Une rencontre nocturne

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Je n'arrive pas à fermer les yeux. Le silence de la nuit, ce calme étrange, semble amplifié par la course de mes pensées. Une insomnie tenace me garde éveillée, me laissant prise dans ce tourbillon d'émotions. Les heures passent, mais je n'ai aucune envie de dormir. C'est comme si je cherchais à fuir quelque chose, sans même savoir ce que c'est.

Le réveil affiche 4h du matin. La maison est plongée dans l'obscurité, et je décide de sortir. Je n'ai pas de raison particulière, à part peut-être ce besoin de respirer un peu d'air frais, d'échapper à l'étouffement que je ressens dans ma chambre.

Je sors discrètement, et me dirige vers les poubelles. C'est une routine, un simple geste pour me vider l'esprit, mais ça me fait du bien, d'une manière étrange. La rue est déserte, et seul le bruit de mes pas me rappelle que je suis en vie, même si chaque instant me semble plus lourd que le précédent.

Je traîne les poubelles jusqu'à l'angle de ma maison. Une fois devant la porte, je les laisse tomber dans le container et prends une grande inspiration. L'air frais me fait du bien, mais je ne suis toujours pas en paix avec moi-même. C'est comme si quelque chose, quelque part, me manquait.

Je me tourne alors et me dirige vers la balançoire, qui grince doucement sous le vent. J'aime cet endroit, au fond de mon jardin, presque isolé du monde. Je m'assois sur la vieille balançoire en bois, les pieds effleurant le sol, et je pousse doucement. Le mouvement me calme, un peu, mais la tempête dans ma tête est toujours là, prête à éclater.

Je regarde autour de moi, mais je ne m'attends pas à voir quoi que ce soit. Et pourtant, quand mes yeux se posent sur la maison voisine, je vois une silhouette. Jian. Il est là, assis sur le muret devant chez lui, comme s'il attendait quelque chose. Je ne sais pas pourquoi je le remarque, mais le fait qu'il soit là, à cette heure-là, me perturbe. Pourquoi est-ce qu'il est dehors, à cette heure ? Est-ce que lui aussi a du mal à dormir ?

Il semble un peu perdu dans ses pensées, son regard fixé sur quelque chose au loin. Je reste là, sur ma balançoire, le cœur battant un peu plus vite. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à détourner les yeux ? Est-ce qu'il m'a vue ? Est-ce que ça le dérange ?

Finalement, il lève les yeux et croise mon regard. Un instant, tout s'arrête. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a quelque chose dans son regard qui me pousse à ne pas détourner les yeux. C'est comme s'il savait, sans que je lui aie dit un mot, qu'il n'y a pas de paix dans mon cœur.

Je déglutis et brise le silence.

— Tu ne dors pas non plus, hein ? je dis, ma voix un peu plus faible que je ne l'aurais souhaité.

Il sourit doucement, comme si mon geste n'était pas surprenant, comme si tout ça était normal.

— Ouais. L'insomnie, je suppose. C'est pas facile de dormir parfois, tu sais.

Il se lève lentement et fait quelques pas dans ma direction, mais sans se rapprocher trop vite. Il reste là, à une distance respectueuse, mais sa présence me réchauffe d'une certaine manière.

— Je n'étais pas sûr si je devais venir te parler, mais... je me dis que ce n'est pas souvent qu'on peut se retrouver tous les deux à une heure aussi étrange, non ?

Je souris légèrement, mais je ne sais pas quoi répondre. Pourquoi me parle-t-il comme ça ? Je ne comprends pas. Mais d'un autre côté, ça ne me dérange pas. Il semble différent, calme d'une manière que je n'arrive pas à expliquer. Peut-être que lui aussi, quelque part, ressent ce vide qu'il essaie de combler à sa manière.

— C'est vrai, je dis finalement. C'est un peu bizarre, hein ? On dirait qu'on est les seuls à être encore là.

Jian hoche la tête, une lueur dans les yeux.

— Parfois, la nuit est plus calme. On peut penser plus clairement. Ou juste... être.

Je le regarde un instant, appréciant cette simplicité dans ses mots. C'est étrange, mais d'un coup, je me sens un peu moins seule.

— Tu devrais retourner dormir, dit-il en souriant. Mais si tu veux, tu peux toujours rester ici, à parler un peu.

Je ne réponds rien, mais je me permets de lui sourire. Un sourire sincère, bien qu'il soit léger. Peut-être que le simple fait de partager cet instant, dans ce calme étrange de la nuit, peut m'apporter un peu de réconfort. Pour une fois, je n'ai pas envie de fuir cette conversation.

— Ça va aller, je réponds, mes mots flottant dans l'air. Juste un peu de silence. Ça suffit parfois.

Il reste là, observant la maison, comme s'il savait que j'avais besoin de ce calme pour affronter mes pensées. À cet instant, je ne me sens pas obligée de parler. Il suffit juste de rester là, ensemble, sans pression. Et c'est déjà suffisant.


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