CHAPITRE 2

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La nuit est tombée depuis des heures, mais je n'ai pas bougé. Mes doigts serrent encore l'enveloppe comme si elle contenait le poids de ma survie — ce qui est littéralement le cas. À chaque coup de vent, je me tends, persuadée que Matteo Salvatore a envoyé quelqu'un pour vérifier si je m'exécute. Ce type respire le contrôle, et j'ai compris en un instant qu'on ne lui désobéit pas.

Mais comment ? Comment je vais faire ça ?

Assassiner un type comme Enzo Carrera, c'est pas juste risqué, c'est du pur suicide. Je ne suis pas une tueuse, bordel. La seule chose que j'ai jamais volée, c'est une bouteille de shampoing dans une supérette quand j'avais 16 ans. Là, on parle d'un type recherché par toute la ville, et moi, je suis censée le retrouver et le tuer ?

Je souffle, le froid brûlant mes lèvres.

— T'es foutue, Alaina. Complètement foutue.

Un bus passe, ses phares éclairant brièvement mon visage. Dans la vitre, mon reflet me fixe avec une expression que je déteste. Peur, fatigue, et une ombre de désespoir. Il faut que je bouge, que je fasse quelque chose.

Je déchire l'enveloppe et en sors le contenu. La photo de Enzo Carrera est la première chose que je vois. Une mâchoire carrée, des yeux noirs perçants, et un sourire en coin qui fait froid dans le dos. Ce n'est pas un homme, c'est un prédateur.

— Super, murmuré-je. Un prédateur qui traque les autres.

Je retourne la photo. Une adresse est griffonnée au dos. Quelque part dans un entrepôt abandonné, bien évidemment.

Parce que c'est là que tous les types comme lui se planquent, non ?

Il y a aussi un petit paquet d'argent. Je compte rapidement : cinq billets de cent. À peine de quoi survivre si je décide de fuir. Matteo devait le savoir. Il a prévu que je n'aurais qu'une seule option : obéir.

Le pire, c'est qu'il a raison.

Je fourre tout dans ma poche, mes mains tremblant légèrement, et je me lève. Mes jambes sont encore engourdies, mais je n'ai pas le luxe de traîner. Direction l'adresse. Pas question d'attendre jusqu'au matin. Plus tôt je m'en débarrasse, plus tôt je pourrai réfléchir à une solution pour me sortir de cette merde.

L'entrepôt est un trou perdu, coincé entre des bâtiments à moitié écroulés. Une lumière vacillante au-dessus de la porte principale projette des ombres inquiétantes sur le mur en béton. Mon cœur bat à un rythme irrégulier.

Je ne suis pas armée. Je n'ai aucune idée de ce que je vais faire si Enzo Carrera est vraiment ici. Et si je frappe à cette porte, qui sait qui va répondre ?

Je m'approche lentement, chaque pas résonnant dans le silence. À une quinzaine de mètres, je m'accroupis derrière une pile de palettes en bois, observant l'endroit. Pas de mouvement. Pas de voitures garées. Peut-être que Matteo s'est trompé ?

Une porte s'ouvre brusquement, me coupant le souffle. Une silhouette sort, allumant une cigarette. C'est un homme massif, mais ce n'est pas Enzo. Je reconnaîtrais son visage.

Je retiens ma respiration, espérant qu'il ne me remarque pas. L'homme fait quelques pas, crache de la fumée dans l'air glacial, puis retourne à l'intérieur en laissant la porte entrouverte. Une chance. Ou un piège.

Mon instinct hurle de reculer, mais je sais que ce n'est pas une option. Si je ne fais rien, Matteo Salvatore me retrouvera, et lui, il ne perdra pas son temps à discuter.

Je me glisse jusqu'à la porte, m'accroupissant juste à côté pour écouter. Des voix résonnent à l'intérieur, graves et hachées. L'une d'elles rit bruyamment, comme si rien dans ce monde ne pouvait l'atteindre. Ça doit être Enzo.

Je ferme les yeux un instant, essayant de calmer les battements frénétiques de mon cœur.

T'y es, Alaina. Maintenant, quoi ?

Je pousse doucement la porte, juste assez pour voir à l'intérieur. L'entrepôt est immense, rempli de caisses et de piles de matériaux divers. Trois hommes sont assis autour d'une table de fortune, jouant aux cartes. L'un d'eux correspond parfaitement à la photo de Enzo Carrera.

C'est lui.

Il a l'air encore plus intimidant en vrai. Ses épaules semblent taillées pour broyer des os, et son sourire... Ce n'est pas un sourire d'homme, mais de monstre. Il plaisante avec les deux autres, un verre de whisky à la main, comme si tout ce chaos autour de lui était une scène de théâtre qu'il contrôlait.

Je ravale difficilement ma salive. Pas question d'entrer là et de faire quoi que ce soit. Ils me tueraient avant même que j'ouvre la bouche. Il faut que je réfléchisse.

Mais avant que je puisse décider quoi faire, une main ferme se pose sur mon épaule.

Je me fige.

— T'as raté l'invitation ou quoi ? gronde une voix rauque derrière moi.

Je me retourne brusquement, mon souffle court. C'est l'homme de tout à l'heure, celui qui fumait. Il me toise, méfiant, ses yeux plissés.

— J'ai... besoin de parler à Enzo, dis-je en essayant de paraître sûre de moi.

Il arque un sourcil, un sourire narquois se dessinant sur son visage.

— Enzo, hein ? Et tu crois qu'il voit n'importe qui ? Ton nom.

— Alaina Vega. Et dis-lui que c'est Matteo Salvatore qui m'envoie.

Son sourire disparaît instantanément. Il me fixe, ses traits durcissant.

— Attends ici.

Il passe la porte et disparaît à l'intérieur, laissant un silence glacial derrière lui. Je sens mes jambes trembler, mais je m'oblige à rester debout. Quelques secondes plus tard, Enzo Carrera en personne sort.

Son regard noir me transperce, et je sens une vague de chaleur et de terreur me traverser. Il s'avance lentement, chaque pas résonnant comme une menace.

— Alors comme ça, Matteo t'a envoyée ? lâche-t-il avec un rictus moqueur.

Je ne réponds pas tout de suite. Sa voix est glaciale, mais il y a une curiosité dangereuse dans son ton.

— Je ne suis pas ici pour plaisanter, dis-je enfin, ma voix plus ferme que je ne le pensais.

— Oh, ça, je m'en doute bien. Matteo n'a pas l'habitude d'envoyer des filles comme toi pour faire son sale boulot. Alors, dis-moi... pourquoi t'es là ?

Je serre les dents, chaque fibre de mon être me hurlant de fuir. Mais je n'ai pas le choix.

— Tu sais très bien pourquoi.

Son sourire s'élargit, mais il n'a rien d'amical.

— Intéressant, murmure-t-il en avançant encore. Alors, dis-moi... comment une petite chose comme toi compte s'y prendre pour m'avoir ?

Je ne bouge pas. Ses mots claquent comme des coups de fouet, mais je refuse de montrer la moindre peur.

— Si je voulais t'avoir, tu serais déjà mort, répliqué-je froidement.

Son rire éclate, résonnant dans la nuit.

— Courageuse, hein ? Bon, allez, viens. Je vais t'écouter... pour l'instant. Mais fais un seul faux pas, et on verra combien de temps tu tiens avant de supplier.

Il se retourne et retourne dans l'entrepôt, me laissant seule avec ma décision. Je pourrais fuir. Abandonner. Mais à cet instant, une chose est claire : si je veux survivre, je vais devoir être encore plus dangereuse qu'eux.

Je prends une profonde inspiration et entre à sa suite.

CARRERA  | TOME1 Sentiment éperdu Où les histoires vivent. Découvrez maintenant