Chapitre 7 : Un Pas Vers l'Inconnu

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Aaric, bouleversé par son expérience auprès des jeunes du marché, passa une nuit agitée. Les scènes du jeu de dés, les éclats de rire mêlés aux disputes, et surtout le regard vide du jeune homme qui avait perdu, tournaient en boucle dans son esprit. Pour la première fois, il ressentait une véritable connexion avec une réalité qu'il avait toujours ignorée. Mais cela ne suffisait pas. Il savait qu'il devait aller plus loin, pousser cette exploration au-delà d'une simple observation. Il devait s'impliquer.

Le lendemain, il retourna au marché, mais cette fois avec une intention précise. Il voulait parler à Mirembe. Elle semblait être une clé dans ce puzzle qu'il essayait de déchiffrer. Malgré ses propres luttes, elle dégageait une sérénité et une force qu'il trouvait fascinantes.

Il la trouva près de son étal, comme à son habitude. Mirembe portait un simple pagne coloré, ses cheveux tressés avec soin, et ses mains habiles s'activaient à réorganiser ses fruits. Lorsqu'elle leva les yeux et croisa le regard d'Aaric, elle sembla surprise.

— Toi encore ? demanda-t-elle en arquant un sourcil. Tu cherches à acheter quelque chose ou juste à regarder comme d'habitude ?

Aaric esquissa un sourire gêné.

— J'aimerais parler avec toi, répondit-il franchement.

Mirembe posa ses mains sur ses hanches, un air de défi dans les yeux.

— Parler ? Parler de quoi ? Tu es un riche qui s'ennuie, c'est ça ? Tu viens ici pour observer notre misère comme si c'était une attraction touristique ?

Ces mots frappèrent Aaric comme un coup de poing. Il ouvrit la bouche pour répondre, mais Mirembe leva une main pour l'arrêter.

— Non, écoute-moi bien. Ce que nous vivons ici, ce n'est pas un spectacle. C'est notre réalité. Alors, si tu veux juste apaiser ta conscience, passe ton chemin.

Il inspira profondément, cherchant les mots justes. Il ne voulait pas qu'elle le perçoive comme un intrus ou un voyeur.

— Je ne suis pas ici pour ça, dit-il doucement. Je veux comprendre... vraiment comprendre. J'ai passé ma vie dans un monde où tout m'était donné, où rien n'avait vraiment de valeur parce que tout était à portée de main. Mais maintenant, je réalise que je suis passé à côté de quelque chose d'essentiel.

Mirembe le regarda un long moment, son regard se radoucissant légèrement. Finalement, elle soupira.

— Comprendre, hein ? Ce n'est pas en restant debout ici à me regarder vendre des mangues que tu comprendras quoi que ce soit. Viens, suis-moi.

Surpris par sa réponse, Aaric la suivit alors qu'elle s'éloignait de son étal après avoir confié son stand à une jeune fille. Ils traversèrent les ruelles animées du marché jusqu'à une petite cour située à l'arrière. Là, un groupe de femmes préparait des plats traditionnels, tandis que des enfants jouaient autour d'eux. L'odeur épicée des grillades flottait dans l'air.

— Voici une partie de notre quotidien, dit-elle en désignant les femmes. Nous travaillons du lever au coucher du soleil. Pas parce que nous le voulons, mais parce que nous n'avons pas le choix. Chaque morceau de manioc, chaque bouteille d'eau que tu vois ici représente des heures de labeur. Pas de repos, pas de pauses.

Aaric observa en silence, absorbant les scènes devant lui. Une vieille femme, le visage marqué par des années de travail acharné, portait un lourd panier sur sa tête. À côté d'elle, une jeune fille essayait d'apprendre à tresser des paniers sous les instructions d'une autre femme. Chaque geste semblait méthodique, précis, presque chorégraphié par une nécessité invisible.

Mirembe se tourna vers lui.

— Tu veux comprendre, dis-tu ? Alors commence par écouter leurs histoires. Chaque personne ici a un passé, un rêve, une lutte. Tu ne comprendras rien tant que tu ne connaîtras pas ces histoires.

Aaric acquiesça, décidé. Il s'approcha d'une des femmes, une jeune mère qui berçait un bébé tout en épluchant des légumes. Elle leva les yeux vers lui, surprise par sa présence.

— Bonjour, dit-il timidement. Je m'appelle Aaric. Puis-je m'asseoir avec vous ?

La femme hésita un instant, puis hocha la tête. Elle s'appelait Awa et avait trois enfants. Son mari était parti depuis deux ans pour chercher du travail dans une autre ville, et elle n'avait plus eu de nouvelles de lui depuis. Elle racontait cela sans amertume, mais avec une résignation poignante. Elle souriait en parlant de ses enfants, disant qu'ils étaient sa seule source de joie et de motivation.

Aaric écouta chaque mot avec attention. Il se rendait compte qu'il n'avait jamais pris le temps d'écouter qui que ce soit de cette manière. Chaque détail de la vie d'Awa semblait empreint de courage et de dignité. Elle ne se plaignait pas, elle racontait simplement. Et pourtant, derrière sa voix calme, Aaric pouvait sentir la fatigue, la douleur, et surtout une force incroyable.

Après un moment, Mirembe lui fit signe de le suivre. Ils quittèrent la cour et marchèrent en silence à travers les ruelles étroites. Finalement, elle s'arrêta et se tourna vers lui.

— Alors, qu'as-tu appris ? demanda-t-elle.

Aaric réfléchit un instant avant de répondre.

— J'ai appris que... tout ce que je croyais savoir sur la vie était faux. Ces gens que j'ai rencontrés aujourd'hui, ils ont une richesse que je n'aurai jamais, malgré tout l'argent que je possède.

Mirembe haussa un sourcil, intriguée.

— Quelle richesse ?

— Leur résilience, leur force, leur capacité à trouver de la joie dans les petites choses. Moi, avec tout ce que j'ai, je n'ai jamais été vraiment heureux. Mais eux, ils trouvent une manière de sourire, même au milieu des difficultés. C'est... inspirant.

Un sourire discret apparut sur le visage de Mirembe.

— Peut-être que tu es moins naïf que je ne le pensais, dit-elle. Mais ce n'est que le début. Si tu veux vraiment comprendre, tu devras aller encore plus loin.

Aaric acquiesça. Il savait qu'il n'en était qu'au commencement de son voyage. Mais il était prêt à continuer, prêt à découvrir les vérités qui se cachaient derrière la façade de ce monde qu'il avait ignoré si longtemps. Et, pour la première fois de sa vie, il se sentait vivant.

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