Je visite uniquement la tombe de ma mère quelques jours dans l'année : pour son anniversaire et pour l'anniversaire de sa mort. Déjà, je n'y reste pas longtemps. Je pose des fleurs sur sa pierre et lui dis qu'elle me manque et après ça mon père et moi quittons l'endroit. Ce n'est pas qu'elle ne me manque pas ou que je ne l'aime pas ; c'est juste que je trouve que c'est compliqué de rendre visite à une mère que j'ai difficilement connue (elle est morte quand j'étais juste un enfant). Aller sur sa tombe au milieu de l'été est un peu anormal.
Iris et moi ne parlons pas depuis que je l'ai menée à travers l'allée, mes yeux parcourent rapidement les épitaphes (N/T : inscription funéraire placée sur une pierre tombale) avant que je ne lise le nom de ma mère, alors je m'arrête.
Les fleurs que mon père et moi avions laissées la dernière fois sont fanées et broyées au pied de sa tombe, leurs tiges sont desséchées et les fleurs décolorées. Quelques mauvaises herbes et plantes grimpantes les enveloppent autour de la tombe, la salissant.
Je fixe l'épitaphe. Je l'ai lu tellement de fois, je l'ai mémorisée. Bien que ce ne soit pas surprenant, je mémorise le moindre détail même si je ne le veux pas. C'est l'une de ces choses que je ne souhaite pas avoir à mémoriser.
Je n'aurais pas dû amener Iris ici, avec moi.
C'était une idée ridicule. Qu'est ce que je fais ici déjà ? Pensais-je que ma véritable mère pouvait m'aider avec mes questions imminentes autour de ma belle-mère ?
"Tu vas bien, Niall ?"
La voix d'Iris est un discret fredonnement dans le silence du cimetière. Comment pourrait-elle comprendre quelque chose à propos de ça ? Elle pense que je suis injuste d'être furieux envers Debbie de toute façon.
Un mélange d'émotions se bat dans mon esprit et j'essaie de ne pas le montrer sur mon visage.
Je suis en colère, triste et confus, et avoir Iris se tenant derrière moi me rend encore plus confus. Je n'ai jamais ressenti autant d'émotions si fortes à la fois. Je déteste ça. J'aimerais que ça s'arrête.
"Tu veux...lui parler ?"
Iris essaie, je lui donne bien ça. Ce n'est pas nécessairement une réussite.
"Non " Je dis.
"Tu veux que je te ramène chez toi ?"
" Non "
"Hey...regarde-moi "
Je le fais. Ses cheveux sombres s'envolent au-dessus de ses épaules avec le vent et ses lèvres roses gercées sont fixées dans un froncement de sourcils, ses yeux marron brillent avec une sorte de sympathie que je n'avais jamais vue avant.
"Quoi "dis-je
"Dis-moi ce que tu veux faire "
Je regarde une nouvelle fois la pierre tombale de ma mère. Qu'est ce que je veux faire ?
"Rien " Je dis et m'assois, et je sais qu'Iris pense que j'agis curieusement et que quelque chose doit va mal mais elle s'assoit à côté de moi et nous fixons la pierre de ma mère tous les deux en silence.
"Parle-moi d'elle " Dit Iris.
"J'étais jeune quand elle est morte " je dis. "Je ne m'en souviens pas beaucoup "
"Tu as une mémoire eidétique " dit-elle " Évidemment que tu t'en souviens "
Elle a raison, et elle le sait. Je soupire.
"Bien " Je dis. " Elle avait l'habitude de m'amener à la bibliothèque quand je le voulais parce qu'elle était la seule qui comprenait réellement ce qu'il se passait dans mon esprit. Je ne sais pas comment, mais elle comprenait que j'avais une mémoire eidétique et elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour l'améliorer pour moi. Avec le temps, on lui a diagnostiqué un cancer, j'en savais plus à propos de la souche et de ses problèmes qu'elle et que mon père."
"Ton père ne te comprend pas autant que ta mère l'a fait ?"
"Non. Il ne pouvait saisir ma mémoire eidétique. Quand j'ai grandi, il était meilleur et essayait de comprendre comment j'étais supposé être, mais il n'a jamais vraiment rattrapé le coup. Je pense qu'il souhaite toujours avoir un fils normal qui fait du sport et qui aime jouer dans la boue... "
" Comment le sais-tu ? "
"Il m'encourage tout le temps d'être ami avec...ugh...Jake. Il me dit d'aller chez lui parce que lui et son père lancent une balle de baseball ou parce que Jake fait une fête je devrais y aller. Il veut un fils comme Jake. Il l'aura probablement "
Iris ne dit rien pendant un moment. "Niall, tu ne peux pas être si dur envers ton père. Il t'aime vraiment, s'il t'a grondé pour ta consommation d'alcool quand tu es techniquement un adulte, par exemple. Je ne pense pas que tu peux être tout à fait juste " Sa voix est douce et transportée avec la brise.
"S'il m'aimait, il n'emménagerait pas avec Deb-"
"Ecoute celle qui n'a jamais eu de propres parents " dit Iris "Fais-moi confiance, ton père t'aime. Mais il veut également être lui aussi heureux, et c'est pour cela qu'il emménage avec Debbie. Il essaie de son mieux que tout le monde soit heureux, incluant lui "
" Je n'y compte pas d'ici la fin d'août. Je partirai et il pourra avoir Debbie et ce stupide zygote (N/T : fusion entre les deux gamètes, soit le spermatozoïde et l'ovule) qui se développe dans l'utérus de Debbie. Je m'en fous "
"Tu ne te soucies vraiment pas de qui tu vas quitter ? " dit-elle
"Non, je ne m'en soucie pas. J'ai attendu d'aller à l'université depuis que j'ai douze ans "
Je regarde la pierre tombale de ma mère et pense que si elle n'était pas morte, les choses auraient été mieux. J'aimerais avoir grandi avec une mère qui comprendrait ma mémoire eidétique et un père qui ne se remarierait pas tout le temps, et j'aimerais être plus heureux. Si seulement son cancer n'était pas pancréatique, une souche mortelle. Si seulement nous l'avions repéré un peu plus tôt, du moins. Les choses auraient été complètement différentes.
"Allons-y" Je dis et me lève. Iris me regarde depuis le sol.
"Tu es sûr ?" Elle demande doucement.
"Oui. Je ne sais pas pourquoi je t'ai fais me conduire ici. Désolé "
"C'est bon" Elle étend ses bras vers moi et je la regarde confusément.
"Tu peux m'aider à me relever ?" Elle clarifie, souriant à moitié.
Je prends une profonde respiration avant de prendre sa main et l'aider à se lever. Elle se coiffe d'une main après s'être élevée à sa propre hauteur, gardant ma main dans la sienne.
J'essaie de la retirer, ma germanophobie commence à se faire ressentir, mais elle ne la lâche pas. Elle me regarde dans les yeux, étirant sa seconde main pour me tapoter légèrement sur la joue.
"Tout ira bien " elle dit. J'ai envie de la croire, mais je savoure plutôt ma propre pitié un peu trop longtemps. Je ne dis rien, même si mon rythme cardiaque augmente avec la présence d'Iris. J'essaie d'hocher la tête doucement, pour l'informer de son toucher sur ma peau.
Elle me sourit, délaissant ma main et nous commençons à marcher hors du cimetière ensemble. Je dis à ma mère que je l'aime dans ma tête et j'espère qu'elle m'entend.
