Le grand départ

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4 février 1914

15h :

Je vais préparer l'itinéraire pour mon grand départ. La liste des villes par lesquelles je vais passer pour aller vendre mes articles est bien longue, mais l'aventure me plaît :

Bessans / Lanslebourg / Bramans / Modane / Saint-Michel-de-Maurienne / Saint-Julien-Mont-Denis / Saint-Jean-de-Maurienne / Montmélian / Chambéry.

Quand j'aurai fait toute cette marche, eh bien je pense que j'aurai perdu quelques kilos !!

Je me fais tout de même du souci pour ma famille. Depuis l'avalanche, je garde sans cesse au fond de mon cœur une crainte. Heureusement, je peux compter sur nos voisins pour les aider en cas de problème. Je pars et je reviendrai. Les enfants vont bien grandir pendant ce mois. J'ai toujours l'impression de manquer des moments importants avec eux quand je pars longtemps ; c'est ça être père de famille !

5 février 1914

15h :

J'arrive presque à Lanslebourg. Ma marche se déroule bien : peu de neige, la température est douce pour un mois de février. J'espère garder les mêmes conditions longtemps. Mais la montagne est souvent capricieuse et le prochain changement de lune pourrait bien contrarier mon voyage.

Les adieux ont été tendres mais brefs, comme si je partais pour la journée seulement. C'est mieux ainsi. Jeanne aurait voulu partir avec moi. Je voyais briller dans ses yeux une lueur d'envie. Elle m'a fait promettre de lui rapporter un petit cadeau de Chambéry et, surtout, de tout lui raconter dans les moindres détails. La grande ville l'attire comme un aimant. Son caractère curieux s'accommode de moins en moins avec notre vie à Avérole.

Qu'allons-nous faire d'elle plus tard ? Je commence à me demander si elle acceptera de se marier un jour et de poursuivre sa vie au village. Elle a des idées bien à elle !

17h:

En arrivant au village, j'entends quelqu'un parler à un homme qui se prénomme M. Blanchon. Il est maître-ramoneur, un beau métier je présume...

Il va partir à Chambéry pour apprendre le métier de ramoneur à son jeune élève. C'est une chance qu'on ne peut laisser passer. Je vais leur demander si je pourrais me joindre à eux pendant le voyage... Un compagnon de voyage pour marcher, ce serait superbe : nous discuterions, nous nous raconterions notre petite vie et le temps semblerait moins long.

J'ai hâte de le lui demander...

Même Élisabeth serait soulagée d'apprendre que je ne suis pas seul pour ce grand périple.

« -Bonjour monsieur, je n'ai pu m'empêcher d'écouter votre conversation car moi-même je descends à Chambéry. Accepteriez-vous de faire le trajet avec moi ?

- Bien sûr. De la compagnie pendant ce voyage serait la bienvenue. Je n 'ai que mes ânes à qui parler, mon apprenti n'est guère bavard !

- Des ânes! Vous avez une charrette ?

- Petite, mais oui, j'en ai une. Nous partirons demain matin à l'aube ».

Nous décidons de nous retrouver une heure plus tard à la taverne pour dîner .

Je suis incontestablement le plus heureux des hommes. Une charrette ! Je ne pouvais rêver mieux pour aller à Chambéry. Je vais tout de suite en informer Élisabeth par courrier pour qu'elle le transmette au reste de la famille.

18h :

Je suis devant la taverne. Après avoir écrit ma lettre et l'avoir postée, je me suis rendu chez un boulanger pour acheter du pain pour le voyage et chez une amie couturière pour lui emprunter une couverture supplémentaire. Comme je vais voyager en charrette, le poids de mon bagage m'importe moins et autant ne pas attraper froid. Le tavernier nous propose gentiment d'occuper sa grange jusqu'à demain matin. Je vais sûrement passer une belle nuit dans la paille entre la charrette et les ânes ! Pourvu qu'ils ne ronflent pas !


Le journal d'un colporteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant