32-Aerendel

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Playlist :

The Grudge - Olivia Rodrigo

Eugénie

Le désert s'étendait à perte de vue, une mer de dunes dorées que le vent sculptait sans relâche. Depuis des semaines, Eugénie et ses compagnes avançaient, bercées par les récits de la reine Constance, ces histoires d'un royaume tombé, d'un amour arraché et d'une guerre impitoyable. Chaque pas dans le sable brûlant semblait peser plus lourd que le précédent, et pourtant, une force indéfinissable la poussait en avant.

Lorsque les contours de la montagne se dessinèrent à l'horizon, le cœur d'Eugénie se serra. Une pression étrange l'envahit, une injonction venue d'ailleurs, un appel muet qui résonnait en elle et qui n'était pas totalement le sien. Asmédia, cette présence tapie au creux de son âme, s'éveillait. Une voix sans mots lui murmurait d'aller à l'Est, de suivre ce chemin, comme un instinct impérieux gravé dans son être.

Savez-vous ce que nous allons trouver par ici ? demanda-t-elle à Constance, la gorge serrée par une étrange appréhension.

L'ancienne reine fixa la montagne d'un regard d'or liquide, son visage marqué par des souvenirs plus anciens que le désert lui-même.

La dernière fois que j'ai vu cette montagne, je n'avais que treize ans... et j'étais aux bras du conquérant qui venait de massacrer mon peuple.

Sa voix ne trembla pas, mais Eugénie perçut l'ombre d'une douleur qui jamais ne s'était éteinte. Un silence pesant s'abattit sur le groupe. Le sable crissa sous leurs pas tandis qu'elles progressaient, seules dans l'immensité de ce monde implacable.

Lilianna, qui n'avait pas prononcé un mot de la journée, ouvrit soudain la bouche. Ses yeux hagards scrutaient l'horizon, cherchant peut-être des réponses dans les dunes infinies.

Où avez-vous trouvé la force de continuer de vivre ?

Ses prunelles luisaient de mille éclats, comme si mille âmes se reflétaient en elles. Eugénie détourna les yeux, incapable de trouver les mots pour apaiser cette souffrance qu'elle comprenait si bien. Lilianna n'était plus tout à fait là. Depuis qu'elles avaient pénétré ce désert maudit, sa magie s'était éveillée, s'était emparée d'elle comme un souffle glacé. Elle errait entre les mondes, son âme cherchant désespérément Kaspiel et Lorelye, à la frontière des vivants et des morts.

Nous sommes des femmes. Lilianna, la force vit en nous.

Puis, enfin, quelque chose changea. L'air, plus lourd, se chargea d'humidité. L'atmosphère devint plus douce, plus supportable. Le sable s'effaça peu à peu sous leurs pas, remplacé par une terre plus ferme, et le vent cessa de hurler pour devenir une brise fraîche, chargée d'odeurs inconnues. Devant elles, la montagne s'ouvrait, percée d'innombrables galeries telles des tunnels de fourmilières.

Et au cœur de ces entrailles rocheuses, la cité apparut.

Une merveille suspendue entre ciel et pierre, un entrelacs de ponts délicats, de tours effilées et de vastes terrasses ouvertes sur l'horizon. L'architecture semblait danser avec les vents, s'enroulant autour des courants d'air, des toiles de tissu légères flottant entre les habitations creusées à même la roche. Des moulins à vent tournaient paresseusement, diffusant un chant apaisant.

Eugénie sentit son souffle lui manquer. Il y avait, dans cette cité suspendue, une harmonie que le désert n'avait jamais connue.

Constance ouvrit grand ses bras comme pour présenter un trésor et d'une voix forte et claire annonça :

Âmes Étoilées Tome II [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant