- Vous êtes en retard, ma reine. Je vous excuserai bien entendu pour cette première fois, mais sachez qu'à l'avenir, je ne saurai tolérer un tel manque de ponctualité. Vous ne semblez pas prendre conscience de votre rôle, ma chère enfant, et en cela j'accuserais plutôt votre père, qui vous décharge de tant de responsabilités. Cependant, les erreurs du roi ne justifient en rien les vôtres. Vous gouvernerez bientôt, Majesté. En mon rôle je me charge de vous apprendre les manières et les valeurs qui doivent vous être appropriées. J'espère ainsi que ce discours sera le dernier que je devrai vous faire, ou vous en subirez les conséquences. Me suis-je fait comprendre, Seren ?
- Oui, tutrice.
La future reine s'inclina profondément, sa tête touchant presque ses genoux, en réprimant un sentiment de honte et de dégout. Elle venait de se faire publiquement réprimander et humilier par une servante, une inconnue. Et pourtant son envie de s'excuser platement et de fondre en larmes menaçait. Elle voulait tant pleurer et se prosterner devant cette femme à la beauté si resplendissante, à la voix si pure, que sa gorge se noua, l'empêchant de déclamer le discours qu'elle avait réservé à cette créature bien trop parfaite.
Pour la première fois de sa vie, elle se sentait inférieure à une autre personne que son père, alors qu'elle était ici, dans son royaume, celui qu'elle aurait dû gouverner depuis longtemps. Selon les lois divines, elle était au-dessus de son père, au-dessus de tous, et ne devait obéir qu'aux Déesses. Elle était la représentation de l'autorité en le royaume de Julem... mais son père n'avait jamais lâché le pouvoir. Il était un homme, il lui était inférieur. Elle ne lui devait le respect que parce qu'il était son père, rien de plus. La forêt était dirigée par des femmes, depuis la Création du Monde. Les rois avaient, bien entendu, un rôle important, mais secondaire. Ils s'occupaient de la sécurité du royaume et des armées.
En aucun cas ils n'avaient de pouvoir plus important que leur reine, ou que leur princesse.
La reine se redressa, et regarda sa nouvelle tutrice dans le blanc des yeux. Celle-ci ne s'était pas inclinée, n'avait d'ailleurs pas même hoché la tête à son attention. Lentement, elle monta sur les marches sans détourner les yeux de la servante arrogante, et s'assit sur le trône de son père... sur son trône, le dos bien droit. Ce n'était pas le trône de verre, qui se trouvait dans la grand-salle. Celui –ci était plus simple, plus petit, mais représentait tout autant l'autorité royale. Il était à haut dossier, devant un éventail de gigantesques feuilles, chacune plus haute qu'elle. Sur ses côtés, des esclaves tenaient de grandes ombrelles pour la protéger du soleil d'après-midi.
Seren posa lentement ses mains sur les accoudoirs de bois sculpté, toisant sa tutrice de toute sa hauteur.
La femme en robe de gaze lui sourit, et enfin s'inclina respectueusement, assez peu cependant, courbant plutôt son cou que son corps entier. De sa voix impérieuse, elle dit :
- Bien. Maintenant qu'enfin je m'adresse à la reine que vous êtes et non à l'enfant que vous paraissiez, le premier cours peut commencer. Sachez, Majesté, que jamais, jamais vous ne devez vous incliner devant quelqu'un, peu importe son statut social. S'il se trouve que celui-ci est l'égal du vôtre, que c'est une reine et uniquement une reine, pas un roi, pas une princesse, mais une reine ou, en temps troubles, la représentante d'une reine, alors seulement vous devez incliner la tête. C'est la première règle. Vous n'êtes plus une enfant, et bientôt vous serez une femme. Vous devez vous montrer ferme et autoritaire, toujours calme et réfléchie, comme je le suis, annonça-t-elle avec un petit sourire. Preuve en est, vous vous êtes presque prosternée, alors que pourtant je ne vous en avais pas fait la demande.
- Dois-je en conclure, tutrice, que vous vous considérez mon égale ?
- Non, Majesté. Et à l'avenir je m'inclinerai plus respectueusement. Mais je voudrais, si vous me le permettez, en venir à un second point. Je sais que vous méprisez votre père au moins autant que vous l'aimez. Sachez que vous lui devez un grand respect pour vous avoir créé. Sans lui, vous ne seriez pas ici aujourd'hui, pour nous guider vers un avenir prospère et radieux. Cependant, il vous doit un respect plus grand encore : il n'est pas votre égal, loin de là. Mais il reste roi, par alliance de feu votre mère la Reine, et tant que vous continuerez à obéir à sa volonté, il se croira supérieur à vous. Mais vous ne devez pas oublier que cette croyance qu'il a vient de son expérience, et de sa maturité. Vous devez prendre ses conseils à cœur, et accepter le fait que c'est un homme sage et juste. Aussi, ne reniez pas toutes ses propositions sous le prétexte que vous êtes la messagère divine de ce monde. Prenez en compte ses conseils avisés, et utilisez-les à bon escient, pour votre profit et votre royaume.
(nouveau bout de chapitre, j'attends un peu avant de poster la suite histoire d'avoir toujours une petite longueur d'avance <3)
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Les Enfants d'Agaeris
FantasyA une autre époque, dans un autre monde, les Déesses gouvernent sur la Toute Chose. Mais alors qu'un drame survient, de sombres secrets menacent la prospérité des royaumes. Plus qu'une guerre, c'est une lutte pour la survie de l'humanité toute entiè...