as pas de clients, tu attends. Et puis, tu sais, tout n'est pas question de richesse ici. Ce n'est pas l'argent qui fait la vie. C'est l'amour qu'on donne, l'amitié, la famille. Quand tu as ça, tu n'as pas besoin de grand-chose d'autre.

Les mots de l'homme frappèrent Aaric comme un coup de poing dans l'estomac. Il avait l'impression qu'un voile se levait peu à peu devant ses yeux. Ici, les gens n'avaient pas besoin de luxe, de voitures chères, de maisons avec piscine. Ils se contentaient de l'essentiel, mais il y avait quelque chose en eux qui brillait. Un éclat qu'il n'avait jamais vu dans les mondanités où il évoluait, un éclat d'humanité pure, qui ne dépendait pas du statut social, des biens matériels ou des apparences.

Aaric commença à visiter d'autres quartiers populaires, à se rendre dans des restaurants modestes, à entrer dans les maisons de gens qu'il n'aurait jamais croisés auparavant. Il rencontrait des familles qui vivaient dans des conditions que lui-même n'aurait jamais imaginées. Des familles où plusieurs générations vivaient sous le même toit, où la solidarité était la norme et non l'exception. Des familles qui n'avaient pas beaucoup d'argent, mais qui avaient un cœur gros comme ça. Il y avait des rires, des moments de partage, des repas simples mais pleins de chaleur.

Un après-midi, après avoir marché dans les ruelles sinueuses de Bakwa, il s'assit sur un banc, les mains jointes, son esprit tourmenté par tout ce qu'il venait de découvrir. Il était fatigué, épuisé par la confrontation avec cette réalité qu'il avait ignorée si longtemps. Il se demandait comment il avait pu vivre si longtemps sans voir la vérité, sans comprendre ce qui comptait vraiment. Il n'avait jamais su ce que c'était que l'amour inconditionnel, l'amitié véritable, la simplicité.

Il leva les yeux et aperçut une petite fille qui jouait près d'un arbre. Elle riait aux éclats, courant après une balle. Son rire était pur, sans malice, et pourtant, il touchait quelque chose de profond en lui. Cette joie simple, cette innocence, était-elle la clé de tout ce qu'il cherchait ? Pourquoi l'avait-il ignorée pendant tant d'années ? Pourquoi n'avait-il jamais appris à être présent, à profiter de ces petits moments de bonheur ?

Il se leva brusquement, décidé à agir. Il ne pouvait plus continuer à fuir la vérité. Il ne pouvait plus se cacher derrière ses biens matériels, ses vêtements coûteux et ses soirées mondaines. Il devait changer. Mais comment ? Il n'avait pas les réponses. Il n'était même pas sûr de savoir par où commencer.

Il retourna à l'endroit où il avait rencontré la jeune femme, espérant trouver des réponses, des conseils. Mais lorsqu'il arriva, elle n'était pas là. Peut-être qu'elle l'attendait ailleurs, peut-être que c'était à lui de trouver son propre chemin.

Aaric se rendit alors compte qu'il était seul dans cette quête. Seul pour affronter son passé, ses peurs, ses certitudes. Mais ce qu'il avait appris jusqu'ici, dans les rues de Bakwa, avait réveillé en lui une flamme qu'il n'aurait jamais imaginée. Une flamme qui brûlait fort, prête à le guider dans cette nouvelle aventure qu'il allait devoir entreprendre.

Il n'avait plus de plan, plus de direction, mais une chose était certaine : il ne reviendrait plus jamais en arrière.

Le chapitre 3 d'Aaric était un tournant décisif. La route qu'il empruntait semblait encore floue, mais son regard s'était éclairé d'une détermination nouvelle. C'était un début, seulement un début.

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