Chapitre II

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J'étais nerveuse. J'avais fait entrer les deux hommes, leur avait proposé à boire( ce qu'ils avaient refusé gentiment). J'étais à la fois curieuse de connaître les détails et horrifiée par l'idée même de décès.

-Erica - permettez-vous que je vous appelle comme ça?

-Bien sûr.

Allez, viens en au fait, beau gosse. Son collègue aux joues rondes me répondit:

-Dans ce cas, je me présente: Thomas Heber, et voici mon collègue Alexis Brechtler.

J'acquiesça brièvement de la tête.

-Bon, allons droit au but, fit enfin le dénommé Alexis. Connaissiez-vous Fabien?

Nous y voilà. Oui, fabien, mon petit fabien.

-Oui. On étais plus ou moins amis au lycée, et comme nous habitons dans la même ville on se croisait souvent. On est devenus plus proches une fois ici, enfin, une fois... adultes.

-Je vois. Comment était-il?

-Comment ça?

Je me sentis bête, mais il me sourit pour me rassurer. Il devait sentir que je n'étais pas à l'aise. En même temps, je n'accueillait pas tous les jours la police chez moi...

-Avec les autres, ou socialement si vous préférez. Est-ce qu'il se faisait facilement des ennemis?

Je fronçais les sourcils. Est-ce qu'il aurait été assassiné? Non, je me faisais des idées. Pas ici, dans notre petite ville où tout le monde connaît tout le monde.

Je leur répondis qu'il était plutôt timide, le genre de gars qui, au lycée, ce faisait traiter de nul et qui devenait vite invisible. Mais on avait étés une fois à côté en maths - oh matière horrible!- et il était très gentil. Maintenant, il est...non il était... assez taciturne, mais plus ouvert. L'âge lui avait fait perdre un peu de son besoin de plaire aux autres.

Ils partirent après deux ou trois autres questions, sans oublier de me donner leur numéro de travail, et c'est avec dommage que je vis le bel Alexis partir de ma vue. Je secouai la tête. Fabien n'était plus là et je ne pensais qu'aux mecs?

Mais je n'arrivai pas à réaliser sa disparition.

Je me mis à râler. Qu'est-ce qu'il fou, Jay, merde? Un petit copain ne disparaît pas comme ça du jour au lendemain. Je tentai de l'appeler, mais je n'eu aucune réponse.  J'esseyai une fois, deux fois, trois fois, mais rien.

J'espère qu'il est pas en train de cuver après une soirée bière avec ses potes, parce que cette fois je ne le laisserai pas passer. Merde. Jay, t'es où?

J'ai besoin de toi.

 Quelques heures plus tard, je décidai de passer voir ses parents. Jay et moi étions ensembles depuis longtemps, quatre ans maintenant, et nous nous connaissions bien. Eux pourront sûrement me dire où il est passé... Je ramasse mon sac favori, et y fourre portable, gants- au cas où-, tics tacs et mouchoirs. Ceci fait, j'enfile mon écharpe chaude et sort de chez moi. Aussitôt, le froid me fait frissonner.Malheureusement, je n'ai pas encore de voiture, faute de moyens. Je saute alors dans le premier bus venu et descend a la ville voisine: Taëllunjen.

J'arrive donc rapidement à leur petite maison, et sonne. Pas de réponse. Je réessaye, et des éclats de voix me parviennent. Puis une petite voix fluette que je connais bien me demande de décliner mon identité. Ca m'étonne. Coraline, la mère de Jay donc, a toujours été agaçante et parano mais jamais à ce point là.

-Euh... Erica.

-Tu a une preuve?

Cette fois, j'étais sur le cul. Qu'est-ce qui lui prenait? Heureusement j'entendis Serge lui dire ''d'arrêter son cirque'', qu'elle n'avait qu'à regarder par la petite fente de la porte. Non sans prendre quelques secondes pour vérifier, elle m'ouvrit enfin. Alors, elle me sauta dessus comme à son habitude pour faire un de ses cinémas:

-Oh, mon dieu Erica, si vous sa-viez! ( elle détachait chaque syllabe de manière à les accentuer). J'en suis encore toute chamboulée, voyez vous même!

Je soupirai intérieurement et décidai de jouer le jeu.

-Qu'est-ce que qui se passe?

-Il se passe, dit-elle d'une façon qui m'irrita, qu'un meurtrier court dans les rues et que notre voisine c'est fait violenter, ce matin même! Non mais qui l'aurai dit? Dans notre ville tranquille, de tels tourments! Assis toi, je vais tout te raconter. Ma voisine Pétunia était chez elle- elle ne sort pas beaucoup, tu vois, elle est assez fainéante. Elle dit que quelqu'un est alors rentré chez elle puisque cette fainéante ne ferme jamais sa porte et elle se serait fait agresser! Si Serge n'était pas allé lui rendre visite par hasard, elle serait peut-être morte à l'heure qu'il est. L'intru est parti dès qu'il a entendu mon Serge.

Elle s'assit théâtralement à côté de moi. Coraline avait une énorme tendance à tout exagérer, mais je m'inquiétais dans le fond de cette nouvelle.

-Eh ben...fis-je. Un... attends, tu as dit un meurtre, là? Fabien a été tué?

La femme allait prendre sa respiration pour se lancer dans une nouvelle tirade. Serge l'arrêta en plein court:

-C'est une ''intuition'' de Coraline.

-Pas une simple intuition, je sens que c'est vrai. J'ai un certain don pour ces choses là.

Bien sûr. Automatiquement, je jettai un œil aux photos sur les murs. Autrefois, Coraline avait été une grande actrice. Une fois à la retraite, elle n'avait pas supporté de quitter la scène, si bien qu'elle semblait toujours interpréter tel ou tel personnage dès qu'elle ouvrait la bouche. C'était parfois franchement ridicule. En entrant dans une pièce, elle rejetait les épaules en arrière et souriait comme si elle allait sur scène. Certes, peut-être qu'elle avait été douée à une époque, mais elle m'énervait avec ses grands airs.

-Qu'est-ce qui c'est passé, alors? Je n'y comprends rien. Je n'ai pas osé poser des questions à la police quand ils sont passés me voir... j'étais sous le choc...

-La police est venue voir la petite amie de mon fils? s'exclama aussitôt Coraline. Et pourquoi ça?

-Je n'en sais rien. Je le connaissais un peu, c'est tout.

-Une fois encore, je vais tout t'expliquer (oh non, qu'elle m'agace! Serge, pitié!), dit-elle avec un soupire théâtral. C'était hier soir. Ce vieux Montobus, l'ancien chauffeur de bus, faisait sa promenade matinale avec son chien, quand il a aperçu le corps de Fabien déposé sur le bord du fleuve, repoussé par le courant. On dit qu'il était dans l'eau depuis plusieurs jours, et que son corps portait de nombreux hématomes... Ah, je crois que je vais m'évanouir... quelle horreur, je ne m'en remettrai jamais. Et aujourd'hui, Pétunia qui se fait agresser...

Je fis semblant de m'inquiéter pour elle, et quelques minutes après on changeai de sujet. J'en profitai pour aborder la question de Jay.

-Au fait... Jay m'avait dit qu'il viendrai me voir, mais il n'est pas venu. Bon, comme d'habitude, je suppose qu'il est rendu avec ses potes mais si vous l'aviez vu...?

J'appris qu'il était bien passé dans la fin de matinée, prendre des nouvelles disaient-ils. Il n'était pas resté longtemps, au plus grand dam de Coraline. Je poussai un soupir intérieur. Soulagée. Il n'a rien. Avec tout ce qui se passe ces temps ci...

Je dû supporter une énième remarque de sa mère sur mon poids - poids qui était, dit en passant, tout à fait dans la normale- et pu enfin partir de là, avec plus de questions en tête que de réponses. Pourquoi Jay n'était-il pas venu si il allait bien? Fabien a-t-il vraiment été tué? Et les hématomes, il aurait été frappé? Qui peut vouloir autant de mal à un homme aussi gentil, pour ne pas dire transparent?




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