Retour à Avérole

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26 février1914

10h30 :

Mon chalet me paraît paisible et calme. Je descends de la colline et je vois Paul et Victor qui ne me remarquent pas ! Aurais-je donc tant changé en trois semaines ? J'appelle Paul, il me dévisage et me reconnaît enfin. Il saute dans mes bras et je l'embrasse. Que je suis heureux de les revoir enfin. Victor appelle Elisabeth. Du fond du chalet elle lui reproche ses hurlements et demande pourquoi il crie ainsi. En m'apercevant, elle lâche le seau qu'elle tenait à la main, crie de joie, m'embrasse et me dit à quel point je lui ai manqué. Je lui réponds qu'elle m'a beaucoup manqué aussi. Je reste mesuré car les enfants nous regardent !

Jeanne, toujours aussi discrète, me dit bonjour en se tenant éloignée comme si je n'étais parti que depuis 2 jours. Elle n'est pas très affectueuse, elle doit tenir de moi ! Cependant, dans son regard j'aperçois une envie folle de savoir ce qui m'est arrivé pendant cette absence et aussi une joie de me revoir en pleine forme.

Paul m'annonce qu'il est allé à l'école pour la première fois. Mon petit bonhomme est fier de lui. Quant à Juliette, elle a réalisé un exploit : elle marche enfin et prononce quelques mots, il va falloir que nous redoublions de vigilance pour la surveiller car elle semble attirée par la montagne comme un aimant. Je ne pourrais être plus heureux qu'à ce moment précis!

12h :

Nous dégustons un vrai festin ce midi : un petit agneau, du bon fromage de chèvre et un gâteau de Savoie en dessert. Je raconte l'histoire de Louis et de son timide apprenti, de la sœur du voisin, Mme Chappaz, qui m'a offert un toit et un couvert, de mon retour...et la nouveauté: je vais vendre des almanachs !

Après le repas, je m'écarte un peu de la famille pour aller offrir mon cadeau à Jeanne. Je la retrouve auprès du poêle en train de feuilleter l'almanach que j'ai apporté pour les miens. Je lui donne un petit paquet qu'elle ouvre rapidement comme une enfant de 7 ans. Émerveillée par le collier qu'elle met tout de suite autour de son cou, elle me remercie avec émotion pour ce cadeau.

Elle se dépêche de montrer le bijou à Élisabeth à laquelle je m'empresse de donner son paquet! Je lui tends mon présent, elle ouvre délicatement de manière à essayer de ne pas déchirer le papier de soie. En voyant le petit foulard aux couleurs de la Savoie, elle ne peut contenir quelques larmes et me dit pour la cinquantième fois à quel point elle m'aime mais cela fait toujours du bien de l'entendre !

Je suis content d'être là !

18h :

Élisabeth rallume le feu dans le poêle tandis que Jeanne apprend à Juliette de nouveaux mots « papa, sœur, frère, papy ». Il règne dans mon chalet une douceur de vivre délicieuse. Je n'ai pas faim ce soir.

Je commence à être un peu fatigué (j'ai marché toute la nuit dernière pour arriver le plus tôt possible). Je crois que je vais aller me coucher. J'embrasse toute la famille, je vais faire ma toilette avant d'aller me reposer jusqu'à demain.

27 février 1914

11h :

J'ai dormi comme un enfant cette nuit, je suis reposé et en pleine forme pour commencer à préparer les semailles de notre champ avec les enfants !

Je mange un morceau du gâteau d'hier et m'habille avec mes vêtements préférés : de vieilles guenilles plusieurs fois raccommodées pour travailler en extérieur. Plein d'entrain et de bonne humeur nous nous dirigeons vers le pré. Bientôt, quand la terre sera dégelée, nous pourrons semer graines de courges, salades, haricots et petits pois, oignons, persil, rhubarbes, pour faire de bons plats pour l'année à venir et vendre des légumes à nos voisins. Je suis heureux.

Je pense que je vais arrêter d'écrire pour pouvoir profiter au maximum de ces moments de sérénité. Cela fera le plus grand bien à ma main qui, depuis de nombreuses semaines, n'arrête pas!!!


Le journal d'un colporteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant