La musique à fond dans sa chambre elle montait avec douceur et délicatesse le long de ce grand ruban rouge. Les yeux fermés elle se laissait surprendre par le sentiment de liberté qui l'envahissait lorsqu'elle se laissait tomber. Glissant délicatement ses pieds hors des boucles qu'elle avait créé, pour en reformer d'autres à peine deux mètres plus bas. Elle tournoyait à présent dans le vide, se laissant aller au rythme de la musique. Jamais elle n'ouvrait les yeux, elle trouvait cet art plus beau ainsi. C'était cela son monde, son art.
Ne se préoccupant pas de la personne qui venait d'entrer elle continua à danser dans les airs, tel un magnifique papillon qui chercherait à se poser. Une fois la musique finie elle monta tout en haut du drap puis s'assit sur un trapèze qui avançait et reculait comme pour essayer de créer une musique silencieuse. Elle ouvrit, par la suite, ses yeux. Ils étaient d'un bleu unique, et se mariaient à merveille avec ses cheveux couleur or. Elle baissa la tête et ne fut pas surprise de découvrir quelqu'un dans sa chambre, comme si elle l'avait vu entrer, ou bien comme si elle l'avait entendue. Ce qui était bien évidement impossible puisque ses yeux étaient fermés et sa musique était la seule chose audible. Elle sourit donc au jeune homme puis lui demanda :
- Salut, tu fais quoi ici ?
- Bonjour, hum c'est ta mère qui m'a autorisé à venir te voir.
Elle lui sourit, puis il reprit :
- C'était magnifique.
- Merci, mais il y avait néanmoins beaucoup d'imperfections.
- Non, j'ai trouvé cela harmonieux et poétique.
- Ce n'est pas quelque chose que l'on voit, les imperfections se ressentent. Ce n'est pas une simple impression, je dirais que c'est comme un sixième sens chez moi.
Après ces mots elle se décida enfin à rejoindre le garçon qui était debout sur le parquet de sa chambre. Elle lui demanda timidement si il voulait s'asseoir. Il répondit « oui » d'un signe de la tête, elle fit donc descendre les deux sièges. Ils s'assirent puis elle commanda à la machine de remonter les sièges. A peine eurent-ils quittés le sol qu'elle posa délicatement sa main sur les yeux du jeune homme, puis elle lui demanda :
- As-tu peur du vide?
-Oui pourquoi ? Répondit-il d'un ton qui cachait une sorte de honte.
-Tu n'as pas peur si tes pieds sont à deux centimètres du sol?
-Non, bien-sûr que non.
-Et si ils sont à trois mètres tu as peur ?
-Oui... Mais pourquoi ces questions ?
-Ouvres les yeux, et regarde sous toi.
-Mais tu es folle! Fais moi descendre tout de suite ! Ordonna-t-il prit de peur.
-Ferme les yeux.
Après une trentaine de secondes de silence elle lui dit d'un ton calme :
-Nous sommes à nouveau à deux centimètres du sol, tu n'as plus peur ?
-Non c'est bon merci, j'ai une question.
-Oui ?
-Pourquoi me demandes-tu de fermer mes yeux ?
-C'est pour te prouver que tu n'as pas peur du vide, tu as peur de souffrir. Oui, tu as peur de tomber, de te faire mal. Tu as affreusement peur de souffrir, tu es quelqu'un de bien tu sais ?
-Et pourquoi serais-je quelqu'un de bien ?
-Car tu as peur, peur de souffrir mais aussi de faire souffrir. Tu as peur de mourir, car tu as peur de faire souffrir ta famille, tes amis. Tu les aimes, tu les aimes d'une telle force. Tu ne veux pas courir le risque de les blesser, alors tu restes dans une sorte de bulle de sécurité. Tu t'habitues à un quotidien, pour que tout se passe comme ça doit se passer. Mais tu sais, même ton quotidien est dangereux, tu as peur quand tu traverses une route ?
-Bien non .
-Et pourtant tu pourrais glisser au moment où un bus arrive, tu pourrais te faire frapper par la foudre, tu pourrais te faire renverser par une personne ivre. Et puis dans le pire des scénarios la terre pourrait s'écarter sous tes pieds, formant une faille, et tu pourrais tomber dedans et être confronté à ce vide qui te fait si peur. Et malgré ce que je viens de te dire tu vas continuer à traverser les routes, car tu n'as pas le choix. Tu le ferras puisque c'est dans ton quotidien. Sauf que tu auras une certaine peur en toi.
-Tu as raison, et ça, ça me fait peur. Et toi, de quoi as-tu peur ?
-J'ai peur des gens, j'ai peur de la vie. J'ai peur des gens car je suis incapable de m'empêcher de les analyser, je suis incapable de rester en leur présence. J'ai peur d'eux, j'ai peur de ce qu'ils sont capable de faire. J'ai peur de fonder un espoir en eux, et de m'être trompé. J'ai peur de l'échec.
-On dirait que tu parles de choses que tu as déjà vécus.
-Tu n'as pas tort.
-Tu ne veux pas m'en dire plus ?
-Tu as entendu ? Il faut que tu ailles manger. Vas y avant que ça refroidisse.
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Apprends moi à vivre. Apprends moi à voler.
Roman pour AdolescentsVivre c'est avant tout avoir peur. Et si un jour nous décidions de vivre sans cette peur? Elle était unique à avoir ce pouvoir, mais elle aussi avait peur. Voilà l'histoire de deux adolescents qui décident d'apprendre à ne plus voir le monde comme a...