Chapitre 5

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On dirait que je suis tombée dans une caverne naturelle, dont je ne peux apercevoir le fond. C'est le moment d'allumer ma mini-torche. Je me mets à quatre pattes et me glisse prudemment dans ce conduit rocheux, guidée par le bruit hypnotisant de cette eau invisible. Le sang palpite sous mes tempes et mes sens sont aiguisés par l'attente et l'appréhension. Que vais-je découvrir au fond de cette caverne, un nid de serpents venimeux, une portée de caracals, les lynx du désert, dont la mère va me déchiqueter de ses crocs et ses griffes pour défendre puis nourrir ses petits... ou une momie bardée d'amulettes et qui lancera sa malédiction sur moi ?

Dix mètres que j'alterne à quatre pattes et en rampant dans ce tunnel quand le plafond cesse de me racler le sommet du crâne pour s'élever d'un coup. Je peux enfin marcher un peu penchée. L'épaisseur de roche isole si bien qu'on se croirait dans un réfrigérateur réglé à cinq degrés. Il ferait presque froid et des frissons me parcourent sous mes vêtements trempés de sueur. La pente devient plus raide et je débouche dans une sorte de grotte où je peux me tenir debout. Je souffle comme un vieux bœuf, je suis plus desséchée qu'une momie et mes muscles sont proches de la tétanie. Mais au moins jusqu'à présent, je n'ai pas fait de mauvaises rencontres. Je parcours du faisceau de ma lampe les parois autour de moi et plus loin à ma droite, la roche est lessivée par des filets d'eau qui s'écoulent paresseusement en direction d'une espèce de vasque naturelle. Puis l'eau qui en déborde s'échappe à nouveau à l'arrière de la vasque, s'infiltrant au travers des rochers par un chemin inaccessible. Je m'agenouille, forme une coquille avec mes paumes et je goûte cette eau, en espérant qu'elle ne soit pas hyper salée par le Natron ou encore polluée par des infiltrations d'engrais chimiques. Mais c'est de l'eau douce, sans arrière-gout suspect, bien filtrée par son passage dans la roche. Alors je bois avidement, je bois avec reconnaissance envers ce cheval blanc incroyable qui m'a comprise et amenée vers cette source. Comme j'aimerais la revoir !

Maintenant que je suis bien réhydratée, je peux repartir en arrière, sortir de cette caverne et reprendre mon chemin pour retrouver la civilisation. Tiens, quelque chose de dur vient de se dérober sous ma chaussure en crissant sur un caillou. On dirait un anneau, lié à un autre... c'est une chaîne en métal ! Un autre être humain s'est donc aventuré dans cette caverne avant moi ?

Je marche en canard en suivant le chemin indiqué par la chaîne, que j'égrène entre mes doigts comme un chapelet en évitant de me blesser aux éclats de rouille. À son extrémité, elle est rivetée dans le rocher, non loin de la vasque. Je fais volte-face et je remonte le chemin de la chaîne, me demandant bien où elle va me mener. Bam ! évidemment dans ces ténèbres plus épaisses qu'une soupe de pois chiches, je ne pouvais pas deviner qu'il allait encore falloir que je rampe ! Je masse mon front et me transforme en serpent pour me glisser sous une nouvelle arche. Je progresse prudemment, la pente remonte légèrement je fais quelques virages qui achèvent de me désorienter. Puis j'aboutis dans un passage où je peux me remettre debout. Je m'étire en faisant craquer mes vertèbres et mon avant-bras heurte quelque chose derrière moi. Je distingue un bout de bois, enchâssé dans un réceptacle sans doute métallique riveté dans le rocher. Je le renifle et identifie une odeur de brûlé ancienne à son extrémité : ce devait être une torche. Je poursuis mon exploration en suivant le trajet de la chaîne. Du rocher, du rocher... la chaîne s'arrête net, sur un dernier rivet. Je poursuis l'examen des lieux. Du rocher, du rocher.... du bois ! Du bois presque plat, une planche debout, d'autres planches... une porte ?

Je cherche une poignée pour ouvrir cette mystérieuse porte, avant de m'apercevoir que ces planches semblent avoir été juste dressées là, sans être jointes... pour cacher ou pour boucher quelque chose derrière ? Je les déplace le plus délicatement possible, découvrant un étroit couloir rocheux. Je m'y engage avec précaution. Le couloir m'encadre de tous les côtés mais je peux m'y tenir debout. Il me semble plus régulier que les passages que j'ai franchis jusqu'à maintenant, sans doute aménagé de main d'homme. Je n'ai d'autre choix que d'avancer droit devant moi, le cœur battant...

Mes orteils butent sur un obstacle. Une sorte de plateau. Plus loin, plus haut, un autre plateau... un escalier taillé. Je grimpe les marches irrégulières avec une grande prudence, avant de me heurter à ce qui semble être une deuxième porte. Je pousse doucement dessus pour voir si elle s'ouvre, mais le bois doit être si vermoulu qu'il cède aussitôt dans un craquement sinistre. Une pile de bouts de planches et d'objets non identifiés s'affalent dans un boucan infernal. De la poussière accompagnée d'une puissante odeur de moisi m'envahit les narines et je redescends en panique quelques marches tout en éternuant sauvagement. Une pensée terrible m'assaille : est-ce que je viens de commettre ce qu'un archéologue ne se pardonnerait jamais ? Si je venais de briser un sarcophage de bois et de détruire la momie qui y était abritée, j'aurais profané un lieu sacré et saccagé une découverte majeure !

Le temps que le vacarme et la chute d'objets s'apaisent, je tente de retrouver mon calme. Mon âme d'archéologue en herbe s'est emballée à l'idée de découvrir une ou plusieurs momies, agrémentées d'objets funéraires hyper précieux ! Méthodique, je dégage un passage sur les marches en les remontant, tout en recensant ce que je trouve. Ceci semble être des tissus, autrefois pliés, qui ont tendance à se déliter en charpie. Je les dépose sur le côté. Cela, des débris d'un objet en céramique, de la terre cuite sans doute. Là, un gobelet en bois fendu. Pour l'instant, ni ossements, ni bandelettes, ni vases canopes ou amulettes. Plutôt des objets banals de tous les jours. Quelqu'un a donc habité ici dans le passé... Hou là, quels secrets vais-je bien découvrir plus loin ?

Chevaux de légende Tome 2 :Amira, Princesse d' ÉgypteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant