CHAPITRE 3

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L'odeur de whisky et de tabac m'agresse dès que je franchis la porte de l'entrepôt. La chaleur moite du lieu contraste avec l'air glacial de l'extérieur, mais ce n'est pas suffisant pour calmer les frissons qui parcourent mon échine. Enzo Carrera s'avance vers la table où ses hommes l'attendent, jetant un regard rapide par-dessus son épaule pour vérifier si je le suis.

— Assieds-toi, ordonne-t-il en pointant une chaise en métal à l'autre bout de la table.

Je ne bouge pas tout de suite. Les trois paires d'yeux braquées sur moi me scrutent comme si j'étais un agneau perdu dans une tanière de loups. Finalement, je m'approche et m'assois, croisant les bras pour cacher mes mains tremblantes.

— Alors, petite Vega, commence Lorenzo en se servant un autre verre. Pourquoi Matteo Salvatore t'a envoyée, toi ? Il manque de chiens pour faire son boulot ou quoi ?

Sa voix dégouline de mépris. Je le fixe, essayant de masquer la rage qui bouillonne en moi.

— Peut-être qu'il sait que je suis plus efficace que ses chiens, répliqué-je.

Un des types à la table éclate de rire, mais Enzo ne sourit pas. Il s'appuie sur la table, ses yeux sombres plongés dans les miens.

— Tu sais, si t'as un problème avec ton boss, t'as frappé à la mauvaise porte, dit-il calmement. Matteo et moi, on joue pas dans la même cour.

— Je suis pas là pour régler mes comptes avec lui. Je suis là pour toi.

Le silence tombe, lourd comme une menace. Enzo s'affaisse sur sa chaise, ses doigts tapotant le bord de son verre.

— Toi, tu me fais marrer, dit-il enfin. Une fille toute seule qui se pointe ici en pleine nuit... Tu crois quoi ? Que je vais juste te laisser parler parce que t'as les tripes de débarquer ?

Je serre les poings sous la table, m'interdisant de montrer la moindre faiblesse.

— Si tu m'écoutes pas, Matteo Salvatore va débarquer en personne. Et crois-moi, il sera moins sympa que moi, dis-je en me penchant légèrement vers lui.

Enzo ricane, mais quelque chose dans son regard change.

— Matteo, sympa ? T'es sacrément naïve si tu penses qu'il est différent de moi.

Il vide son verre d'un trait et se lève brusquement.

— Allez, dis-moi, c'est quoi ton plan ? Tu vas me menacer ? Me supplier ?

Son ton est moqueur, et pourtant, il y a une lueur de défi dans ses yeux. Je sens mon cœur battre un peu trop vite. Ce n'est pas juste de la peur. C'est une adrénaline étrange, presque euphorique.

— J'ai pas de plan, dis-je sèchement. Je suis ici parce que je n'ai pas le choix.

Enzo s'arrête, un sourire narquois étirant ses lèvres.

— Personne n'a le choix avec Matteo, murmure-t-il, comme pour lui-même.

Il fait un signe de tête à ses hommes, et ils se lèvent, quittant la table sans un mot. L'entrepôt devient silencieux, comme si la tension avait aspiré tout le bruit.

— Alors écoute-moi bien, Alaina Vega. Tu viens ici avec ta petite bravade, mais tu sais pas dans quoi tu mets les pieds. Matteo veut ma tête, c'est ça ?

Je hoche la tête.

— Ouais, c'est ça. Mais honnêtement, je m'en fous. Je veux juste que tout ça s'arrête.

Il rit, un rire froid et sans joie, avant de s'arrêter ses yeux sombres se fixant sur moi avec une intensité glaciale.

— Alors comme ça, Matteo t'a envoyée sans même te donner les règles du jeu ? C'est bien son style, ça. Toujours à utiliser les gens sans leur expliquer qu'ils jouent déjà leur dernière carte.

Je ne dis rien. Sa voix est posée, presque calme, mais chaque mot résonne comme un coup de poignard.

— Et toi, continua-t-il, tu crois vraiment qu'il te laissera tranquille après ça ? Non, petite, s'il t'a envoyée, c'est qu'il t'a déjà condamnée.

— Peut-être, répliqué-je froidement. Mais toi, tu sais ce qu'il est capable de faire si tu me touches. Alors arrête de tourner autour du pot et dis-moi ce que je dois faire.

Son sourire disparaît, remplacé par une expression dure, presque ennuyée. Il s'assoit sur le bord de la table, juste devant moi, et croise les bras.

— T'es audacieuse. Mais faut un peu plus que ça pour me convaincre.

Je serre les dents, le cœur battant à tout rompre.

— Écoute, Salvatore n'a pas besoin de savoir ce qu'il se passe ici. Je suis pas son espionne, ni son pion. Je suis juste une fille qui veut sortir de cette merde. Dis-je.

Enzo se redresse soudainement, son regard glacial se fixant sur moi. Il n'a plus ce sourire moqueur. Il ne me regarde plus comme une simple pièce dans son jeu, mais plutôt comme un défi à relever.

— J'ai bien réfléchi, dit-il d'une voix calme, presque trop calme. T'es là pour Matteo, mais tu m'as rien dit de toi, petite.

Je fronce les sourcils, me retenant de réagir. Son ton est trop détendu, comme s'il savait quelque chose que je ne savais pas.

— Ton nom, Vega. C'est quoi ?

Je le défie du regard. J'ai envie de lui cracher dessus, de lui hurler que ce n'est pas ses affaires, mais je me contiens. C'est un jeu dangereux, et chaque mouvement doit être parfait.

— Tu me donnes un ordre maintenant ? murmure-je avec un sourire forcé.

Il se rapproche, ses yeux noirs brillants d'une lueur amusée mais dangereuse.

— Ouais, je le fais, dit-il simplement. T'es pas assez importante pour qu'on t'appelle juste par un nom générique. T'es là pour un boulot, alors commence par me donner quelque chose de réel, Vega.

Je souffle bruyamment, consciente que c'est la dernière chance pour gagner un peu de contrôle.

— Alaina. Alaina Vega, soufflé-je enfin.

Un sourire cruel se dessine sur ses lèvres. Il semble apprécier le fait que je lui donne cette petite victoire.

— Alaina Vega... Hmmm, je vais m'en souvenir. Mais tu sais, ce n'est pas juste ton nom qui m'intéresse, petite. C'est comment tu comptes t'en sortir avec tout ça.

Ses yeux brillent d'une malice infinie. Il veut que je fasse une erreur, qu'il ait une raison de me dominer, de m'écraser.

— Je n'ai pas l'intention de me faire écraser, répondis-je avec fermeté.

Il éclate de rire, mais il y a quelque chose de plus dans son rire, quelque chose de plus menaçant.

— On verra bien, Alaina. On verra bien.

Il se redresse à nouveau et fait un signe de tête à un de ses hommes, qui s'approche en silence, une liasse de papiers dans les mains. Il la dépose sur la table devant moi, et Enzo me fixe de nouveau.

— Voici ton travail. Si tu veux vraiment prouver que tu n'es pas qu'une petite fille naïve, tu vas devoir le faire. Si tu réussis, Matteo te donnera ce que tu veux. Et si tu échoues... on verra comment il réagira. Mais sache qu'il n'aura pas le temps de venir t'aider.

Je déglutis, le poids des papiers sur la table soudainement bien plus lourd que je ne l'avais imaginé. L'idée de ce que je vais devoir faire m'effraie, mais je ne laisse rien paraître.

Je prends une profonde inspiration, et sans regarder Enzo, je prends les papiers.

— D'accord. Dis-moi ce que je dois faire.

CARRERA  | TOME1 Sentiment éperdu Où les histoires vivent. Découvrez maintenant