CHAPITRE 22: LE PARC

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Julien se retourna pendant l'intercours et commença un monologue à propos de lui et de sa vie si extraordinaire:
"Ma mère est juge et mon père chirurgien... blablabla...  Mon frère va fêter ses 11 ans l'an prochain... blablabla... Il me ressemble vraiment beaucoup mais il est moins beau. Disons qu'il n'a pas mes yeux bleus. Ils sont beaux hein mes yeux? Ouais, j'en suis fier... blablabla... Mais je suis bien goalé aussi. En même temps quand on fait autant de sports que moi... Ouais, je pratique le foot, le handball, le tennis, le rugby et parfois le tennis le weekend... blablabla... J'ai vraiment des tablettes de chocolat, mais il faut avoir un régime alimentaire stricte... blablabla... Par exemple je peux pas manger de tablettes de chocolat pour en avoir."
Non? Il n'avait pas dit ça? Sérieusement Julien, soit beau et tais-toi! Pourquoi l'aimais-je déjà? Il m'arrivait d'oublier.
Pourtant je ne pouvais que rester ébahie devant sa beauté et son charisme. Bon, il était un peu narcissique, mais c'est bien d'avoir confiance en soi, non?
                                                                       . . .
J'avais écrit deux chapitres de mon histoire sur le père alcoolique et j'en était plutôt fière. J'avais même décidé de l'imprimer et de la relier pour la lire plus facilement.
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Je marchais avec Camille. Elle essayait de trouver un moyen intelligent pout tuer Pierre sans qu'on ne remarque sa disparition. En fait, elle ne supportait plus sa proximité avec Zoé et le fait qu'il joue sur deux tableaux. Quel con celui-là!
"_ Et si je le découpe en rondelles et je le fais bouffer à Zoé?
_ Non.
_ Et si je lui coupe la tête et je m'en sers comme ballon de basket?
_ Non.
_ Je peux sinon l'empoisonner avec du détergent?
_ Non.
_ Je l'entraine dans un bois et je le laisse se perdre et se faire bouffer par des chacals?
_ Des chacals en banlieue parisienne?
_ Ah... ouais... plutôt des loups.
_ C'est pas possible... soupirai-je
_ Ou alors... Je prends un tueur à gage?
_ Non!
_ Sinon je l'envoie dans un avion au Groenland? Avec un peu de chance il mourra de froid.
_ Non!
_ Mais aide-moi aussi là j'ai pas d'idée!"
Je soufflai d'ennui puis quelque chose m'apparue.
"_ Tu peux sinon l'habiller comme un nain de jardin et le vendre au marché noir, ou en lutin de Noël!
_ T'es bête, il est pas si petit!
_ Mouais... Le forcer à s'écouter parler!
_ Non!
_ Eh! Je t'aide et t'acceptes pas mes conseils! Pourtant ils sont géniaux!
_ Euh... non!
_ Rappelons-nous quand même qui voulait le faire bouffer par des chacals!
_ Ouais bon ça va!"
Nous décidâmes finalement que le monde allait devoir supporter un con de plus.
Avec Grincheux, nous ne nous entendions toujours pas. Il était incroyablement chiant, et je le détestais pour ce qu'il faisait endurer à ma meilleure amie. En même temps, il jouait sur deux tableaux. Ce dernier passait son temps libre à roder en bonne compagnie. En l'occurrence Camille et Zoé. D'ailleurs je me demandais si cette dernière n'était pas polygame. Julien, Gautier ou Pierre? Il fallait faire un choix!
Quant à moi, je restais avec Alice et Bastien. Et elle roulait des yeux dès que nous commencions à parler de je ne sais quel sujet dont elle n'avait rien à faire. La pauvre, elle devait se sentir bien seule entre nous tous!
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Je devais aller rendre un travail en art plastique (une maquette immonde que j'avais dû faire à l'arrache. Disons qu'à la fin j'avais plus de colle sur les doigts que sur mon "vaisseau spatiale". Oui, nous avions des trucs pourris à faire... Merci la vie...) et Bastien fut le seul à bien vouloir m'accompagner. Bon, ok... Suite à cinq refus j'avais décidé de prendre le taureau par les cornes. Je l'avais donc attrapé par le bras et trainé comme je pouvais jusqu'à la salle. Il s'était, bien évidemment plaint, mais je l'avais fait taire en lui assurant que ça ne prendrait pas longtemps.
Vingt minutes. Cela dura vingt minutes interminables où Bastien et moi tentions vainement de garder les yeux ouverts.
La sonnerie marquant la fin des cours avait sonné depuis des siècles et la prof, un peu à l'ouest, continuait de nous raconter la vie de Van Gogh. C'est passionnant, Madame, vraiment, mais j'ai envie de rentrer chez moi! voulais-je lui crier. Je m'abstenus et fis de grands sourires et des hochements de têtes compréhensifs,  espérant qu'ils marqueraient la fin de son monologue soporifique. Lorsque l'heure de son cours suivant arriva enfin, elle comprit que nous devions partir. La prof nous indiqua alors bien gentiment la porte l'air de dire "Pourquoi vous restez? Vous voyez bien que vous me dérangez!"
"_ Merci, Juliette! lança Bastien, sarcastique
_ Quoi?
_ On a attendu deux heures! J'ai pas que ça à faire!
_ Ah oui, vraiment? Et qu'as-tu de si urgent à faire?
_ Des choses... beaucoup... c'est très important.
_ Et c'est moi qui sais pas mentir!
_ Parfaitement."
Il me fixa avec sévérité, mais ses pupilles pétillaient de malice et ses lèvres semblaient vouloir s'étirer en un large sourire. Alors je sus qu'il n'était pas fâché. Il n'était jamais fâché.
Je me plaçai soudain face à lui et l'observai avec intérêt.
"Tu crois pas qu'on a assez perdu de temps? Si tu ne marches pas on rentrera jamais!"
Je mis mon doigt sur la bouche lui intimant de se taire. Il eut l'air surpris. Puis, me mettant à sa droite, je montai sur la pointe des pieds et embrassai sa joue. Il sourit et m'attira contre son torse.
"_ En quel honneur?
_ C'est parce que tu as bien voulu m'accompagner. Et rester avec moi sans trop broncher.
_ En même temps tu me plantais des ongles dans le bras, j'aurais pas pu partir!"
Je lui fis une bourrade.
"Pfff! T'es bête!"
Il me serra plus fort.
Je devais récupérer mon vélo, récemment acquis à Noël, et Bastien se proposa de m'accompagner dans le parking à vélo. Pour de vrai cette fois-ci.
Il détacha même le cadenas.
"Et gentleman en plus!" m'exclamai-je.
Il leva la tête, un sourire malicieux dressé sur ses lèvres, toujours en train de sortir mon vélo du truc en métal (quelqu'un connaît-il le nom de cet objet?)
"Non mais maintenant j'ai ton code!"
OUPS...
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Nous marchâmes dehors un instant. Nous étions vendredi alors nous pouvions prendre notre temps.
"_ Et si je te payais une gaufre pour te remercier de m'avoir attendue?
_ D'accord, mais c'est moi qui invite!
_ Faut pas me le dire deux fois!" m'exclamai-je
Il acheta deux gaufres et nous nous assîmes sur un banc dans un parc pas loin de l'établissement.
"_ Et cette montagne de choses à faire? demandai-je ironiquement
_ Elle attendra, là je suis avec toi" déclara-t-il en entourant mes épaules de son bras.

Bien entendu, certains penseront qu'il y a anguille sous roche, mais pas du tout. L'anguille se balade tranquillement et vit sa fabuleuse vie d'anguille, et très loin du rocher. Nous avons quand même le droit de nous nourrir!
"_ T'as du Nutella sur la commissures des lèvres, dit-il en riant.
_ Oh non, la honte! Pourquoi tu m'as pas dit ça plus tôt? (nous avions fini et nous marchions dans le parc depuis au moins une heure. Voilà pourquoi les gens me regardaient étrangement!)
_ C'est pas de ma faute si tu sais pas manger!
_ Non mais je le savais! J'ai fait exprès!
_ Bien sûr! Combien de fois vais-je devoir te dire que tu ne sais pas mentir?"
Il  commença à retirer le chocolat avec son pouce en me regardant bizarrement.
"_ Oh non! Désolée de briser tes rêves, mais tu tombes dans la niaiserie mon pauvre ami!
_ Comment ça?
_ Tu es en train de nous faire un remake de je ne sais quel film romantique à l'eau de rose! C'est gnangnan!
_ Je croyais que tu étais du genre à les aimer!
_ J'ai pas dit le contraire! Mais j'aime quand c'est aux autres, alors que, bizarrement, quand c'est pour moi je trouve ça pénible. En plus c'est pas avec moi que tu dois faire ça!
_ Tu penses à qui?"
Je continuai de marcher pour être à une distance vitale loin de lui. Puis me retournai et hurlai "LUCIE!" avant de partir en courant. Il me rattrapa et me prit par la taille pour me faire tomber dans l'herbe.
Je m'allongeai sur le dos et il m'imita. Je n'aurais pas dû. Nous n'étions qu'en janvier et le froid se faisait ressentir. Et la pelouse était trempée.
J'essayai de faire abstraction de ces conditions pas très avantageuses et fixai le ciel d'un bleu pâle, comme si on en avait aspiré les couleurs.
     
"Tu penses à quoi?" demanda Bastien, l'air rêveur.
Nous nous étions tus et mon regard portait toujours sur le ciel. Je me retournai vers lui, assis près de moi, les mains sur ses genoux pliés.
"Rien, je regarde le ciel."
Son visage prenait toujours une expression particulière lorsque j'évoquais certains points qu'on pourrait qualifier de "poétiques" ou "philosophiques". Il le prit à ce moment là.
Bastien se coucha près de moi. Mes cheveux, en éventail, caressaient sa joue.
"_On fait le jeu des nuages?
_ Le quoi? demandai-je.
_ Le truc où on dit à quoi les nuages ressembles.
_ Et tu nous refais une scène de film! m'exclamai-je en riant
_ Lequel?
_ J'en sais rien mais il doit bien y en avoir un!
_ Bon... Qu'est-ce-que tu vois?"
Mes yeux se posèrent sur l'étendue pâle face à moi, peuplée de nuages blancs.
"_ Une fleur. Ouais, une marguerite. Et toi?
_ Euh... Un mouton!
_ D'accord... Et là? Moi je vois un oiseau. Et toi?
_ Hmm... Du coton.
_ Bastien! C'était ton idée fais un effort!
_ Mais je voulais faire genre moi! Tu crois vraiment que mon passe-temps favori c'est de regarder le ciel? Tu t'imagines peut-être aussi que tous les soirs je vais observer le coucher de soleil!
_ Et une autre référence cinématographique!
_ Quel film?
_ J'en sais rien! Mais il doit bien y en avoir un!
_ Ne parle pas si tu sais pas! Ca nous ferait un peu de répit! me taquina-t-il
_ Je te manquerais trop si j'étais pas là!
_ Bien sûr...
_ C'est pas ce que tu disais la semaine dernière! C'était quoi déjà tes mots? Tu es ma drogue... Je pourrais pas vivre sans toi... Tu es fabuleuse...
_ Eh! J'ai jamais dit ça!
_ Oui mais tu le pensais!
_ Je me souviens surtout que je te disais que t'étais vraiment chiante!
_ Pfff... Bon, le prochain nuage?
_ Et si on arrêtait avec ça? C'est pas pour nous!
_ Et on fait quoi alors?
_ Je te dessine!
_ Oh non...
_ Pourquoi?
_ C'es fatiguant!
_ Tu n'as qu'à rester immobile! Je trouve pas que ça te demande un effort physique surhumain!
_ Tu sais ce que c'est une excuse?
_ Aller, Princesse!
_ Et tu fais dans le sentimental en plus!
_ S'il-te-plaît! Tu te rends compte que c'est toi qui devrais me supplier pour avoir un portrait de moi!
_ Parce que tu sais dessiner?
_ Il y a encore certaines choses que tu ignores sur moi!"
Comme tout. Je t'informe Bastien que tu ne me dis rien. En revanche à Camille... Bon, j'arrête ma jalousie à deux balles.
                                                                   . . .
Le soleil était apparu et illuminai l'horizon d'une lueur dorée. Tout était calme. Le froid se faisait toujours ressentir, mais j'avais enfilé mon manteau, mes cheveux éparpillés autour de mon écharpe, certains passés à l'intérieur.
Bastien avait gagné. J'avais fini par céder face à son enthousiasme contagieux et à ma curiosité dévorante: savait-il dessiner?
Il trouva une feuille sortie de je ne sais où (eh mais attendez, c'est ma pochette!) et un crayon à papier rose à paillettes. Lui avait un crayon fuchsia? Mais... C'est mes affaires!
"_ Te gêne pas surtout!
_ Ok, pas de problème!" déclara-t-il en souriant.
Son emprunt non autorisé effectué, il se plaça face à moi. Son regard voguait entre mon visage et la page blanche. Je le voyais tracer des contours, l'air confiant et je m'interrogeais: ce dessin allait-il être ressemblant? Ou même beau?
Soudain, il releva la tête et posa son regard sur moi. Ses pupilles semblèrent fouiller les miennes et il m'étudia longuement. Elle s'encrèrent dans mes yeux et ne les lâchèrent pas. J'en eu le souffle coupé. Il paraissait comme hypnotisé, ou en transe, face à ma contemplation. Cela me mettait mal à l'aise. Je me sentais gênée d'être épiée avec tant de puissance et de profondeur. Et de sincérité. J'avais tout simplement l'impression d'être mise à nu par ses yeux d'ébène, comme si en un regard, il pouvait tout découvrir de moi. Mes secrets les plus intimes. Mes pensées soudaines. Mon passé. Ce que je ressentais à ce moment précis mais que je ne pouvais qualifier.
Il me fixait toujours, sûrement ne se rendait pas compte de la force de son regard. Le rouge me monta aux joues et je m'essoufflai. J'avais raison: c'était épuisant de poser! Surtout quand deux yeux couleur miel guettent chacun de vos mouvements.
Le soleil vint se plaquer contre mon visage. Il ne manquait plus que ça! Je suais déjà assez pour que l'astre solaire ne s'en mêle!
Bastien ne semblait pas se rendre compte de ma gêne. Il continuait ses allers retours entre mon visage et sa feuille, sans se soucier de ma peau virée au cramoisi. Il paraissait si concentré que je ne me sentais pas capable de l'interrompre, même si l'immobilité commençait à me peser et que ma nuque me faisait souffrir. Il continua alors son dessin sans s'intéresser au monde extérieur. A ce moment précis, il n'y avait plus que lui et moi.
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Bastien posa enfin son stylo et m'indiqua d'approcher d'un bref signe de la main. Je vins me placer derrière lui et contemplai son dessin.
Je scrutai la feuille où s'étendaient divers traits plus ou moins symétriques. J'en restais bouche bée.
"_ Alors? demanda--il
_ Euh... Bah... Disons que c'est... spécial."
Comment dire? Ma bouche semblait dépasser le contour de mon visage et mes prunelles ressemblaient à des suppositoires. Peut-être pourrait-il se rattraper sur le nez? Ou pas... Si Lucie me voyait comme ce dessin, je comprenais à présent sa réflexion sur mon nez étrange. Et la partageais.
On aurait dit une œuvre de Picasso. Mais je ne voulais pas le vexer, surtout qu'il avait l'air fier de son travail. Je m'accroupis à côté de lui et pris le dessin dans mes mains pour la mettre au soleil. Peut-être qu'un rayon céleste pourrait l'embellir? Ah non...
"_ Alors tu aimes?
_ Bah... c'est.. Un dessin.
_ En même temps t'arrêtais pas de bouger on aurait dit une anguille!"
S'il se compare à une pierre alors on a un gros problème.
"_ Je suis pas sûre que ce soit un problème de modèle, dis-je en riant, essayant de détendre l'atmosphère.
_ Qu'est-ce que tu insinues?
_ Que tu sais pas dessiner!  (oups, faudrait-il que je pense à filtrer mes pensées au lieu de les déverser sans réfléchir?) Enfin... Tu dessines quand même mieux que Pierre.
_ C'est censé être un compliment?"
Disons en fait que Pierre avait les capacités d'illustrateur d'un gamin de trois ans... qui aurait bu de l'alcool.
"_ Bah... euh... voilà quoi...
_ Parce que toi tu sais dessiner peut-être?
_ Non mais je le prétends pas!"
Bon, ok, je me débrouille. Si on me donne un crayon et une gomme, je peux faire un portrait plutôt agréable à regarder, mais je ne me sentais pas de l'enfoncer un peu plus.
Un silence, cette fois-ci pesant s'installa. Je voulais le briser mais ne savais pas vraiment quoi dire.
"_ Tu te rends compte qu'on peut ajouter ça à notre liste des remakes de films? Entamai-je
_ Ah oui? Lequel?
_ Titanic.
_ Sauf que t'étais pas nue!
_ (je rougis) Encore heureux!
_ (il rit, sûrement ravi de m'avoir mise mal à l'aise)
Je me doutais que tu aimais cette daube.
_ Comment ça?
_ T'es le genre de fille à aimer ce genre de niaiseries!
_ Excuse moi mais ce film à eu je sais pas combien d'oscars! Je crois onze et je sais pas combien de vues alors on se calme!
_ Ils ont du se tromper dans les comptes. Et puis les filles comme toi devais venir plus de 300 fois par personne alors si t'en prends 10 le tour est joué.
_ Le genre de fille comme moi?
_ Qui aime les histoires d'amour larmoyantes.
_ Pfff.
_ Le seul moment bien c'est quand le bateau coule! Là il y a de l'ambiance!
_ Sadique!
_ Excuse moi mais c'est cucul la praline! Ils se connaissent depuis une semaine et elle veut le suivre au bout du monde! Ca se trouve c'est un sociopathe!
_ Tu viens d'avouer que tu l'as vu!
_ Oui et? Qui ne l'as pas déjà vu?
_ Quelqu'un qui assure le détester... Si tu es resté plus de trois heures devant ce chef d'œuvre c'est que tu l'as aimé...
_ On m'a forcé.
_ Tu t'en souviens quand même!
_ Arrête ou je fais un énième remake!
_ Lequel?
_ Massacre à la tronçonneuse!"
Je ris et il vint se poster près de moi.
"_ C'est une incitation au meurtre? Demandai-je, hilare
_ Non pas vraiment! Mais si tu y tiens!"
Au lieu de me déchiqueter avec un instrument de jardinage, il commença à me chatouiller. Je riais bêtement sans pouvoir m'arrêter. Il finit alors au dessus de moi. Vous avez dit gênant?
En fait c'était moi le problème! J'attirais les ambiguïtés comme un aimant!
Je me dégageai, les joues en feu.
Il commençait à se faire tard alors on décida de partir. Je rangeai mes affaires, mises en désordre par ses soins. Et mis le dessin dans ma pochette.
"Tu te lèves et tu me lèves!" lançai-je.
Il s'exécuta et me releva.
                                           . . .
Nous marchâmes ensemble jusqu'à ce que nos chemins se séparent.
"_ Tu sais, j'ai pensé à un truc, lançai-je
_ Développe.
_ Bah puisque j'ai des millions de questions existentielles et que je sais que tu en raffoles, je me dis que je peux t'en poser une par jour. Comme ça on apprend des trucs l'un sur l'autre quotidiennement.
_ Ca me va."
Je le regardai, ébahie. Je pensais qu'il serait dur à convaincre.
"_ Ok... Alors euh... Tu crois à la réincarnation?
_ Non mais où tu vas chercher ça!
_ Réponds!
_ Je pense pas non. Et toi? Pitié pas de monologue interminable!"
Je lui tirai la langue. Je sais, très mature.
"Ca pourrait être cool mais je pense pas. Parce que, techniquement (rien qu'à l'évocation de ce mot, il poussa un soupir), si tu te réincarnes en oiseau, alors tu te rends pas compte de qui tu étais avant. Donc t'as plus vraiment la même conscience. Sauf que si c'est plus ton mental, est-ce-que c'est vraiment toi?"
Il savait que cette question n'était que pure rhétorique, mais lança tout de même "Telle est la question!" avant de me faire la bise et de partir.
                                                               . . .
J'aimais le temps que je passais avec Bastien. Je pouvais enfin être moi-même sans craindre l'avis des autres. Sûrement savais-je qu'il m'aimerait quoi que je fasse ou quoi que je dise, même si c'était complètement stupide, ou blessant. Il m'arrivait de ne pas me rendre compte de ce que je disais.
En tout cas, je l'adorais. Il était à présent devenu indispensable à ma vie. Je pensais d'ailleurs qu'il demeurait le seul à pouvoir me canaliser ou me faire taire lorsque j'entrais dans des délires bizarres. Il était le meilleur ami idéal. Mais la frontière est bien mince entre l'amitié et l'amour...
                                                                  . . .
_ Coucou!
T'es là?
Ju????
Pourquoi ni toi ni Bastien ne répondez? Vous êtes allés faire des trucs bizarres en salle de dessin? ^^
Là y a un problème tu ne me gueules pas dessus!
T'es tu faite agressée par un malade?
Est-il beau?
Si c'est le sosie de Ryan Gosling, je veux bien échanger de place avec toi!
Non mais sérieux réponds!
Et Bastien ne répond toujours pas! Vous êtes allés vous marier à Las Vegas? C'est pas cool je voulais être ta demoiselle d'honneur!
Si tu réponds pas je viens chez toi pour te tirer les oreilles!
Bon là je m'impatiente!
Je vais devoir inventer des poèmes:
Alors c'est l'histoire ce Josette
Et de Paulette
Elles collectionnent les brouettes
Et les alouettes
Et le soir elles font la fêtes
Et jouent à la crapette
Elles ont une belle girouette
Qu'elles ont appelée Bernadette
Elles mangent des croquettes
Avec Yvette
JULIETTE!!! hey ça peut faire la suite du poème!
TU FOUS QUOI?????!!!!
OULALA! Bastien vient de me dire que vous êtes allés dans un parc... ^^ Rendez vous romantique en amoureux? Et il t'as dessinée en plus! Attention! Il sort le grand jeu!!!
Et il t'a achetée une gaufre! Quel gentleman!! Tu te fais entretenir???
_ Coucou! J'essayais de ranger mon vélo... Il arrêtait pas de tomber... Donc déjà on a rien fait dans la salle de dessin espèce de sociopathe! Non je ne me suis pas faite agressée, mais s'il avait été beau je l'aurais gardé! Tu mérites pas de te faire enlever par Ryan Gosling!!! Non on est pas mariés!!! Ton poème est splendide, mais ne cherche pas d'éditeur, ce serait du temps perdu! Et ça te pose un problème qu'on soit allés au parc?!!? Je te signale qu'il dessine presque aussi mal que ton Pierre! Et qu'à la base c'est moi qui voulais lui payer donc non je ne suis pas une croqueuse de diamant!!!
_ Alors ce rendez vous en amoureux???
_ C'ÉTAIT PAS UN RENDEZ-VOUS EN AMOUREUX! Tu vas pas t'y mettre!!!
_ On peut se poser des questions... Vous avez fait quoi? ^^
_ On a mangé une gaufre, on s'est baladé, on s'est allongés dans l'herbe, on a regardé les nuages, il m'a dessinée et voilà.
_ C'est génial j'ai le point de vue des deux en simultané!!!
_ Fabuleux!!!
c'est ironique au cas où tu le saurais pas :)
_ J'aurais aimé voir ça! ^^
_ Mais il s'est rien passé! Et il se passera jamais rien alors TU TE CALMES! On dirait Stéphanie!!!
_ C'est pas ce qu'il m'a dit!
(Je rougis en voyant ça. Qu'est-ce-qu'il avait bien pu raconter?)
_ Et qu'a-t-il dit?
_ Je sais pas. Tu vois quelque chose???!!! ^^
_ Ah!!! J'ai compris! Tu fais la technique du je sais qu'il y a quelque chose alors que tu sais pas, pour savoir s'il y a vraiment quelque chose. Je te connais trop bien!
_ Alors il s'est vraiment rien passé?
(Je mis du temps à répondre. Devais-je lui dire pour son observation si troublante? Je ne savais pas... Mentir? Non, ce n'était pas vraiment mentir... Omettre? Elle ne comprendrait pas si je lui parlais de ça. Enfin... C'était ma meilleure amie. Elle était censée comprendre, c'était son rôle de m'aider... Oui mais il faudrait tout lui expliquer depuis le début sur mes interrogations (qui, honnêtement, ne s'en étaient jamais allées) face à cette amitié qui cacherait peut-être autre chose. Mais lui dire serait comme avouer... Bon... Que faire?
Je m'imaginais alors l'apparition de mini-moi sur mes épaules. L'un vêtu de blanc, l'autre de noir.
L'ange dit: Dis lui, elle est là pour te conseiller, elle va t'aider à mettre les choses au clair, c'est son rôle de meilleure amie. Elle ne te jugera pas.
Le démon dit: Tu ne te rends pas compte de ce que ça implique? Mens! Elle ne doit rien savoir! C'est impensable! Tu n'es même pas sûre! Ne va pas l'alarmer! Et elle le dirait à Bastien!

Non! Jamais elle ne le dirait! Vous vous calmez vous deux! Oui, dans ma tête, le démon avait enfourché l'ange qui lui, s'employait à répandre du bonheur autour de lui. Toujours niais cet ange! Il faudrait sincèrement que j'en change!
Mais qu'est-ce-qui m'arrivait? J'imaginais des bagarres entre des mini-moi de mon invention... Ca n'allait pas bien dans ma tête! Il fallait que je me ressaisisse. Vite, un thé, une couverture, et au lit!
Ayant écouté la voix de la raison (elle était plus vieille que les autres et avait dans la soixantaine. Et je recommençais en plus!) qui m'intima de me reposer, je me dirigeai vers la cuisine et mis de l'eau à chauffer. Appuyant sur mon portable, je vis le message de Camille se dresser fièrement et me narguer. Je laissai le sachet de thé à la menthe infuser, puis regagnai ma chambre, un pyjama et un sweat informe sur le dos. Je bus mon thé, en tailleur, fixant toujours mon message avec appréhension. Un élan soudain apparu et je me mis à taper sans comprendre ce que je faisais.
                                                                        . . .
_ Non... enfin si. Je suis en vrai combat intérieur... J'ai même vu l'apparition de mini moi en mode ange et démon sur l'épaule... Je deviens folle... Ici, la nouvelle Jeanne d'Arc! Je veux pas finir lapidée.... Enfin voilà... Sache que c'est un véritable débat et je ne sais pas encore qui a gagné... Même si le diable à embroché l'ange qui est toujours en train de sourire en mode peace and love. Tu vois la gravité de mon état???!!! Bientôt je verrai des licornes roses... C'est qu'une question de temps... Bon, je me jette  à l'eau... Si j'étais en face de toi je me mettrais à tout débaler hyper vite comme je sais bien faire pour limiter les dégâts produits par mes mots... Alors si tu pouvais lire ce message vite ce serait cool. (sauve moi je deviens folle!!!)
J'ai toujours su qu'entre Bastien et moi il y avait une ambiguïté... Et je l'aime bien, c''est un peu comme une vieille amie (l'ambiguïté). Sauf qu'habituellement je vis mon histoire dans ma tête sans que les gens s'en rendent compte. Mais là... Au secours ils s'en rendent compte! Enfin voilà je me pose parfois des questions... Et aujourd'hui, quand notre cher Bastien m'a fait un remake de Titanic, il m'a regardée tellement étrangement que j'en suis toujours chamboulée et qu'en y repensant j'ai des sueurs froides et des bouffées de chaleur... Et ça m'inquiète... Est-ce que ça veut dire que je suis folle? Que je vais devoir me faire interner? Pire: que je suis en train de tomber... Non, j'arrive pas à le dire... Au secours! Camille aide moi! L'ange est en train de faire des colliers de fleurs et le diable aiguise ses couteaux! J'ai peur... Et le pire c'est qu'ils sont dans ma tête! Et s'ils se battaient dans mon crâne? Ce serait un carnage! AU SECOURS!
_ Alors déjà RESPIRE! On se calme ça va aller! Tu m'inquiètes avec tes mini anges tu devrais dormir. La question étant: pourquoi ce regard t'a-t-il troublée?
_ Quelle question! Tu suis pas!
_ Peut-être pas, mais explique moi.
_ Mais je sais pas comment expliquer! Moi-même j'ai pas compris! Je sais juste que ça m'a chamboulée. Je crois que les mini-moi on fait un bowling dans mon crâne et qu'ils ont pas ramassé les quilles.
_ Tu devrais aller te coucher. Tu verras les choses plus clairement demain.
_ T'as raison. Bisous.
_ Bisous.
                                                                           .  . .
Je m'éveillai le lendemain avec les idées plus claires. Les petites bonne femmes que j'avais dénommés:
Julie pour l'ange
Julietta pour le démon
Et Julia (mélange des deux) pour la mamie, avaient disparus. Et ce n'était pas plus mal!
J'envoyai directement un message à Camille, ayant les idées plus claires:
"Je me suis trompée, j'étais juste fatiguée. Fais pas attention à mon pétage de plomb d'hier. il fallait bien que ça arrive un jour! En tout cas, j'ai réfléchi et je me suis trompée. Son regard ne m'a rien fait j'avais juste de la fièvre. T'inquiète pas pour ça. On est amis c'est tout et puis moi j'aime Julien."
Je reçu immédiatement une réponse:
"Je ne suis pas dupe, Ju, mais si tu veux oublier alors je te laisse, n'en parlons plus ;)"
Tout redevenait comme avant.
                                                                . . .
Mon weekend fut overbooké. Non pas que je fus invitée à des centaines de soirées très arrosées (1- je n'aimais pas ça, 2- je ne buvais pas, 3- je n'étais jamais invitée) mais le travail fut si conséquent que je ne vis pas le temps passer...
                                                                  . . .
_ Bleu ou rouge?
_ Rouge et toi?
_ Bleu
                                                                             . . .
_ Sweat ou pull?
_ Sweat et toi?
_ Pull.
                                                                              . . .
Tout nous opposait vraiment.
                                                                      . . .
Mais à quel dicton croyais-je:
_ Qui se ressemblent s'assemblent  ?
_ Les opposés s'attirent?
Tout demeurait dans cette question. Tout. Et j'avais bien trop peur de la réponse...

L'amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant