39-La Faim Ancienne

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Playlist :

Monsters - Ruelle

Eugénie

Les ténèbres pesaient sur eux comme un linceul. Dans les couloirs labyrinthiques d'Aerendel, l'air était froid et lourd, saturé d'une odeur ancienne, celle de la pierre et du sang séché. Eugénie dormait à moitié, lovée contre la paroi d'un tunnel, quand un bruit indistinct la tira de sa torpeur. Un frisson parcourut son échine. Ce n'était pas un son normal, pas un écho du vent s'engouffrant dans les galeries. C'était un souffle, un murmure furtif, un déplacement rapide à la lisière de l'obscurité.

Les anciens habitants, ces âmes déchues devenues des créatures sauvages, rôdaient. On ne les voyait pas vraiment. Juste des ombres mouvantes, furtives, presque invisibles dans la pénombre. Elle sentit un mouvement plus proche, un frôlement du vent contre sa peau. Son cœur se mit à battre plus vite. Puis elle vit les braises rougeoyantes de leur feu, vacillantes, prêtes à s'éteindre. C'était leur seule protection.

Eugénie sursauta et secoua violemment Lilianna.

— Réveille-toi ! Ils sont là !

Lilianna ouvrit les yeux en sursaut. Kaspiel, Constance et la fae du vent se redressèrent aussi, leurs regards encore embués de sommeil mais déjà inquiets. L'érudit, quant à lui, mit un instant de plus à comprendre ce qui se passait. Les ombres se rapprochaient, lentement. Un grognement sinistre s'éleva dans l'obscurité.

— Les braises ! s'exclama Eugénie en jetant une poignée de brindilles et de morceaux de tissu dans le feu mourant. Une flamme timide s'éleva, éclairant fugacement l'horreur qui se tapissait au seuil de leur campement. Les créatures reculèrent d'un pas, sifflant de rage face à la lueur renaissante.

— On doit partir ! Maintenant ! lança Lilianna.

Eugénie attrapa une torche et l'alluma en urgence. Une seule. Leur dernière.

Ils se mirent en marche précipitamment. L'érudit, dont les jambes fatiguées ne pouvaient supporter une course effrénée, s'appuya sur Eugénie et Lilianna. Chaque pas était une lutte contre la panique. Derrière eux, les créatures rampaient dans l'ombre, attendant le moment propice pour bondir.

Les tunnels défilaient, sombres et oppressants. Ils devaient faire vite. Eugénie sentait la chaleur de la torche contre sa peau moite, son souffle court se mélangeant à ceux de ses compagnons. Mais la flamme s'affaiblissait. Bientôt, elle ne serait plus qu'une braise mourante.

Un rugissement résonna dans le dédale et, dans la confusion, le groupe se dispersa. Constance, Kaspiel et la fae du vent furent entraînés dans un passage latéral, séparés des autres. Eugénie les entendit crier leurs noms, mais elle n'eut pas le temps de réagir. La lumière de la torche vacilla une dernière fois et s'éteignit.

Le noir total les enveloppa. Un hurlement inhumain déchira le silence, suivi d'un tumulte chaotique. Dans l'obscurité absolue, ils se perdirent les uns les autres. Des mains s'agrippèrent aux parois, des corps trébuchèrent contre la pierre.

Eugénie chuchota à l'intention de l'érudit de Psamides :

— Prenez de l'avance sur nous on va les retenir autant que possible.

Dans le noir total, l'odeur de pierre humide fut remplacée par celle de la peur et du sang. Puis les créatures attaquèrent.

Eugénie sentit une présence fondre sur elle. Sans réfléchir, elle sortit un couteau et frappa à l'aveugle. Une résistance, un râle guttural. Lilianna, à ses côtés, faisait de même, ses lames traçant des arcs invisibles dans l'obscurité. Les corps glissants et tordus des créatures les encerclaient, leurs griffes raclant la pierre dans une cacophonie stridente. Chaque coup porté semblait inutile, comme si elles n'étaient que des ombres insaisissables.

Âmes Étoilées Tome II [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant