Le Sablier 1: Le temps où nous étions enfants

Chapitre 8

- Vous me faites ces trois fiches d'exercices pour la rentrée ! Je vérifierai. Et surtout, passez un joyeux Halloween !! , nous souhaite la maîtresse.

  Sa voix est vite recouverte par l'hurlement de la sonnerie spéciale halloween. Encore un coup de la directrice.

  Le temps a passé, plus vite que je l'imaginais. Alors que les vacances de la Toussaint débutent, la douleur de leur perte est toujours aussi présente. Mais j'ai appris à la cacher. À vivre quelques secondes en l'ignorant.

  Je range mes affaires dans mon sac. Thiago et Cassiopée me regarde avec de grands yeux.

  Pour la première fois de ma vie, j'ai travaillé en cours. Alors qu'ils regardent, qu'ils admirent, parce que ce n'est pas près de se reproduire !

  J'ai jamais vraiment aimé Halloween. Des dizaines de gamins courant dans les rues en toquant aux portes ? Très peu pour moi.

  En fait, je n'apprécie pas les fêtes de manière générale. Déjà parce qu'elles se font à plusieurs, et que je n'ai pas beaucoup de proches; mon père, Thiago et Cassiopée. Ça s'arrête là. Sans compter que Thiago, en bon populaire, est en permanence invité à des anniversaires et des fêtes, il n'est donc pas souvent présent.

  Justement, alors que nous trainons devant la sortie de l'école, un groupe d'élèves - à coup sur, ils ont des parents blindés - lui tournaient autour, dans le but de lui demander de venir à leur Halloween. C'est idiot; pourquoi organisent-ils chacun leur propre halloween, au lieu de se mettre d'accord avec leurs amis ?

  En réponse, il ne fut capable que de gromeler quelques insultes, qui ne les firent pas reculer pour autant. Je  soupire.

  J'allais intervenir quand une main se pose sur mon épaule. Je ne me retourne pas, parce que je sais qui c'est.

- T'inquiète, je m'en occupe, m'informa tout de même Cassiopée, avant de s'avancer vers le groupe d'élèves.

- Ça ne sert à rien de l'inviter, il passe Halloween avec moi et Aïsha. Ainsi qu'une bonne partie des vacances, d'ailleurs, lacha-t-elle, avec un sourire légèrement embarrassé.

  Son sourire mielleux est chaleureux, mais ses yeux sombres brillent comme des diamants, aussi durs et froids que ceux-ci.

  Thiago et moi nous figeâmes en entendant sa phrase. Passer les vacances chez Cassiopée ? Elle ne nous en avait jamais parlé.

  Je rejoignis vite mes deux amis, car il me semblait évident que nous devions avoir une petite discussion.

  Pourtant, ce fut Cassiopée, qui, sans un mot, me tendit une feuille. Une invitation, plus précisément.

  Le papier ancien était légèrement froissé, et l'adresse ainsi que le numéro de téléphone des parents de mon amie s'étalaient en lettres d'or en dessous de l'inscription "Halloween".

- J'ai une idée, commença-t-elle, sérieuse.

  Je ne fut pas le moins du monde étonnée. Cassiopée avait toujours des idées, des plans, et ils étaient souvent... particuliers.

- Je vais organiser une grande fête pour Halloween, à laquelle tout les élèves de l'école élémentaire, sans exception, seront invités. Voilà trop longtemps que ces enfants ont oublié ce que signifiait vraiment être un enfant.

Je lève un sourcil, étonnée par son ton mature et ce discours digne d'un adulte, mais Thiago fut plus rapide que moi, et posa la question qui me brûlait les lèvres.

- C'est-à-dire ? Qu'entends-tu par "ce que signifiait vraiment être un enfant" ?

Cassiopée tourna son visage de porcelaine vers lui, un léger sourire aux lèvres.

- Tu vois ! Même toi, tu as oublié, rigole-elle, avant de se taire.

  Thiago et moi attendons patiemment qu'elle nous explique, mais elle ne dit rien, alors nous continuons de la fixer.

- Tu n'as pas répondu à la question, lui fait - je remarquer, redoutant sa réponse.

   Elle a toujours des idées, et pas que des bonnes. Je sentais pourtant que celle-ci allait être mémorable.

Cassiopée soupire.

- Oui, et je n'y répondrai pas. Enfin, pas maintenant. Rendez-vous ce soir, 18h, dans le parc, celui à quelques rues de l'école. Je m'occupe de prévenir les autres.

  Sans un au revoir, elle s'avança vers un groupe de troisièmes années pour les prévenir. Elle avait un air déterminé, qui, je l'avoue, me faisait un peu flipper. Mais après tout, c'est Halloween, alors pourquoi pas ?

Je regarde ma montre. 17h23. Autant aller directement au parc, le temps de rentrer à la maison, ce sera déjà l'heure indiquée par Cassiopée.

  J'échange un regard avec Thiago, un sourire entendu, et nous nous mettons en route.