Chapitre 9: Soupçons

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Soren interrompit l'entrainement avant que la gamine ne soit épuisée. Il fallait qu'elle conserve des forces pour l'Artisan et le formatage de sa puce. Il la renvoya rapidement dans sa chambre se préparer et partit en quête de Milo.

Il le trouva attablé dans la cuisine, discutant avec Anita. Ils s'interrompirent en le voyant débarquer et Soren sentit l'irritation le gagner. Il fit de son mieux pour afficher un air neutre, de celui qui n'a rien remarqué, et s'assit à côté de Milo. Anita poussa une assiette de galettes dans sa direction et, comme ses cheveux ondulaient légèrement, il en prit un.

- Comment se débrouille Déa ? demanda Milo.

- Bien. Très bien, même. Je vais l'emmener chez l'Artisan, tu nous accompagnes.

Ce n'était pas une demande et Milo poussa un soupir fugace.

- Ce n'est pas un peu tôt ? s'étonna Anita. Ça ne fait que trois jours qu'elle est là.

- J'ai peur que son père ait un sursaut de conscience, expliqua Soren en croquant dans la galette. Son comportement lors de la vente laissait à penser qu'il pourrait regretter son geste. Je ne veux prendre aucun risque. Nous allons reformater sa puce, comme cela, même s'il la cherche, il ne pourra plus rien prouver.

- Pauvre petite. Dire qu'elle a assisté à son propre abandon.

- Les gens sont cruels Anita, ce n'est pas nouveau. Elle n'est pas la première, ni la dernière.

- Mais quand même.

- Elle est toujours aussi maigre, par contre, enchaina Soren en changeant de sujet. Elle mange bien ?

- Oui, comme les autres. Je remplirais un peu plus son assiette.

- Merci. Je pense qu'un bain chaud en rentrant tout à l'heure ne sera pas de trop. Elle risque d'être un peu secouée. Milo, on se retrouve dans l'entrée.

Soren emporta son biscuit hors de la cuisine et fit semblant de partir d'un pas décidé. Il revint sur ses pas, en faisant le moins de bruit possible et tendit l'oreille.

- Tu lui en as parlé ? demanda Anita à voix basse.

- Non pas encore.

- Ça ne va pas lui plaire. Il risque de s'énerver.

- Je sais. Tant pis. Je n'en peux plus, Anita, je suis fatigué de mentir.

Soren sentit son cœur se figer dans sa poitrine. Les mots qu'il venait de dérober envoyèrent des ondes d'angoisses le long de tous ses nerfs. Instinctivement, il pensa que Milo voulait partir, le quitter, le laisser lui et ses protégés. L'embryon de tristesse qui pesait dans sa poitrine fut rapidement emporté par une vague de colère. Il se redressa d'un coup et enfonça ses ongles dans les paumes de ses mains. Qu'il essaie donc, le petit ingrat, et il verrait qu'on n'abandonnait pas Soren si facilement. Comme tous les autres, il l'avait créé, il lui appartenait. Les épaules raides, il s'éclipsa aussi discrètement que possible.

*

Milo sentait que quelque chose n'allait pas. Depuis qu'il avait rejoint Déa et Soren dans l'entrée de l'orphelinat, une tension s'était installée entre les deux hommes et planait au-dessus d'eux comme un ciel d'orage. Même Antioche avait haussé un sourcil interrogateur lorsqu'ils avaient traversé sa maison dans un silence tendu. Milo lui avait lancé un regard perdu et avait suivi Soren qui menait la marche, les sourcils froncés et la mine sombre. Il fit signe à Déa de s'approcher, laissant quelques mètres d'avance au marchand.

Fer et SangWhere stories live. Discover now