Chapitre 19 : L'homme du Christ

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La lumière du matin perçait à peine à travers les lourds rideaux de la salle du conseil impérial. Une tension presque palpable émanait de l'empereur. Lucius Domitius Nero, vêtu d'une toge pourpre, était assis sur un siège richement décoré, son regard fixé sur Sénèque. Depuis sa rencontre avec l'Egyptien, Lucius était frileux. Il sursautait à chaque bruit inconnu et se laissait aller à une chasse aux sorcières à travers l'empire. 

Le conseiller, toujours stoïque, se tenait debout, les mains croisées devant lui, ses traits marqués par la gravité.

— Le peuple gronde, César, murmura-t-il. Entre la pénurie de blé et les coûts exorbitants de la guerre en Arménie, ils commencent à murmurer. Les marchés se vident, et les citoyens, désespérés, cherchent des coupables.

L'empereur laissa échapper un soupir agacé.

Et cet homme, cet agitateur ?

Sénèque hésita, ses yeux plongeant un instant dans les flammes qui dansaient dans le grand brasero central.

On dit qu'il est étranger, répondit-il enfin. Un homme qui n'appartient ni à Rome, ni aux dieux de Rome. Il parle d'un royaume supérieur, d'une justice divine qui dépasserait la votre.

Continue.

— Son nom est Paul de Tarse, César. Certains prétendent qu'il fut autrefois un persécuteur des chrétiens, mais qu'il a renié son ancienne vie pour devenir l'un des leurs.

Ce nom, Paul de Tarse, ne signifiait rien pour Lucius, mais la secte des chrétiens, en revanche, lui était familière. Leur présence, encore marginale dans Rome, suscitait une curiosité teintée de méfiance dans les cercles du pouvoir. Ces hommes et ces femmes parlaient d'un seul dieu, invisible et unique, rejetant les rites des temples et les sacrifices aux divinités traditionnelles.

Néron se leva brusquement.

Ces chrétiens, gronda-t-il, n'ont-ils pas déjà assez semé la discorde ? Pourquoi cet homme s'élève-t-il contre moi ?

Sénèque le regarda fixement.

Parce qu'il prêche un autre roi, dit-il simplement. Un certain Jésus, qu'il nomme "le Seigneur".

Les mots frappèrent Néron comme un fouet. Un autre roi. L'idée même qu'un homme se permette d'évoquer un rival à son pouvoir était une insulte inacceptable. Le règne de Lucius avait pris un sacré coup depuis la mort de Britannicus. Il avait été seul, attristé et même tourmenté. Mais aujourd'hui, Lucius avait quelque chose à protéger... Acte... et jamais il n'accepterait que son pouvoir bien que fragile lui soit enlevé.

— Rome n'a qu'un seul maître, rugit l'empereur, et c'est moi !

Burrus, qui avait jusque-là gardé le silence, fronça les sourcils et s'avança d'un pas.

— César, je comprends votre indignation, mais Paul de Tarse n'est qu'un homme. Rien de plus. Envoyez des hommes pour l'arrêter, et ce sera un chapitre clos.

Lucius tourna un regard flamboyant vers lui, ses lèvres se tordant dans un sourire amer.

— Précisément. S'il n'est qu'un homme, je veux le voir de mes propres yeux.

César, insista Burrus, c'est trop risqué. Si cet individu est assez charismatique pour enflammer le peuple, il pourrait tenter de vous manipuler.

Mais Néron balaya ses objections d'un geste brusque.

— Je le ferai.

Il se détourna, fixant le brasero avec une intensité nouvelle, sa décision prise.

L'héritier DomitiusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant