Chapitre 13

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— Il va falloir qu'on y aille.

Les rayons du soleil caressent à peine ma joue par l'entrebâillement des rideaux fermés, que la voix de Jungkook achève de me tirer de mes derniers songes.

Groggy par le manque de sommeil étant donné l'heure à laquelle je me suis endormi, je tire davantage la couette sur ma tête et fais comme si je ne l'avais pas entendu.

— Tu es prévenu.

Des pas étouffés me parviennent, avant que je n'entende la porte de la chambre s'ouvrir et se refermer en silence.

Je reste un moment allongé, ne pensant à rien d'autre qu'au regard vitreux de la dépouille que nous avons trouvé hier soir.

Je pourrais en avoir la nausée, ressentir d'intenses palpitations, ou encore avoir le ventre tordu de douleur.

Mais rien. Je ne ressens qu'un immense vide qui chaque jour avale un peu plus ma dopamine.

Je ne cherche -pour une fois- pas à comprendre les raisons de cette émotion miséreuse. À la place, je choisis de me redresser tout en jetant un œil à l'écran de mon cellulaire qui repose à moitié sous mon oreiller.

J'ai quelques messages en attente de ma mère, rien de plus.

Même Isaé ne m'en a pas envoyé, mais ça n'a rien de surprenant.

Elle nous avait dit qu'elle laisserait son téléphone allumé au cas où, mais ce n'est pas pour autant qu'elle comptait prendre de nos nouvelles.

Quand elle va savoir ce qu'on a vu, et ce à quoi on a échappé par miracle...

Mais Jimin a déjà dû lui en parler.

Le pauvre, il avait l'air tellement mal... Le poids de la culpabilité me ronge les entrailles. Je m'en veux énormément de l'avoir mis dans cette situation alors qu'il ne voulait que m'apporter son aide.

Mollement, je déporte mon regard sur l'heure indiquée sur mon écran et me force à descendre du lit superposé.

Il est huit heures. J'ai cours dans trente minutes. Je ne sais pas si je parviendrais à m'habiller et à retrouver mon chemin pour rejoindre ma classe entre tous ces immenses dédales de couloir, mais je me réjouis déjà d'avoir loupé le petit déjeuner.

Je suis incapable d'avaler quoi que ce soit.

Les œufs brouillés m'auraient fait penser au visage de la jeune femme recouvert de ciment, et mes céréales au chocolat imbibées de lait à ses dents noircies par la décomposition.

Un haut-le-cœur me force à ouvrir violemment fenêtre et volet pour faire pénétrer un peu d'air frais dans mes poumons.

Je m'oblige à respirer calmement, inhalant les odeurs fraîches et fleuries que dégagent les pins et les arbustes aux alentours.

La pelouse en contrebas grouille d'élèves qui se ruent, sac sur le dos, cheveux dans le vent et semelles pleines de rosées, vers les portes de l'entrée pour s'engouffrer dans l'université.

Au loin, les lignes de bus fourmillent, recouvertes de véhicules au poitrail métallique qui laissent sortir des étudiants en direction de l'allée qui borde le terrain du campus.

Je les scrute, sachant pertinemment qu'ils ne seraient pas autant excités d'aller en cours s'ils avaient conscience de l'horreur qui a eu lieu entre les fortifications de leur prestigieuse école.

Mais je suppose que c'est un sujet que je vais être obligé de taire, sous réserve d'être véritablement expulsé de l'établissement.

Les narines un peu moins éprises de l'odeur putride que j'ai respiré hier soir, je finis par refermer la fenêtre, un peu à contre cœur.

𝐸𝑐𝑐𝑒𝑑𝑒𝑛𝑡𝑒𝑠𝑖𝑎𝑠𝑡【 TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant