Je serre l'objet plus fort dans ma main, mes doigts blanchissent. Je suis là, à un moment décisif, les pensées sombres m'envahissent. Chaque seconde semble durer une éternité, et je sais que ça pourrait être la dernière. L'idée de tout effacer, de tout faire disparaître, m'envahit. Je m'apprête à passer à l'acte, à faire taire cette douleur une bonne fois pour toutes. La sensation du métal froid contre ma peau me glace, mais c'est tout ce que je veux. L'ultime délivrance.
Mais alors, un cri. Un cri qui me fait sursauter, comme un éclair dans la nuit. Je bloque tout, suspendue dans le vide de cette décision. C'est une voix, une voix familière, mais je n'arrive pas à la situer. Puis ça m'atteint. Jian. Il est là, sur son balcon, juste en face. Je n'ai même pas pris la peine de fermer ma fenêtre. Pourquoi l'aurais-je fait de toute façon ? J'étais dans mon monde, dans ma douleur, trop perdue pour penser à autre chose.
— Éliséa ! Non, ne fais pas ça !
J'entends la voix de Jian, tremblante mais ferme. Ça me percute comme un coup de tonnerre. Je sursaute, le cœur battant dans ma poitrine. Je lève les yeux, et c'est comme si le monde autour de moi s'arrêtait. Jian est là, juste en face, ses yeux grands ouverts, pleins de panique. Il me regarde intensément, comme s'il voulait capter toute mon attention, comme s'il voulait m'empêcher de faire ce geste.
Je reste là, figée, mes doigts encore crispés autour de l'objet. Mes jambes tremblent, mais je ne peux plus bouger. C'est comme si son regard me figeait sur place. Ses mots résonnent dans ma tête, mais je n'arrive pas à les comprendre entièrement. C'est trop soudain, trop intense. Comment il peut voir ça de là ? Comment il peut savoir ce que je suis sur le point de faire ?
— Éliséa, écoute-moi... S'il te plaît. Il y a toujours une autre solution, je te le promets. Tu n'es pas seule.
Sa voix est calme, mais je peux sentir l'urgence dans ses mots. Il ne semble pas effrayé, mais déterminé. Il est là, prêt à m'arrêter, à me sauver, mais quelque chose dans sa voix m'irrite, me fait m'éloigner encore plus. Je me sens tellement fatiguée de tout ça, de toutes ces paroles, de tout ce qu'on me dit sans vraiment comprendre. De la pitié déguisée en espoir.
Je baisse les yeux vers le cutter. Une simple décision. Un choix.
— C'est trop tard, murmure-je dans un souffle. Tu ne comprends pas.
Je n'ai pas le courage de lui répondre. J'ai peur, mais je me sens aussi à la fois prête à tout effacer. Sa présence me fait hésiter une seconde, mais ce n'est pas suffisant. Je suis au-delà de tout ça, au-delà de ce qu'il peut dire.
— Tu n'es pas seule ! Je suis là !
Sa voix porte plus haut, plus fort, mais ça me fait seulement reculer. Je serre les dents, mes yeux se remplissent de larmes. Je ne peux pas le laisser m'arrêter. Pas maintenant. Il est trop loin de ma souffrance pour comprendre ce que je ressens.
Dans un élan de colère et de désespoir, je me précipite, enfonçant l'objet dans ma peau. Je sens la douleur, mais elle est étouffée par tout ce qui m'envahit. J'ai l'impression que tout est en train de m'écraser, mais j'ai aussi l'impression que si je m'arrête maintenant, tout cela sera encore plus insupportable. Je ne sais pas pourquoi je continue.
Puis soudainement, tout devient flou. Le monde autour de moi vacille. Mon corps perd peu à peu sa force, mes jambes se dérobent sous moi. J'ai à peine le temps de me dire que ça ne va pas, avant que je ne perde connaissance.
Tout s'assombrit.
Un bruit éclatant me tire de mon sommeil profond, un son métallique qui frappe dans ma tête. Mon esprit est engourdi, tout semble flou, puis je perçois une voix, un cri lointain.
— Éliséa ! Éliséa !
Jian... C'est sa voix. Mais elle est si lointaine, si déformée. Je tente de rouvrir les yeux, mais l'obscurité m'enveloppe à nouveau, bien trop oppressante.
Je n'arrive pas à respirer, je sens mon cœur s'emballer. Je me sens piégée dans cet espace entre la vie et la mort. Puis, un autre bruit, plus fort. Une porte. La porte de ma chambre. Elle claque violemment. Mes parents. Ils hurlent.
— Éliséa ! Ouvre la porte ! Qu'est-ce que tu as fait ?
Je les entends, mais ils semblent si loin. Mes oreilles bourdonnent, mes pensées se brouillent. Je veux leur répondre, mais il n'y a plus de mots. Tout se mélange, tout devient confus. Puis j'entends des pas précipités, des voix, des bruits de choc. Les pompiers.
— C'est bon, on arrive ! Restez avec elle ! Ne la laissez pas partir !
Un flash de lumière, des visages flous, des gens autour de moi, mais je ne peux rien faire. Tout est trop rapide, trop fort. Les pompiers m'entourent, une bouffée d'oxygène. Un souffle, mais rien ne semble réellement m'atteindre.
Puis je perds de nouveau connaissance.
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Rien à perdre
Ficção AdolescenteÉliséa, accablée par le harcèlement, se rend dans une forêt, prête à tout arrêter. Mais quand elle se retrouve face à un garçon étrange, ses certitudes vacillent. Pourquoi Jian l'a-t-il sauvée ? Et pourquoi, pour la première fois, elle doute de sa d...