Le lien

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Jared


Elle me contemple, figée, la bouche entrouverte. Putain de merde... Il me faut cette bouche. Elle ne me quitte pas du regard, comme hypnotisée.

Enfin, te voilà bébé. Oui, c'est cet effet là que je peux faire aux gens...

Mais là, il se passe quelque chose de différent. Elle est belle. Vraiment belle. Et son visage se métamorphose au fur et à mesure que la Musique enfle et occupe l'espace, remplissant le vide pour le combler de notes et de percussions. Son regard se trouble et elle s'adoucit, comme réceptive au son. La férocité quitte ses traits pour laisser place à une multitude d'émotions qu'elle livre sans aucun filtre, à découvert. Et ça me fascine totalement. Inlassablement, mon regard revient sur elle pour épier ses gestes et les réactions de son corps. Et lorsque l'on passe au second morceau, plus électrique et plus explosif, c'est l'apothéose. Mes muscles se contractent au fur et à mesure que la tension monte, que le rythme accélère... et que sa bouche entrouverte laisse échapper un souffle de plus en plus court. Je vois sa poitrine se soulever à un rythme plus soutenu, suivant comme moi le tempo.

Merde alors...

Elle est vraiment bandante. C'est même pire que ça : il me la faut. Ça en devient une certitude. Je la veux attachée dans mon lit. Ce soir, demain, peu importe. Il me la faut absolument. Je caresse la guitare et mes doigts s'accrochent aux cordes comme s'il s'agissait d'elle. Je veux qu'elle comprenne qu'elle ne m'échappera pas. Ma bouche se fait plus sensuelle sur le micro, ma voix plus rauque. Je veux qu'elle soit sous mon emprise. J'entends des filles crier sur ma gauche, signe que ça fonctionne. Mais je m'en branle. C'est elle que je veux. Ce sont sur ses lèvres, à elle, que je veux entendre mon nom. Je plonge encore une fois mon regard dans le sien et j'ai l'impression de la voir frissonner. Pourquoi j'en tremble, moi aussi ? Nos iris s'accrochent et mon corps se tend encore contre ma guitare, comme aimanté par le bleu de ses yeux.

Teddy envoie l'entame du prochain morceau sans que nous ayons cessé de jouer, dans une parfaite continuité afin d'éviter de casser le rythme. Un sourire m'échappe lorsque je prends conscience du titre qu'on va jouer : "Dark desire". Un des titres qui cartonne le plus. L'histoire d'une femme aux pulsions inassouvies, qui se cache sa véritable nature, et dont la conscience vient chanter à ses oreilles pour réveiller ses fantasmes les plus profonds. Et je suis la conscience. Je chante ses instincts les plus sombres et son besoin d'évasion, pour la faire plonger dans le péché et la luxure. Les harmoniques et les basses évoquent le désir et le plaisir défendu, là où le synthé joue une longue mélodie chargée de faire monter la tension jusqu'à l'explosion.

Les premières notes résonnent en moi, me faisant vibrer comme ça ne m'était encore jamais arrivé. Pour la première fois, cette chanson prend vie devant mes yeux. J'ai envie que cette femme qui succombe, ce soit elle. Et j'ai envie qu'elle plonge avec moi.

Mes yeux se rivent au visage de la jolie brune qui me fait face. Elle frémit aussi aux premières notes, comme réceptive à la musique qui emplit la salle. Je l'observe, fasciné par ce corps qui réagit à chaque changement de tempo, à chaque vibration des basses, se laissant porter par la vague.

Merde, qui est-elle ?

Elle m'intrigue. J'ai envie de savoir comment elle crie quand elle jouit. Envie de savoir jusqu'où elle me laisserait aller si je la prenais violemment dans les loges après le concert.

Je serre plus fermement le manche de ma guitare et laisse s'échapper la mélodie. Ma flying gémit des sons obscènes et ma voix se veut plus rauque que d'ordinaire, alors que j'entame ce chant érotique et sensuel. Et une drôle de magie opère.

Bordel de merde.

Ça fonctionne.

Vraiment.

Ses joues s'échauffent et ses iris s'embrasent, me répondent en silence alors que je chante pour elle. Mon corps se tend à l'extrême alors que je sens monter la pression au fond de moi, en écho à l'image terriblement sensuelle que cette brune hyper canon me renvoie. Mes doigts se crispent sur le manche et je manque une fausse note lorsque sa bouche s'entrouvre encore, ses dents venant mordre sensuellement sa lèvre inférieure. Qu'est-ce qu'elle me fait ? Est-ce qu'elle a conscience de ce qu'elle est en train de me montrer, sérieux ? Est-ce qu'elle me chauffe vraiment ? Mes doigts pincent plus violemment les cordes alors que sa poitrine se soulève lourdement, révélant des formes qui finissent de m'achever.

Putain. De. Merde.

Je suis en train de bander en plein concert, devant des centaines de spectateurs qui ont les yeux rivés sur la scène. Cette putain de nana vient de m'afficher une gaule de malade en public.

Un mec qui pogote vient la bousculer, rompant immédiatement le charme.

Et merde, fais attention connard !

Elle secoue la tête comme si elle se sortait d'un mauvais rêve et s'empresse de lui lancer un regard assassin. Dans ses yeux, c'est la foudre et le tonnerre. Je retiens un sourire. Elle a vraiment l'air d'avoir un putain de caractère... Et ça me branche totalement. J'ai bien envie de dompter cette chatte enragée, histoire de sentir ses griffes s'enfoncer dans mon dos pendant que je la pilonnerais. L'image a quelque de très attrayant dans mon esprit...

Elle se tourne à nouveau vers la scène mais cette fois, elle ne me regarde plus. Ses mains délicates saisissent son appareil photo et elle se concentre sur Chase. Merde, j'avais déjà oublié : les photos. C'est comme ça que je l'ai amadouée. Et ça a l'air de sacrément bien fonctionner car elle mitraille mon bassiste avec beaucoup de sérieux, alors qu'il s'en donne à cœur joie devant elle : il en rajoute et prend la pose. Mais ça a l'air de lui convenir car elle enchaîne les clichés, concentrée à ce qu'elle fait, imperturbable devant toutes les provocations de Chase qui s'éclate comme un damné.

Bon, allez ma jolie, je vais la jouer fair-play et on va-t'en donner pour ton compte.

Je claque violemment les derniers accords du morceau et retire mon tee-shirt. Pas besoin de me forcer, il me collait déjà à la peau. Notre petit échange de regards a eu le mérite de faire monter en flèche la température dans la salle. J'entends les filles sur ma gauche hurler et je leur balance le bout de tissu avec un regard appuyé, ma spéciale. Il y a la fille du pont avec la bouche bien salace, et elle me fixe comme si j'étais dieu sur terre. Habituellement, ça m'aurait fait triper et j'aurais joué avec elle. Mais là, la donne a changé. Il y a un gros enjeu ce soir, et la fille que je convoite est bien au-dessus. Elle semble au-dessus de tous les défis féminins que j'ai pu me fixer jusqu'à présent...

Dommage pour toi ma belle, j'ai changé de cible ce soir.

Et je me détourne et reporte mon attention sur elle, la fille pour qui je vais jouer le prochain morceau. La brune incendiaire au regard de braise et au corps de déesse. Elle est à mes pieds, son appareil photo à la main et l'air concentré.

Parfait, que le spectacle commence...

Never Break  Partition 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant