Chapitre 32 : H

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J'avais attendu plusieurs heures, l'angoisse au ventre. H avait ses défauts, pour sûr, mais peut-être une seule et unique qualité : sa parole. Il avait dit qu'il attendrait la nuit, et il n'avait pas tenté de m'approcher. Au travers de la fenêtre brisée, le soleil brillait encore. Je voulais qu'il reste en haut du ciel indéfiniment. La vieille horloge au cadran cassé affichée sur un mur indiquait seize heures passées.

Je ne quittais pas le lit, immobilisée par la peur. J'essayais de réfléchir, sans arriver à émettre un quelconque plan d'évasion. J'étais si terrifiée que j'en avais vomi trois fois. Par stress, par ma chute précédente, et peut-être toute la fatigue et le soleil accablant que je me payais depuis plusieurs jours. J'étais mal, beaucoup trop mal, et ça n'avait pas échappé à H :

— T'es pas épaisse, gamine. Ne vomis pas le peu qui te reste dans ton corps. Tu ne vas pas faire long feu.

Par un étrange élan de bonté, H m'avait apporté de quoi manger : quelques biscuits et de l'eau, que je pris après plusieurs minutes d'hésitation et sous son expression qui trahissait un léger air amusé.

— Mange. Je ne vais pas t'empoisonner, t'es ma monnaie au change. J'ai cru entendre que Kai tient pas mal à toi.

Que cela me plaise ou non, il y avait une certaine logique derrière la pensée de H. Mais il n'était pas obligé de nourrir son otage. Je demeurais toutefois méfiante. Trop. Chaque bruit, même le vent qui s'engouffrait légèrement dans l'appartement me faisait sursauter. On aurait dit une folle. L'attente était insupportable, surtout en étant bloquée. H avait fermé la porte à clé, qu'il gardait précieusement dans la poche avant de son pantalon. Ma seule solution était de la récupérer, je ne savais comment. J'avais bien repéré la fenêtre cassée, mais je m'assurais de faire une chute de plusieurs étages.

Je priais pour que Kai vienne me chercher. Mais je comprenais que ce serait bien plus compliqué que venir simplement toquer à cette porte pour me réclamer. Déjà il fallait que mon groupe le retrouve, à temps ; sous peine que je reste à la merci de H pour la nuit. Je ne préférais pas penser à cette hypothèse sordide. Peut-être que même être décapitée avec les moyens du bord semblait plus convenable. H avait peut-être affûté sa technique pour que je ne souffre pas trop ?

Le second problème restait Matthew. Non pas sa personne et qu'il soit un criminel, après tout, on en était quasiment tous. C'était le fait qu'il n'ait rien dit. Qu'il m'ait laissée seule à la merci de cet inconnu, sachant par la suite que H le recherchait lui. En repensant à son attitude soudainement terrifiée par la vue de H, je comprenais maintenant qu'il savait qu'il était en danger dès le début puisque qu'il était recherché. Mais il ne s'était pas dénoncé. Il avait préféré me laisser à H. Mais finalement, moi, aurais-je eu du courage à sa place ? Parfois, la lâcheté pour sauver sa peau était une hypothèse bien plus rassurante. Probablement que lui aussi ne voulait sans doute pas finir décapité avec les moyens du bord. Et puis, Kai voudrait-il vraiment livrer Matthew à H ? Kai faisait une grande confiance à cet homme. Il l'avait désigné en tant que binôme. Sur le camp, Matthew avait un poste élevé de responsable des réserves alimentaires. On ne confiait pas ce poste à n'importe qui.

Et si Kai préférait m'abandonner pour privilégier Matthew, ou la survie du groupe entier ? Démarrer un conflit dans une ville si peuplée pouvait être dévastateur pour notre petit groupe. Et puis, Karin arriverait même par la suite à me faire complètement quitter l'esprit de mon ami. Elle était douée pour ça après tout.

Les aiguilles des minutes tournaient trop lentement et trop vite à goût sur la petite horloge. H avait remarqué que je fixais perpétuellement cette dernière. Chaque seconde qui s'écoulait faisait monter d'un cran la peur qui vivait en moi. De même, chaque seconde paraissait comme une éternité de terreur à traverser. Je n'arrivais pas à me calmer. Mon cœur se serrait davantage chaque instant dans ma cage thoracique. Même si j'eus bus quelques instants plus tôt, ma gorge demeurait affreusement âcre. 

ArizonaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant