Chapitre 2: Niveau -5

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La rue était bruyante et bondée. La petite fille se serra contre la jambe de Soren et celui-ci lui saisit la main pour ne pas la perdre dans la foule qui les avala. Soren maugréa contre les classes populaires des niveaux intermédiaires qui se déplaçaient avec la grâce d'un troupeau de bœufs. Il resserra sa prise sur la petite main et les entraina dans la cohue. Les paliers centraux de Néo Berlin lui donnaient toujours la nausée. Cette partie de la ville s'organisait en un dédale de ruelles circulaires qui rayonnaient depuis la place centrale où les larges plateformes en acier permettaient d'accéder aux niveaux inférieurs et supérieurs. Il leva un regard envieux au ciel grisâtre au dessus de lui. Les câbles des plateformes se perdaient dans le brouillard qui recouvrait toujours cette partie de la ville. Loin, tout là-haut, les beaux quartiers se prélassaient au soleil. Le vrai soleil, pas le simulacre nucléaire qu'on trouvait par ici. Agacé, il fit claquer sa langue contre son palais et tira Déa un peu plus fort à sa suite. La gamine le suivait en ouvrant de grands yeux écarquillés, observant tout ce qui passait à porter de son regard d'enfant. Au bout d'un temps qui lui parut interminable, Soren réussit à les amener jusqu'aux plateformes. Des soldats impériaux en contrôlaient l'accès dans leurs rutilants uniformes gris et noirs. Le jeune homme scanna les badauds du regard. Finalement il repéra un visage connu et prit l'air détaché d'un jeune frère en balade avec sa petite sœur. Ils s'insérèrent dans une file d'attente. Déa le regardait avec attention, comme si elle attendait quelque chose de lui. Il haussa les épaules, au moins elle ne posait pas de question. La file avança et ils se retrouvèrent devant un officier muni d'un bâton luminescent.

- Puces, s'il vous plait, demanda l'homme en uniforme.

Soren tendit l'intérieur de son poignet gauche. Sur celui-ci un petit tatouage à l'encre bleu clair brilla sous la lumière du scanner de l'agent. Ce dernier suspendit son geste et leva les yeux vers Soren qui sourit aimablement.

- Je ne vous avais pas reconnu, sembla s'excuser l'homme, visiblement embarrassée.

- Pas de soucis. Numéro? demanda Soren.

- S-22, monsieur. Je suis heureux de vous revoir.

- Moi aussi, Olaf. Tout se passe bien pour vous?

- Parfaitement monsieur, je suis très heureux.

- Vous m'en voyez ravi. Nous bloquons la file ceci dit.

- Oui, oui, allez-y, bredouilla Olaf en se déplaçant de coté.

Il les regarda passer et adressa un petit sourire à Déa lorsqu'elle le dépassa. Satisfait, Soren les conduisit vers une grande cage où s'entassaient déjà plusieurs dizaines de personnes. Il fit passer Déa devant lui et la grille en fer de la cage se referma dans son dos avec un bruit sonore. "Transport inter niveaux. Prochain arrêt niveau -2 à -6. Prenez garde aux secousses, veuillez garder les mains sur les rambardes de sécurité". Et dans un fracas de tonnerre, le monte charge se mit à descendre.

*

Ils descendirent au niveau -4, la main de Déa toujours prisonnière de la poigne ferme du jeune homme. Hors de question de laisser son investissement s'enfuir. Soren se mit à marcher plus vite. Il faisait sombre dans les rues anarchiques des quartiers les plus bas. Une atmosphère de fin de jour perpétuel qui brouillait les silhouettes. Une demi nuit qui jetait des ombres inquiétantes sur les visages et les bâtiments. Soren les entraina sur une large place éclairée par des lampadaires maladifs. Ca sentait le charbon et l'huile de mauvaise qualité. Il faisait plus froid que dans les niveaux supérieurs et il sentit la petite fille grelotter dans sa fine robe de coton. D'un même geste, il lâcha la petite main et retira sa veste.

Fer et SangWhere stories live. Discover now