Chapitre 25

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Le vacarme qui accompagna l'arrivée du jet troubla le calme qui régnait dans la campagne bretonne.
Après plusieurs tentatives d'atterrissage infructueuses, l'avion se posa finalement sur un champ d'artichauts situé à proximité de l'usine de Jean Marc.
Le moteur continua de tourner durant plusieurs minutes pour enfin s'éteindre et laisser place à un silence seulement troublé par quelques rongeurs nocturnes.
La porte s'ouvrit doucement pour laisser place au Père Noël, figure majestueuse trônant tout en haut des escaliers qui se dévoilaient un à un sous ses larges bottes noires.
Il fit un pas en avant, le regard porté vers le lointain, les yeux plissés par le désir de revanche. Son large poitrail se remplit d'air, un éclair de surprise traversa son regard, et il se mit à vomir.
Tinashe, Fouettard et Samantha se portèrent immédiatement à son secours.
- Père Noël qu'est ce qui se passe ?
- Wah mais qu'est ce que ça pue ici!
Ils rentrèrent aussi vite qu'ils étaient sortis, puis revinrent armés de larges écharpes dont ils se couvrirent le visage.
Le Père Noël s'essuyait la bouche à l'aide de ses larges manches blanches, désormais jaunâtres.
- Mais c'est quoi cette odeur ! Gémit Tinashe à travers son masque de fortune.
- C'est du fumier, répondit le Père en reprenant ses esprits. Les paysans s'en servent pour faire fuir les étrangers qui s'aventurent sur leurs terres.
J'ai beau en sentir chaque année, j'ai toujours du mal à m'y habituer, maugréa-t-il. Allons-y Alonzo !
Ils se dirigèrent vers la petite usine en brique située à quelques centaines de mètres.
Arrivés devant, ils aperçurent le traineau, intact, auquel étaient attachés les rennes qui ne semblaient pas plus paniqués que ça.
Le Père Noël couru se jeter à leur cou.
- Mes rennes ! Mes chers rennes ! Ah qu'est-ce que vous m'avez manqué !!
- Sérieusement on lui a manqué ? Demanda l'un des rennes. Il a volé en jet pendant la moitié de l'histoire !
- J'avoue, c'est un peu tiré par les cheveux. Mais il a l'air sincère, remarqua un autre.
- Moi je ne l'avais jamais vu comme ça, dit un troisième.
- A part peut être cette fois où il s'était enfilé deux bouteilles de vodka avec son pote polonais, il était heureux ce soir là.
Tandis que les rennes continuaient de jacasser sans que personne ne les comprenne, Tinashe inspectait le traineau.
- Les cadeaux n'y sont plus, observa-t-il d'un air pensif.
- Fichtre, fit le Père Noël. Cela dit on a encore le temps de régler tout ça. Jean Marc doit être à l'intérieur. Allons y !
- Euh... comme ça, sans précaution ni rien ? Demanda Samantha. Ils est peut être armé ce nain...
- Ce lutin.
- ... ce lutin, et je n'ai aucune envie de me faire...
- Je connais Jean Marc, il est certes machiavélique mais en aucun cas violent. Suivez moi.
Sans hésiter, le Père Noël, timidement suivi par Fouettard, Tinashe et Samantha, ouvrit violemment la porte qui se referma aussitôt derrière eux.
A l'intérieur, il faisait plus noir que dans le cul d'une génisse, comme disent les bretons.
Au bout de quelques secondes de silence, le Père Noël aboya:
- Jean Marc !! Je sais que tu es là !! Arrête ton cinéma c'est ridicule !! Rend moi les cadeaux et parlons ! Ou l'inverse, mais la première solution serait plus pratique compte tenu de la situation !!
De nouveau, le silence se fit.
- Jean Marc, je t'en prie, pense à tous les enfants !!
Soudain, une voix se fit entendre.
- Parce que toi tu y penses, peut-être, à tous les enfants ?
Jean Marc sorti de la pénombre dans laquelle il s'était caché pour avoir l'air plus mystérieux. Gauthier le suivait, mignon tout plein, armé d'un pistolet à eau.
- Tu y as pensé aux enfants des lutins verts, qui se sont retrouvés au chômage du jour au lendemain ? Tu y as pensé aux enfants lutins jaunes qui travaillent sept jours sur sept dans ton atelier ? Tu me fais bien rire avec tes discours philanthropiques, tu ferais mieux de te regarder avant de venir faire la morale aux autres ! Tu n'es qu'une ordure !
- Jean Marc, je sais que tu as beaucoup de raisons de m'en vouloir, mais je t'en prie, ne mets pas ton plan à exécution. Ces enfants ne sont en rien responsables de mes erreurs, tu ne peux pas en faire des fanatiques d'Any Cordy !
- Si.
Le Père Noël soupira et baissa la tête.
- Je savais que ce moment finirait par arriver. Tu as toujours été d'un caractère tellement rebelle. Avant même ta naissance, tu faisais souffrir ta mère.
Jean Marc tressaillit.
- Qu'est ce que tu racontes ?
- Eh oui Jean Marc, ta mère. Ho Chi Monk. Décédée peu après ta naissance d'une maladie à l'époque mystérieuse, désormais connue sous le nom de...
- Maïtite ! S'exclama Samantha.
Jean Marc se mit à trembler.
- Qu'est ce que vous racontez !! Qu'est ce que c'est que cette histoire à dormir debout ! Taisez vous !
- Je ne me tairai pas, repris le Père. Je me suis assez tu toutes ces années à la demande de la Mère. La Mère, qui sera à jamais jalouse d'Ho Chi Monk...
Les regards se tournèrent vers le Père.
- Tu veux dire que...
- Pourquoi crois-tu que je t'emmenais faire des emplettes avec moi ? Que je t'ai appris à guider le traineau ? Que j'étais à la fois incroyablement fier et triste quand tu as mené la révolte puis a quitté le foyer ?
Un silence suivit ses paroles. On entendit une mouche voler, que Gauthier tenta d'arroser avec son pistolet à eau.
Jean Marc tremblait de tous ses membres.
- Ho Chi Monk était mon premier amour finit par dire le Père Noël. Je suis ton père.
Jean Marc, bouleversé par cette nouvelle, ne savait plus comment réagir.
- Mais... mais... pourquoi... est-ce que je suis aussi petit ?
- Euh, je ne sais pas, répondit le Père, j'imagine que ta mère avait des gènes très fort.
- C'est dommage, observa Tinashe, bien placé pour en parler.
- Moi j'avais un cousin dont la femme était viet namienne, s'incrusta Samantha, et ben leurs enfants étaient clairement....
- Chut ! fit Fouettard.
Jean Marc, qui depuis plusieurs minutes retenait ses larmes, finit par craquer et se jeta dans les bras du Père Noël.
- Papa !!!!
- Voilà, ça y est, voooilà, allez, allez, répétait le Père en lui donnant des petites tapes sur le dos.
- Je suis désolé d'avoir voulu saboter Noël !!! Se lamentait le petit bonhomme à travers ses larmes, tout en se pelotonnant dans le costume soyeux du Père Noël, qui n'avait pu de son côté retenir quelques larmes de joie.
- C'est moi qui suis désolé mon petit Jean Marc. La Mère avait accepté que tu grandisses à la maison à l'unique condition que tu ne saches jamais qui étaient tes parents. C'est sa nature jalouse, dont j'ai beaucoup souffert, mais désormais c'est terminé: personne ne devrait avoir à choisir entre sa femme et son fils illégitime.
Tinashe, Fouettard et Samantha, très touchés, se mirent également à verser des baquets. Après toutes ces émotions et la fatigue accumulée, cette avalanche inattendue de sentiments leur fendait le cœur.
Tout ce petit monde était donc en train de pleurer de bon cœur, quand soudain une voix interrompit ce moment mélodramatique.
- Une minute tout le monde !
Tous se retournèrent, stupéfaits.
Devant eux, Gauthier, du haut d'un carton, les menaçait cette fois d'un vrai révolver.
- Gauthier ! S'indigna Jean Marc. Qu'est ce qui te prend ?!
- Il n'y a plus de Gauthier, c'en est fini de Gauthier, répliqua celui qui n'était donc apparemment plus Gauthier.
A ces mots, il arracha la peau de son visage sous les cris d'effroi de Samantha, pour révéler un tout autre visage, bien connu de tous.
- Justin Bieber ! S'exclama Fouettard.
Jean Marc n'en revenait pas.
- Justin Bieber ? Mais qu'est ce que...
- Tu croyais vraiment que j'allais suivre ton plan bidon de remplacer les cadeaux par des CD d'Any Cordy ? Se moqua Justin Bieber tout en se grattant les joues à cause de ce masque qui irritait sa peau de bébé. Pauvre innocent, ricana-t-il. Moi, je crois vraiment à la magie de Noël ! Souviens toi, j'ai même repris la chanson de Mariah Carey « All I need for Christmas is you !
- C'était un massacre, fit le Père.
- Tais toi vieux type gras ! Tu n'entretiens même pas ton corps, tu ne devrais pas oser me parler !
- Bref, j'imagine que toi aussi tu as un plan machiavélique, dit le Père.
- Pas du tout, c'est un plan super bénéfique! J'ai bien remplacé les cadeaux par des CD... mais par MES CD !! MUAHAHAHAHAHA !!!
- NOOOOOOOOOOOOOOONN ! Hurlèrent le Père, Tinashe, Jean Marc et Samantha.
- Si.
- Tu es fou Bieber !! Cria Tinashe. Cela dit ma fille est fan, je pourrais te demander un autographe ?
- Je vais distribuer ces CD dans le monde entier à part dans les pays qui ne fêtent pas noël bien sûr, et le monde civilisé sera entièrement bieberisé ! Muahahaha !!!!! Et ok pour l'autographe.
- C'est encore pire que ce que j'imaginais, murmura le Père.
- Que peut-on faire ?
- Rien, vous ne pouvez rien faire ! Interrompit Justin Bieber. Arrêtez un peu de toujours vouloir tout empêcher à la fin, là, c'est relou.
- J'aurai quand même une question, se permit de demander Samantha. Moi à la base je me suis embarqué là dedans pour rencontrer le maître Pha Rêl qui peut souffler trois cœurs de fumée sur la tête de mon frère pour le sauver de sa maïtite. Je conçois tout à fait que votre plan soit bénéfique pour certains, machiavélique pour d'autres, mais quelque part j'ai envie de dire c'est pas trop mon problème, d'où ma question : vous savez comment je peux le rencontrer par hasard ?
- Pharell ? Pas de problème, c'est mon voisin, répondit Justin Bieber. On le prendra au passage, je suis sûr que ça lui fera plaisir, il est toujours joyeux et prêt à donner un coup de main.
- Ah ouais Samantha, alors tu nous lâches comme ça ? S'indigna Tinashe.
- Laisse, laisse, il faut bien qu'elle sauve son frère. Peut être même Pharell pourra-t-il sauver quelques autres personnes au passage.
Justin Biber se dirigeait déjà vers le traineau.
- Bon, bah c'est pas tout ça mais on doit y aller, tu viens jolie poupée ? Lança-t-il à Samantha.
- J'arrive, répondit-elle en minaudant.
- Trainée, lâcha Tinashe, amer.
Elle lui répondit en lui lançant un baiser.
- Vous me manquerez !
Désabusé, le Père Noël vit Justin Bieber lancer l'attelage.
- Ramène moi mes rennes quand même ! Brailla-t-il tandis que le traineau décollait.
- Ciao les losers !! répondit Justin Bieber alors que déjà sa voix se perdait parmi les cieux.

Le Père Noël, Fouettard, Tinashe et Jean Marc demeurèrent quelques instants immobiles, suivant des yeux le traineau qui bientôt ne fut plus qu'un petit point scintillant puis disparut complètement.
Jean Marc rompit le silence.
- Vous avez des bières dans votre avion ?
- Il reste des dosettes de vodka, répondit Tinashe.
- Ca me va, fit Fouettard.
- Allons y Alonzo, conclut le Père.

D'un même mouvement, ils se retournèrent et grimpèrent dans l'avion.


EPILOGUE

Pôle Nord, 23 Décembre

Dehors, il neigeait.
De lourds flocons s'amoncelaient sur la petite maison et l'atelier perdus dans la montagne.
A l'intérieur, c'était la fête.
Un lutin déboucha une bouteille de champagne en chantant, repris par tout le reste des lutins verts et jaunes
- Et pour Jean Marc, hiphiphip et pour Jean Marc, hiphiphip, et pour Jean Marc, hiphiphiphourah !
Jean Marc, ivre de bonheur et de champagne, grimpa sur une table d'où il dominait le reste de ses petits congénères et tâcha de calmer les esprits.
- Merci, merci, merci à tous, clama-t-il tandis que le brouhaha et les chants laissaient place à un silence attentif.
- Je voudrais tout d'abord vous féliciter pour le fantastique travail accompli cette année. De toute ma vie de lutin, je dois vous avouer que je n'avais jamais vu une telle ambiance dans l'atelier !
- OUAAAAAIS !! Braillèrent les petits travailleurs, pour la plupart déjà ivre après leur première coupe.
- Je voudrais aussi remercier mon père, le Père Noël, ainsi que ma belle mère, la Mère Noël, pour avoir accepté de me confier la direction de l'atelier : sans eux, rien de ce que nous avons accompli cette année n'aurait été possible.
- Et un toast au Père et à la Mère Noël !! Cria Fouettard en titubant.
- Et enfin, je pense que quelque part, nous devons tous un petit quelque chose à Justin Bieber, qui en abrutissant la totalité du monde des riches, nous a permis de diversifier notre cible client aux pays en développement et donc de modérer notre productivité pour avoir des normes de travail plus saines.
- ET POUR JUSTIN HIPHIPHIP ??
- HOURRAH !!
- Voilà, merci à tous, maintenant, il ne reste plus qu'à notre père à tous, le seul, l'unique, à accomplir la tâche qui rend le monde meilleur tous les ans, termina Jean Marc en levant son verre et en souriant vers le fond de l'atelier.
Le Père Noël leva son verre en réponse, et après avoir trinqué avec la Mère, le vida dans un sourire.

Le Père Noël, laissant les lutins à leur fête, sortit profiter du calme de la nuit tandis que Fouettard, derrière les platines, lançait son dernier mix dubstep.
Il entendit la porte s'ouvrir derrière lui et des bruits de pas crouncher dans la neige.
- Sacré année hein, sourit Jean Marc en tendant une cigarette au Père.
- Sacré année, acquiesça ce dernier en sortant un briquet.
- Tu penses passer voir Tinashe sur la route ?
- Ca m'étonnerait qu'il soit disponible. Depuis qu'il s'est associé avec Pharell pour soigner la maïtite, il est souvent en déplacement.
- Dur pour ses enfants...
- Il ne les voyait jamais avant. Mais au moins maintenant, ils peuvent être fier de leur père.
- A propos de père, vous saviez que Justin Bieber et Samantha avaient décidé d'adopter ?
- Ah tiens non, ça alors. Je suis bien content pour eux. C'est drôle, je n'en ai jamais vraiment voulu à Justin de saboter le noël l'année dernière. Finalement, c'était peut être la meilleur chose à faire.
- Je suis quand même désolé pour Sidi Bouchaïb, s'excuse Jean Marc.
- Tu sais, je crois que ça lui fait du bien.
- Devenir imitateur d'Any Cordy, quand même...
- Bah, ça lui change des chevaux.
- Bon, je te laisse, conclut Jean Marc en écrasant sa cigarette, je ne voudrais pas te mettre en retard.
- Joyeux Noël Jean Marc.
- Joyeux Noël p'pa.

Le père et le fils illégitime se serrèrent dans les bras, et Jean Marc s'en alla retrouver sa femme verte.
De nouveau seul, le Père Noël contempla le traineau chargé de cadeaux, l'attelage de ses douze magnifiques rennes qui tâchaient de se réchauffer tant bien que mal en s'ébrouant sous les flocons de neige, et eut une bouffée d'orgueil. Pour rien au monde, il n'aurait échangé sa place dans le traineau pour le moment qui plus que tout autre, lui faisait sentir à quel point il était lui : le Père Noël.


Le traineau se mit à avancer doucement, s'éloigna de la petite maison enneigée et s'éleva vers le ciel étoilé où de nouvelles aventures attendaient le Père Noël.



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⏰ Dernière mise à jour : Dec 26, 2015 ⏰

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