Prologue

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Je regardais la jeune fille avec une intense curiosité. Elle avait la tête baissée et tremblait visiblement entre les mains de ses gardes. Ses cheveux blonds aux reflets roux me cachaient la plus grande partie de son visage. Sa peau était blanche et laiteuse, elle avait l'air très douce. Pourtant elle ne dégageait rien de doux, au contraire. Son corps était tendu comme un arc près à céder sous la pression, ses mains se tordaient inlassablement entre ses menottes de plastique qui lui rougissaient les poignets. Même à l'abri de sa chevelure, je sentais son regard, avide, désespéré, affamé. Elle paraissait sur le point de bondir au moindre bruit mais se laissait docilement guider par les deux hommes qui l'encadraient. Je lançais un regard circonspect à mon hôte qui me rendit un sourire éblouissant. Il posa une main amicale sur mon épaule, toujours souriant, et tendit l'autre bras pour indiquer deux larges fauteuils. Je m'installais à ses cotés. La fille n'était plus là, emmenée pour les besoins de la démonstration. Elle réapparut quelques instants plus tard de l'autre coté de la vitre qui me faisait face. Je reportais toute mon attention sur elle. on l'avait placée au centre d'une toute petite pièce. Trois murs de béton brut et une vitre transparente. Elle posa un instant son regard sur moi. Il me terrifia. Dans ses yeux je lus tellement de haine et d'envie mélangées qu'un frisson glacé me dévala l'échine. Je me renfonçais dans mon siège.


— C'est une moléculaire ?

— Non, élémentaire mon cher ami.

— Alors elle ne se régénère pas plus vite, c'est dommage.

— Non mais son élément est très intéressant. Elle module l'acier. Nous la gardons sous confinement spécial.

Je haussais un sourcil surpris, et ravi. Voilà qui promettait d'être intéressant.

— A-t-elle une spécialité ?

— Oui, on peut dire ça. Disons que nous avons réussi à la mater mais ce fut long et laborieux. Cependant elle est excellente dans son domaine vous verrez.

— Et le prix sera à la hauteur de son talent j'imagine.

— Vous imaginez bien, me sourit mon compagnon. Maintenant, profitons du spectacle, ça risque d'être assez rapide. Faites amener le moléculaire !



                                                                                                    ***


Elle avait mal aux bras. Où était-elle ? Que se passait-il ? Elle releva la tête, comme émergeant d'une sorte de transe. Une fraction de seconde s'envola dans un cri muet. Elle regarda ses mains pleines de sang, noir et luisant. Ça lui faisait comme des gants sombres et visqueux. Au bout de sa main droite, l'arme dégouttait sur le sol carrelé. Un flash douloureux s'imposa dans son esprit. On avait fait rentrer un homme. Il était drogué, il bavait, elle avait eu peur. En titubant il s'était approché d'elle, elle avait voulu fuir. Fuir ces bras tendus, ce regard vide. Mais la pièce était close et elle tremblait trop. Cela faisait tellement longtemps qu'on la retenait enfermée dans cette prison de plastique. Trop longtemps qu'on l'empêchait de moduler les choses, les objets. Toute cette énergie retenue dans son corps, la dévorait de l'intérieur, comme un animal qui tourne dans une cage trop petite, qui guette la faille pour jaillir. Alors elle la vit, la brèche qu'elle attendait depuis si longtemps, sous la forme d'une paire de ciseaux abandonnée là, à même le sol. Minuscules, un outil de manucure, à peine plus grand que la paume de sa main. Son instinct la submergea et la bête s'arracha de sa cage dans un grondement furieux. Puis tout était flou. Elle reporta à nouveau son regard sur la paire de ciseaux qui s'agitait devant elle. Les petites lames autrefois fines et brillantes faisaient maintenant plus de trente centimètres de long. Trente centimètres d'acier noir et rouillé, effilés comme des rasoirs et couverts d'hémoglobine coagulée. Elle releva la tête, son bras s'agitant toujours devant elle, comme animé d'une vie propre. Ses yeux s'agrandirent, entre horreur et plaisir. Un sourire carnassier mêlé d'effroi s'étala sur son visage. Elle sombra à nouveau dans le néant, son corps inlassablement mouvant et meurtrier. 

Fer et SangWhere stories live. Discover now