II

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Et cette âme, si nous n'y prenons pas garde, nous la retrouverons un jour devant nous, essoufflée, demandant grâce et pleine de bleus... Et ces bleus, sans doute, nous ne les aurons pas volés.

(Des bleus à l'âme, F. Sagan)


Le lendemain, je retournais chez Louis. Nous n'avions pas fini la maquette de l'exposé et il n'était pas venu en cours de la journée, si bien que j'avais été obligé de reprendre le bus. Il pleuvait et la petite place était déserte lorsque je la traversais. Le hall de l'immeuble sentait cette fois ci l'oignon, mais le carrelage collait toujours autant. Je montais les escaliers quatre à quatre. Jay m'ouvrit de nouveau, mais cette fois ci elle ne m'interrogea pas et me sourit tout de suite. Elle paraissait mieux qu'hier, et était maquillé. Louis était devant la télé, et je me surpris à remarquer qu'il était plutôt mignon, dans son sweat trop grand et son jean moulant. Je n'avais jamais fait vraiment attention à lui en classe. Il s'asseyait dans le fond, venait quand ça l'arrangeait et repartait comme un ombre. Alors le voir me sourire me fit me sentir important, sans que je comprenne pourquoi. Est ce que nous allions devenir amis ? En tout cas je l'appréciais. Il était intelligent, ne parlais pas pour ne rien dire et ne cherchais pas à être trop envahissant. Pourquoi n'avait il pas d'amis à l'unversité ? Est ce qu'il vivait seul avec sa mère ? Je secouais la tête lorsqu'il se redressa. Jay me proposa un thé et comme Louis lui en demanda un, j'acceptais sa proposition. Comme la veille, il m'entraîna dans sa chambre et je m'assis sur le lit. Cette fois ci il me regardait et paraissait moins gêné.

- T'étais pas obligé d'accepter son thé tu sais.

- J'avais envie d'en boire un.

Il sourit simplement et sortit nos notes de la veille. Il n'avait pas d'ordinateur et nous cherchions les informations dont nous avions besoin dans ses nombreux livres, ce qui s'avérait être une tâche aussi fastidieuse qu'amusante. Jay frappa à la porte et entra sans attendre, un plateau à la main.

- Voilà les garçons.

Elle déposa le tout sur le lit, à côté de moi.

- Vous n'avez besoin de rien d'autre ?

- Non, merci maman.

- Bon courage.

Elle repartit et je fixais un instant la porte close. Louis vint s'asseoir près de moi, les feuilles à la main.

- Bon, je pensais qu'on pourrait réfléchir à la partie III comme on a bien avancé sur les autres. C'est la plus simple à mon avis, il faudra juste faire une analyse assez pointue de... Tu m'écoutes Harry ?

Je tournais la tête vers lui, fronçant les sourcils.

- Non. Pardon.

- Pas grave... Quelque chose ne vas pas ?

- Et toi ?

Un éclair étrange passa dans ses yeux. Il me fixa un instant sans ciller et esquissa un sourire, qui tordit sa bouche d'une drôle de manière.

- Je vais bien, merci.

- Pourquoi tu ne viens presque pas en cours ?

- Ce n'est pas ton problème.

- En effet... Je suis désolé. Je sais pas pourquoi...

- C'est bon, Harry.

Un silence gêné s'installa entre nous. Louis fixait ses pieds nus et j'attrapais ma tasse pour boire une gorge de thé. Il était brûlant et je sentis les larmes me monter aux yeux. Soudain j'étais fatigué. De l'odeur qui flottait ici, des Louis et ses yeux vides, de Jay qui souriait trop pour que ce soit vrai, de la vue triste par la fenêtre et de cet exposé que je n'avais pas envie de présenter. Je reposais la tasse et me levais. Sur le bureau de Louis il y avait des dessins. Je me saisis de la première feuille. C'était l'esquisse d'un homme. Allongé sur le sol, il pleurait. Ses muscles formaient un drôle d'arrondi, il semblait être en train de se replier comme un escargot. Une flaque de sang tâchait ses vêtements.

Hey Angel - Larry StylinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant