III

4.6K 443 105
                                    


" A chaque fois que votre regard m'enrobe de cette façon si particulière, à chaque fois que vous semblez me détacher du reste du monde et ne plus regarder que moi, je m'imagine en train de faire l'amour avec vous. " (I Rest in Sleep)



Je suis retourné chez Louis tout les soirs de cette semaine. Nous avancions lentement sur l'exposé, retardant plus que possible le point final que nous lui donnerions, comme un accord tacite passé entre nous. Louis n'était pas venu en cours durant ces cinq jours, et je prenais chaque soir le bus jusqu'à son arrêt, seul. Quand j'arrivais chez lui, Jay nous faisait du thé et nous restions allongés sur son lit pendant de longues minutes. Je racontais ma journée à Louis et il souriait parfois, me demandant de lui parler de mes amis. Il avait l'air fasciné par Niall, dont je lui décrivais la joie de vivre continuelle et Gemma, ma soeur. Je lui ai raconté toute mon enfance dans notre petite maison, mon père parti faire la guerre en Irak et jamais revenu, ma mère et son travail d'institutrice, notre chat Leepton, le jour où j'avais oublié de fermer le robinet et de la baignoire et que tout le premier étage s'était retrouvé inondé, la première fois que j'avais gagné un concours d'écriture pour une stupide nouvelle où j'avais décrit la vie d'un poisson ou encore la fois où Niall et moi avions couru nu dans la rue en pleine nuit parce que Zayn nous avait lancé le pari de le faire et que nous avions croisé une pauvre mamie insomniaque qui a hurlé si fort qu'elle a réveillé tout le quartier.

Les yeux de Louis brillaient quand je lui racontais toutes ces histoires et j'avais parfois l'impression que lui n'avait aucun souvenir de ce type, comme si sa vie s'était arrêtée à cet appartement, coincé avec sa mère entre les tours grises de la rue Aragon.

Parfois nous sortions fumer une cigarette, sous le porche du Lavomatic lorsqu'il pleuvait, ou assis sur un banc au milieu de la place. C'est là que nous avons croisé Requin, le vendredi soir. Il y avait trois autres mecs avec lui, je ne me rapellais plus si il s'agissait de ceux de l'autre fois. Je lui ai souri quand il s'est approché, un sourire étrange sur les lèvres.

•Alors bouclette, t'as trouvé ton Louis ?

•Euh, ouais.

J'ai senti Louis baisser la tête près de moi, rentrant carrément le visage dans sa capuche. Ok...

•Et qu'est ce que tu fais là encore alors ?

•Ba. Je fume.

•Tu sais que c'est notre banc ?

•... Ah.

Je me suis senti rougir comme un con, parce que merde, ces mecs devaient avoir cinq ans de moins que moi, ils avaient des airs de racailles des bacs à sable et j'étais près à m'écraser. J'allais donc rétorquer un truc mais Louis s'est levé brusquement et m'a fait signe de le suivre. J'ai soupiré.

•Bonne soirée les mecs.

•Ouais c'est ça.

Ils ont ricanés et j'ai balancé la cigarette devant les chaussures de Requin avant de rejoindre Louis en courant. Il avait toujours le visage baissé et n'a pas dit un mot jusqu'à ce que nous soyons dans le hall de son immeuble. Je l'ai attrapé par le poignet pour le tirer vers moi. C'était la première fois que je le touchais, et je me suis rendu compte que sa peau était vraiment froide.

•Louis. C'est qui ces mecs ?

•Des cons.

•Tu les connais ?

•De vue. Ce sont des cons.

•Pourquoi ?

•T'es chiant avec tes questions Harry.

Il s'est dégagé violemment et a commencé à monter les escaliers quatre à quatre. Je l'ai suivi aussi vite que j'ai pu, m'agrippant à son sweat.

•Louis. Ils t'ont fait quelque chose ?

•Pourquoi tu penses ça ?

•J'sais pas, ils t'ignoraient et tu... Enfin ils avaient pas à nous virer du banc comme ça, pourquoi tu as peur d'eux ?

Il s'est arrêté d'un coup sec et j'ai failli trébucher par la marche, me rattrapant in extremis à son bras. Son souffle était très proche lorsqu'il m'a répondu, et ses yeux brillaient d'une lueur que je ne leur connaissais pas. Dangereuse.

•Harry. Ici les gens m'ignorent, c'est comme ça. Si t'es pas comme eux, si t'écoutes pas du rap minable, si t'as pas une mobylette trafiquée, si tu couches pas avec toutes les filles qui ont des gros seins et un cul comme celui de Nicky Minaj t'es une tafiole. Je n'ai pas envie de ça. J'ai pas envie de... Merde.

Je suis resté silencieux. Une larme glissait sur sa joue et il l'a essuyé d'un revers de sa manche avant de se laisser tomber sur la marche de l'escalier. Je me suis assis près de lui et il a fermé les yeux. Un long moment. La lumière s'est éteinte et dans l'obscurité, il a fini par murmurer.

•Quand j'étais au collège, il y avait ce mec. Liam. Il... Il était gay. Il le disait. Il... Assumait. Les autres se foutaient de lui. Ils se faisaient insulter, continuellement. Il était le souffre douleur. Je lui ai craché dessus moi aussi, comme les autres, je le traitais de pd. Et puis je suis tombé amoureux. De lui. Il habitait l'immeuble, nos mères étaient amies. Je ne sais plus trop comment... Pourquoi... C'est arrivé comme ça, je me suis réveillé un matin et j'ai compris que j'aimais Liam Payne, que j'aimais les mecs et que j'étais anormal moi aussi et... Bref. Je suis sorti avec lui deux semaines plus tard, on faisait attention, on ne se parlait pas en public et puis un jour on avait décidé de sortir en ville. Il me tenait la main et on était dans la queue pour le cinéma. On pensait qu'il n'y avait personne et il m'a embrassé et... Une photo a circulé dès le lendemain. C'était l'horreur. J'avais l'impression d'avoir la peste, d'être devenu un lépreux ou je ne sais quoi... C'était... Merde.

Il a reniflé et j'ai cherché sa main dans le noir. Ses doigts étaient froids et je les ais serrés dans les miens.

•Liam a déménagé un mois plus tard, il ne m'a jamais donné de nouvelles. Et moi je suis resté. Et j'étais tout seul. Le gay du quartier. Et... ça peut paraître ridicule Harry, mais se faire traiter de pd, de suceur, de tapette à longueur de journée, avoir l'impression d'être un monstre, une erreur, voir sa mère se faire traiter à son tour et ne rien pouvoir faire parce que t'es trop jeune pour te défendre, que t'es paumé et que t'as peur... C'est affreux. Vraiment affreux.

Je suis resté silencieux, fixant le noir devant moi, et les lettres de l'issue de secours qui brillaient en vert contre le mur, imaginant le Louis du lycée, humilié, rabaissé, pleurant tout les soirs dans son oreiller, essayant de se persuader qu'il n'était qu'un raté et... J'ai eu envie de pleurer à mon tour. Il s'est relevé et je l'ai suivi, sentant que mes jambes étaient flageollantes. Je tenais toujours sa main et je l'ai tiré vers moi.

•Louis.

•Dis rien s'il te plait.

•Non, moi aussi je... Enfin je suis gay. Aussi.

•Je sais.

J'ai presque entendu l'ironie dans sa voix.

•Tu... Ah bon ?

•Ca se voit Harry.

•Ok. Je pensais pas... Enfin c'est pas important.

•Non ça ne l'est pas.

Il s'est à nouveau détaché de moi et a monté les escaliers rapidement. Je l'ai rejoint devant la porte et j'ai eu envie de le serrer contre moi. A la place j'ai murmuré :

•Tu sais Louis, ça va aller. Je vais bien moi. Mes parents le savent, mes amis aussi et ça fait rien... Ils s'en foutent. Je te les présenterais si tu veux, je suis sur que tu vas... Faire des rencontres. Tomber amoureux de la bonne personne. Et tu oublieras ces cons.

Il a sourit très doucement et sa main est venu effleurer mon visage. Ses yeux bleus océans étaient toujours remplis de larmes et il a secoué la tête. J'étais suspendu à ses lèvres, rouges et piquantes comme une rose.

•C'est plus possible ça Harry. Je n'irais jamais bien. C'est fini.



Hey Angel - Larry StylinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant