Chapitre 34 : Paradis caché

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Les journées d'expéditions s'enchainaient les unes après les autres. Mais chaque réveil devenait de plus en plus difficile. Mes forces comme celles de mes compagnons s'amenuisaient progressivement. 

Lasse, je m'occupais d'abreuver les chevaux près d'un petit point d'eau trouvé pas très loin du campement, mon organisme à moitié éveillé. Le regard dans le vide, je les observais boire à tour de rôle, suivant la hiérarchie qu'ils avaient eux-mêmes établi et respectaient rigoureusement. Hopi, qui avait bu le premier, leva soudainement les oreilles, avant de tourner sa tête vers la source du bruit. Instinctivement, je suivais son regard, prête à voir apparaître un crocodile ou une bestiole dans le genre. Mais je sus que ce n'était pas un danger quand Hopi hennit bruyamment, visiblement heureux. Et quand j'aperçus la silhouette svelte de Nolan arriver près de la rivière, je me mis à sourire, tandis que ce dernier caressait affectueusement l'encolure de son étalon en arrivant à sa hauteur.

Autour du point d'eau, c'était Phoenix qui se désaltérait, après que Yavapai lui ait laissé la place. Je sentais le regard pesant de Nolan sur moi, chose assez inhabituelle, et toujours tournée vers les chevaux, j'articulais lentement :

— Comment tu as su ?

Tous deux savions de quoi il était question. Je pivotais rapidement vers lui, cette fois en le regardant dans le blanc des yeux. Il fut un instant surpris par ma réaction, avant de me fixer à son tour.

— ­Il me l'a dit. C'est mon meilleur ami. Je pensais que tu me l'aurais dit également.

— Je l'aurais fait, mais je ne savais pas comment...

J'aurais dû me douter que Kai l'avertirait dès le début. Ils étaient tellement inséparables tous les deux que je ne comptais plus le nombre de fois où Derek les taquinait en affirmant que chacun connaissait des détails les plus personnels sur l'autre que personne n'aimerait savoir.

— J'aurais dû t'avertir. Mais c'est compliqué, et je ne savais pas comment répondre aux trois milles questions que tu m'aurais posées ensuite.

Il rigola quelques secondes avant de reprendre :

— Excuse-moi, je crois que j'ai été un peu brusque. Je ne t'en veux pas. Je suis le meilleur ami de Kai, il me dit toujours tout. Lui, il ne changera pas, car je sais qu'il a besoin de me parler. Toi aussi, j'espère tu ne changeras pas. Et... Je suis si lourd que ça avec mes questions ?

— Non, c'est juste que tes questions sont déconcertantes. Mais bon, comme je dois être autant curieuse que toi, je n'ajouterai rien de plus.

— Pff, elles ne sont pas trop déconcertantes. Hé, Kai m'a dit que c'est lui qui avait fait le premier pas. Étonnant. Et il embrasse bien ? Je suis sûre que tu es sa première petite-amie en plus !

— Nolan, qu'est-ce que j'avais dit ! Je t'en pose, moi, des questions aussi personnelles ? D'ailleurs, tu as déjà eu une petite amie toi ?

Nolan m'adressa un sourire taquin alors que son cheval venait vers lui :

— C'est un secret, ça.

— Nolan !

— Allez, Hopi, on y va. Une longue journée nous attend. Dépêche-toi, Léane, se hâta pour une fois mon ami.

Sincèrement, une femme sur cette planète avait-elle réussi à supporter Nolan dans le cadre d'une relation ? Sa maladresse, ses dialogues incessants et ses questions fouineuses ? Une grande énigme, en effet.

Comme l'avait prédit Nolan sans difficulté, une longue journée de périple nous attendait encore. Mais pour une fois, elle passa plus vite que les autres. Car mon esprit était obnubilé par Kai, ses aveux et la sensation de ses lèvres sur les miennes. Une part de moi était euphorique, finalement, c'était la première fois que je ressentais vraiment un amour réciproque pour quelqu'un. Et de l'autre, une certaine crainte. J'étais en Arizona. J'étais dans un monde en ruines. Tout pouvait être détruit en un claquement de doigts.

ArizonaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant