Ma mère Albertine

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15 décembre 1913

10 h30 :

Cela fait longtemps que je n'ai pas écrit mais, les jours qui ont suivi l'avalanche se ressemblaient.

Ma mère Albertine est malade. Elle est allongée sur son lit de paille, le visage chaud et dégoulinant de sueur.

Elle a horriblement mal au ventre et à la tête. Mon père Henri s'inquiète affreusement pour elle, moi aussi d'ailleurs.

Faire venir le docteur de Bessans va nous coûter cher mais je n'hésite pas une seconde : une vie humaine vaut tous les sacrifices. Nous demandons à des voisins qui descendent à Bessans de le prévenir.

12h :

Ma mère souffre beaucoup. Nos voisins sont partis depuis 2 heures et demie à Bessans.

J'espère qu'ils vont rentrer rapidement...

Mon père prie : je l'entends, il demande que ma mère parte dans de bonnes conditions, que ses douleurs soient allégées et qu'elle trouve la paix.

J'ai peur...

Albertine nous demande de bien nous occuper d'Henry. Jeanne lui demande de ne pas accepter la mort et de se battre.

18 h :

Le médecin est là. Il nous dit qu'elle a attrapé la grippe.

Le cas est grave car il n'y a aucun remède à cette maladie qui fait souvent mourir les plus jeunes comme les plus âgés. Je suis triste, mon père est effondré. L'agonie: c'est ce que ma mère traverse en ce moment.

Les heures passent, la nuit arrive et devient épaisse et effrayante. Ma mère n'a plus qu'un souffle de vie, son teint est blanc, ses lèvres deviennent grises, elle ne réagit plus quand nous lui parlons. Le temps s'arrête...

Ma mère est morte...

Mon père semble déjà en deuil, Paul nous demande pourquoi mamie dort et quand elle va se réveiller. Jeanne lui répond « Mamie est partie dans un autre monde ». Je sens sa révolte et sa colère, Jeanne a un caractère affirmé pour son âge. Elle ne peut pas comprendre qu'on puisse mourir si vite, sans remède. Elle ne trouve aucun réconfort dans la religion, elle ne croit qu'aux Hommes et à ce qui est réel.

La vie va nous sembler bien vide sans notre doyenne...

Elle nous faisait des pulls si doux. Elle s'occupait de Juliette et Paul. Elle avait la connaissance des recettes de famille et son amour pour Henry était plus fort chaque jour. Elle va vraiment nous manquer.

Le journal d'un colporteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant