Chapitre III : Une voix silencieuse

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14h40. La ville rayonnait. Les quartiers étaient animés, tout le monde riait de bon coeur ou discutait. Dans un coin, une jeune fille semblait figée dans le temps, comme une photo instantanée. On ne pouvait la voir bouger un cil ou même respirer. Elle avait de grands yeux verts tristes, ses lèvres rosées semblaient incapables de s'ouvrir et ses cheveux blonds étaient séparés en deux couettes attachées par des élastiques fuchsias. Elle était très mince et portait une robe rayée bleue et blanche avec des motifs d'étoiles et de planètes. Ses jambes étaient couvertes de bas blanc en dentelle, et elle avait à ses pieds des chaussures compensées, l'une fuchsia, l'autre verte. On pouvait estimer son âge à 16 ans, cependant elle serrait contre elle une peluche usée tout en tremblant.
Tout à coup, son nez frémit. Elle ferma les yeux et se laissa guider par son odorat. Elle traversa des rues entières, bousculant quelques dégoûtants humains au passage sans vraiment sans soucier. Elle était obsédée par cette odeur si forte et prenante, elle ne pensait qu'à ce parfum, souhaitant voir quel en était la source. Dans cette hypnose, elle lâcha sa peluche, ne s'intéressant plus à rien d'autre. L'odeur se fit plus forte, plus entraînante. Des formes se dessinèrent dans son esprit : celles d'un paradis personnel qui lui tendait les bras. Elle accéléra le pas, et arriva alors à la source de son émoi. Elle ouvrit grand les yeux et se trouva nez à nez avec une fille aux yeux de chats, Fuzaï.
Yoru, derrière, ricana :
- "Tu attires bien du monde dit donc !"
La jeune fille resta sans voix, impressionnée par la prestance de Fuzaï. Celle-ci la dévisagea en marmonnant :
- "Qui es-tu ? Ton tamachi est aussi blanc et flou que du brouillard."
La jeune fille perdit ses moyens, elle ne semblait pas comprendre. Elle attrapa une petite branche par terre et l'utilisa pour dessiner des formes dans le gravier.
"Tsu...ki ? C'est ton prénom ? Tu ne peux pas parler ?" continua Fuzaï un peu troublée.
La jeune fille hocha la tête deux fois et sourit en tendant sa main en direction de Fuzaï. Cette dernière lui prit la main, et lui sourit en retour. Tsuki traça une seconde fois des lettres dans le gravier.
"Je suis muette et malentendante" lit Yoru.
Fuzaï le regarda puis la regarda pour lui parler en prenant soin de bien articuler chacun de ses mots en parlant plutôt fort pour que Tsuki puisse comprendre :
"J'ai des courses à faire. Que dirais-tu de venir avec nous ensuite ? Tu as une famille ?"
Le regard de Tsuki perdit de son intensité à l'écoute du mot "famille" et hocha la tête pour répondre à la première question et écrivit qu'elle était orpheline avec son bâton.
Yoru lui prit la main et la regarda en souriant :
- "Tu peux rester avec nous si tu veux. Enfin si Fuzaï veut bien." Dit-il en se tournant ensuite vers la susnommée. Fuzaï donna son approbation d'un air un peu anxieux.
Elle demanda ensuite à Yoru d'amener Tsuki et ses affaires dans la cabane, en ajoutant qu'elle les rejoindrait ensuite. Il accepta et tout les deux disparurent dans la foule. Fuzaï mit sa capuche, remonta ses chaussettes blanches et sauta sur un muret. Elle escalada ensuite le mur d'une maison pour se retrouver sur le toit. D'ici, les humains n'étaient que de dégoûtants cafards grouillants qu'il fallait écraser. Fuzaï analysa les environs avec ses yeux de chats à l'affût tout en marmonnant :
"Un jour, cette ville brûlera et tous ces misérables humains connaîtront enfin la violence."
Elle sauta d'un toit à l'autre tel un chat en laissant tomber quelques tuiles sur son passage en espérant que l'une d'elle s'écrase sur la tête d'un enfant. Trouver le matériel dont elle avait besoin ne serait pas chose facile, car tout était régulé ici. Elle s'arrêta et sortit dans sa poche un bout de papier en boule. Elle le déplia et lit sa liste de fourniture :
"De la nourriture, du jus d'orange, un sac à dos, un couteau, du jus d'orange, un briquet, du papier et des crayons, du jus d'orange, une ou deux couvertures, du jus d'orange..."
Elle ricana au vue du nombre de bouteille de jus d'orange qu'elle désirait. Elle avait une obsession étrange pour le jus d'orange depuis son plus jeune âge et cela restait sa boisson principale en toute circonstances. Pour la nourriture et le jus d'orange, elle irait au supermarché. Pour les plaids elle irait à la literie. Pour le sac à dos, elle irait dans un magasin de sport. Pour le papier et les crayons, dans sa chère boutique d'arts. Pour ce qui est du couteau et du briquet, c'était plus compliqué.
Elle acheta alors un sac marron en premier pour stocker la suite de ses achats puis se rendit à la literie où elle prit trois plaids. Elle acheta toutes les provisions dont elle aurait besoin au supermarché et fit un tour dans sa boutique favorite. Après avoir coché la plupart des choses sur son bout de papier froissé, il ne lui restait plus que le couteau et le briquet. Comment trouver ces objets rares et interdits ? 

TamachiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant