Chapitre 5: L'Artisan

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Soren regardait Carreau qui se concentrait face à lui. Ses poings serrés vibraient sous l'effort et une veine battait furieusement à sa tempe juvénile. Il laissa échapper un soupir excédé.

- Tu en fais trop !

Le jeune homme se relâcha brusquement, et les objets qui dansaient autour d'eux tombèrent brusquement au sol dans un fracas de métal. Carreau regarda son mentor avec crainte et soumission.

- Tu ne t'entraines pas assez ! tonna Soren, un pli dur entre les yeux. Combien de fois devrais-je te le répéter ? De la finesse, bordel ! Tu penses que tu pourras attaquer quelqu'un ou subtiliser un document important si tout le monde peut lire sur ton visage que tu utilises ton don ?

- Non, murmura Carreau en se recroquevillant sur lui-même.

- Non, en effet. Je t'avais prévenu de ne pas te laisser distraire par Milo. Tu l'as laissé t'emmener au bordel, avoue !

Carreau hocha de la tête l'air honteux. Soren laissa échapper un soupir dépité. La situation était critique et il sentait l'angoisse remuer ses entrailles comme un serpent déroule ses anneaux. Il se força à prendre plusieurs grandes inspirations pour détendre la tension qui écrasait sa poitrine. Il leva un regard dur vers son dernier apprenti.

- On recommence. Tu ne voudrais pas te présenter devant l'Artisan et offrir un spectacle médiocre ? Nous ne pouvons pas nous permettre de te placer à un poste moyen.

Sa voix s'adoucit un peu.

- Carreau, tu mérites tellement mieux que tout ça, dit-il en balayant la salle blanche. Je te l'ai promis en t'achetant à tes grands-parents, il y a sept ans, mais j'ai besoin que tu y mettes du tiens. Maintenant, montre-moi ce que tu sais faire.

Instantanément, les bouteilles, les carnets, et tous les menus objets qui jonchaient le sol, s'élevèrent dans les airs et entamèrent une danse gracieuse. Soren sourit à son protégé. Il savait comment le manipuler, comment souffler le chaud et le froid pour obtenir le meilleur de l'adolescent. Son esprit dériva furtivement vers Déa. Il pressentait que la petite fille ne serait pas aussi facile à mater. Il renifla avec mépris et reporta son attention sur son élève.


Lorsqu'il referma la porte de la salle de simulation derrière eux, Soren était satisfait. Carreau souriait lui aussi, malgré la fatigue évidente qui marquait son visage.

- Va prendre une douche, lui ordonna Soren. Et fais une sieste. Anita viendra te réveiller quand il sera l'heure de partir. Fais-toi beau.

Carreau acquiesça et disparut dans le couloir. Soren consulta sa montre. Ils ne quitteraient l'orphelinat qu'à la nuit tombée. L'Artisan ne travaillait que de nuit, et c'est donc de nuit qu'avaient lieu les enchères les plus intéressantes. Secrètement, il espéra que Carreau serait à la hauteur de son investissement. Une pensée jaillit dans son esprit et le figea sur place. Avec le départ de l'adolescent, il ne lui resterait que Déa en formation. Il fronça les sourcils. Il faisait son affaire sur le dos de ses pauvres gosses surdoués mais il ne pourrait pas survivre et faire fonctionner l'orphelinat s'il ne lui restait personne à placer. Son inquiétude s'accentua. Il lui fallait trouver de nouveaux protégés. Pour cela il lui faudrait écumer les zones les moins recommandables, ce n'était pas tous les jours qu'on tombait sur une affaire aussi prometteuse que la petite Déa. Milo tourna à l'angle du couloir et Soren fonça sur lui.

- Milo, j'aimerais vraiment que tu viennes avec nous aux Arcades ce soir.

- Je t'ai déjà dit non, répondit le jeune homme d'une voix lasse. Je n'ai aucun goût pour ces combats barbares.

Fer et SangWhere stories live. Discover now