𝐸𝑐𝑐𝑒𝑑𝑒𝑛𝑡𝑒𝑠𝑖𝑎𝑠𝑡【 Taekook

Chapitre 15

Je pense très sincèrement qu'il va falloir que je revois mes perceptions concernant le dosage. D'accord je ne suis pas très bon en maths, mais là je n'ai fait aucun effort, je l'admets.

Ça en devient même urgent quand je vois l'eau mousseuse du sceau que j'ai rempli à ras bord me tomber sur les chaussures.

Je rouspète, deux grosses éponges d'un vert inquiétant vissées sous l'aisselle, et continue de porter mon sceau à deux mains en essayant de ne pas penser à ma posture et à mon dos tout courbé.

Quasimodo devra me faire une place dans la cathédrale Notre-Dame-De-Paris. J'y serais peut-être heureux entouré de gargouilles. Il parait que ça forge l'imagination de leur parler.

Quoi qu'à ce niveau-là, avec mon trouble de l'attention, je suis déjà plutôt pas mal.

— Remplis-le davantage la prochaine fois.

Appuyé contre le muret à côté de ce fameux Jack, à tel point qu'on les dirait tous deux vivants et inséparables, Jungkook me considère d'un œil aiguisé en laissant ses prunelles embrasser ma silhouette.

L'épaisse brume grisâtre qui entoure son faciès m'indique avant même que je n'en sente l'odeur qu'il fume, et diable, je ne sais pas pourquoi, mais ça me plait.

— Déjà, il n'y aura pas de prochaine fois, je contre aussitôt en déposant le sceau à mes pieds, chassant les maigres divagations étranges qui veulent s'installer dans mon esprit aux côtés de toutes les autres. Et deuxio, je n'ai pas demandé ton avis.

— Je te le donne quand même. Il ne me semble pas avoir besoin d'une autorisation pour ça.

— Il t'en faudrait pourtant une, je m'obstine en laissant mon regard transpercer le sien. Ça t'éviterait de sortir sans arrêt des âneries.

Étonnamment, et comprenant sans aucun doute ce que je sous-entends, Jungkook ne cherche pas à renchérir.

Il finit son bâton de nicotine qu'il écrase contre le sol avant de ranger le déchet dans sa poche, puis récupère son éponge pour se mettre au travail dans un silence presque effrayant.

La mousse laiteuse et immaculée ne tarde pas à entacher le dessin de Jack Sparrow, qui fond petit à petit pendant que nous nous mettons à la tâche.

Mais j'ai beau frotter et y mettre toute la vigueur dont sont pourvus mes muscles, je sens l'intensité des orbes de Jungkook se poser de temps à autre sur moi et me réchauffer la peau.

Il a l'air de vouloir en parler, mais je sais très bien qu'il n'engagera jamais la conversation en premier.

— Tu sais, Isaé essaie juste de comprendre, je lui rapporte alors d'une voix douce. Jimin s'est rendu à l'infirmerie, et tu lui as parlé du cadavre sans prévention en amont. Elle ne se rend pas compte. Elle réagit simplement comme une personne normale qui apprend que son meilleur ami a vu un cadavre dans les parterres de l'université.

Jungkook reste muet pendant des brèves secondes, concentré sur la couleur rouge sang du bandeau de Jack qui dégouline le long du mur.

— J'ai juste du mal avec ce genre de personne, avoue-t-il enfin, sans me regarder. Une femme est morte, mais la simple mention du mot cadavre la met dans cet état ? Alors qu'elle n'a rien vu et qu'elle n'est pas concernée ? Que devrait donc dire celle qui a succombé à son bourreau ?

Malgré la faible pénombre, je vois ses phalanges se resserrer autour de la structure poreuse de l'éponge. La mousse désormais ébène recouvre les veines de sa main, avant qu'il ne se reprenne pour continuer à nettoyer.

Chaperonner du peu d'entrain dont il dispose, ses yeux restent figés sur l'illustration qu'il a sous le nez, comme si à force de la gratter, il espérait pouvoir disparaître à travers pour échapper à cette conversation, aux pensées qui ont l'air de le torturer et à l'environnement qui semble l'oppresser.