Dans le dortoir, tout le monde dormait encore à poing fermé. Tout était calme, silencieux.Le téléphone de Becky se mit à sonner. La Mort du Cygne nous réveille en sursaut. Apparemment, ce n'était qu'un faux numéro. Tandis que les autres essayaient de retrouver un semblant de sommeil, je décidai de me lever. Je n'étais pas à une heure près de sommeil. La chambre était dans un état calamiteux: la petite fête de début d'année n'a pas été des plus calmes. Des édredons éventrés et des assiettes à moitié entamées jonchaient le sol. L'odeur des pommades anti-douleur flottait dans l'air.Un véritable dortoir de danseuses.
Je décidai de me préparer vite fait pour aller m'entraîner dans la salle du 1er étage, elle devait être vide à cette heure -ci. La salle de bain était éclairée par un délicat filet de soleil. Je scrutais mon reflet dans un grand miroir, une profonde tristesse m'envahit. Je devais me rendre à l'évidence. Rien n'avait changé. En tremblant je me dirigeais vers la balance. L'aiguille s'arrêta sur le chiffre maudit: 45 kilos...C'était le même depuis des semaines....A croire que la balance s'amusait à me narguer. Je tatai mes hanches, mon ventre...J'avais décidément trop de formes, en tout cas, trop pour une danseuse classique. A mon entrée à la Swan Ballet School, on m'avait prévenue que mon poids était problématique, et qu'il fallait que j'en perde pour voir ma carrière décoller. Les autres filles étaient filiformes. J'avais du mal à rentrer dans les minuscules justaucorps qu'on nous proposait, et je plaignais mes partenaires lors des portés. Je faisais donc office de 'figurante' à chaque représentation. J'étais le vilain petit canard, le poids- lourd du haut de mes 45 kilos. La seule raison pour laquelle on me gardait, c'était l'insistance de Mme Glinda, qui voyait en moins du potentiel. Sans son influence sur le directeur, je n'aurait pas été là.
Je me dirigeai vers mon placard et enfilai des collants roses pâle, un justaucorps dos nu noir et une jupette en voile noire également. J'attachai mes cheveux en un chignon bien serré, me parfumai d'un nuage de parfum à la vanille et dévalai les escaliers.
La salle était vide, ensoleillée, vaste, en un mot parfaite pour répéter en toute sérénité. Je branchai mon Ipod sur la baffle. La ritournelle du Lac des cygnes était magnifique. Les auditions pour le rôle du Cygne Blanc allaient se dérouler dans moins de deux heures. J'étais réaliste, je ne me faisais pas d'illusion. Mais je tenais vraiment à me surpasser, pour ne pas décevoir Mme Glinda. Il fallait que je peaufine mes fouettés, après plusieurs tentatives, j'arrivai à faire quelque chose d'assez bien. Cette micro-réussite me rendit le sourire. Tandis que je retirais mes chaussons pour aller à la bibliothèque, j'aperçus Marc, un 'premier danseur', qui regardait par l'entre-ouverture de la porte. Pétrifiée de honte, je sortis par la porte arrière. Ce n'était pas la première fois que je le surprenais à m'espionner si je puis dire.
En retournant au dortoir, je découvris que les filles m'avaient préparé une petite surprise: une fête d'anniversaire. Cela me touchait. L'atmosphère dans les grandes écoles de danse n'est pas toujours malsaine; j'entretenais une relation privilégiée avec mes colocataires. Tout en entamant la traditionnelle chanson d'anniversaire, elles m'offrirent un bracelet serti de petites perles colorées, et un énorme gâteau au chocolat, préparé par la cuisinière spécialement pour l'occasion. Je ne pouvais qu'accepter.
Une fois seule, je m'enfermai dans les toilettes. Je vomis. Encore.Et encore. Accroupie, en larmes, je tapai du poing contre le mur. J'avais perdu 10 kilos en 1 an, et depuis je stagnais. Pourquoi?
*****
Après les auditions, éprouvantes, certes, mais assez réussies globalement, les résultats furent affichés dans le grand Hall.
Le cygne blanc: Giselle Mongomery
Doublure: Fanny White
Doublure...Je n'arrivais pas à y croire. J'étais prise.... Le fait de ne pas danser ne me gênait pas: les juges pensaient que je pouvais remplacer LA grande Giselle en cas de problème. J'étais excitée comme une puce. C'était un beau cadeau d'anniversaire. D'un coup, j'oubliais ce mal qui me rongeait de l'intérieur,j'oubliais les larmes que j'ai versées, les cris que j'ai poussés....enfin plus pour longtemps.
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Mon combat
General FictionLa salle de bain était éclairée par un délicat filet de soleil. Je scrutais mon reflet dans un grand miroir, une profonde tristesse m'envahit. Je devais me rendre à l'évidence. Rien n'avait changé. En tremblant je me dirigeais vers la balance. L'aig...