6. Relations, origines

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J'ai beaucoup réfléchi à ce que m'a dit Mamie. Quand j'étais petite, j'avais une sœur imaginaire avec laquelle je partageais tous mes secrets. Mes parents m'ont même emmenée voir une psychologue car ils s'inquiétaient de me voir jouer toute une après-midi dans le jardin en riant, criant et discutant, seule. Pour moi, elle était vraiment là. Je lui avais imaginé des cheveux châtains comme les miens, mais les siens seraient lisses et plus courts. Dans ma tête, ses yeux étaient très beaux! Le mélange des vert foncés de mon père et des bleu clairs de ma mère m'avaient donnée une paire de bille vertes, sans aucune particularités. Alors que quand je mélange du bleu clair et du vert avec mes tubes de peintures, le résultat ressemble plus à du turquoise. Je l'imaginais donc avec des yeux clair qui mélangeaient du vert et du bleu. J'avais même supplié Maman pour qu'elle m'achète une petite pierre turquoise à partir de laquelle j'avais fabriqué un collier. 
En conclusion, je la croyais avec moi et ça a été ma sorte de journal intime de mes 5 ans à mes premières années de collège. Un dessin d'elle est toujours affiché dans ma chambre et il m'arrive de lui raconter la pluie et le beau temps dans ma vie, de temps en temps. 

Si Mamie dit vrai, alors je vais retrouver cette liaison magique avec Clara. C'est vrai qu'elle m'a parut gentille et à l'écoute hier soir. Mais je ne sais pas si elle me supportera et si elle acceptera ma vie telle qu'elle est. Ou peut-être qu'elle ne m'aimera pas? Et si elle demandait à changer de gardienne? Est-ce qu'elle a le droit?

Je chasse toutes ces questions en claquant la porte d'entrée, retournant à l'académie le ventre plein. 

J'ai un déménagement à effectuer!

***

Mes affaires sont éparpillées sur le sol et je construis les cartons les uns après les autres avec mon rouleau de ruban adhésif. Je fais une partie de Tetris à chaque boîte que je remplis. Le plus facile, c'est les vêtements. Ca me permet de ranger et de trier tout ce zoo qui s'est formé dans ma chambre depuis 3 ans. En effet, on entre à l'internat de l'académie à 12 ou 13 ans. Il nous reste donc 2 ans de collège, avec un programme reformaté pour être adapté à notre environnement. Puis, c'est l'entraînement de 3 mois qui s'achève avec une cérémonie. C'est lorsque les vampires et gardiens se réunissent. Quelques vampires commencent le lycée sans gardiens et peuvent rester ainsi jusqu'à leur 20 ans, lorsqu'ils sont relâchés dans la ville, pour une vie "normale". Ceux-là abandonnent leur particularité et se livrent à la vie des humains. Du côté des gardiens, s'ils n'ont pas de protégé, c'est la surveillance des vampires novices, soit ceux qui n'ont pas de gardiens. Comme un surveillant. 

Pour en revenir à mes cartons, j'en suis aux cadres de photos lorsque quelqu'un toque à ma porte.

- Qui que vous soyez, entrez!

Des yeux noisettes me fixe de l'ouverture de la porte. Puis un bras, un pied et c'est mon meilleur ami tout entier qui me rejoint, sur le sol.

- Raphaël! Tu m'as tellement manqué!

Raphaël, que je surnomme Raph', est mon meilleur ami. Il y a un lien fort entre nous. Nous nous sommes rencontrés quand j'étais encore au collège. Il a 3 ans de plus que moi et c'est un petit peu mon grand frère. Mais notre rencontre a été marquée par une bataille de nourriture à la cantine. 

3 ans plus tôt, cantine de l'internat, derrière le comptoir de service:

J'ai enfin trouvé un lieu sûr où éviter les projectiles. Mon plateau est méconnaissable avec cette purée de légumes et la sauce du poulet au bleu. Je ne comprends toujours pas pourquoi ils sont allés mettre du fromage répugnant dans du poulet. Ca aurait été tellement plus simple. Heureusement, mon yaourt n'est pas endommagé et je le commence tranquillement, sur la musique des cris de mes camarades. 
Après ma deuxième bouchée, un garçon plus âgé que moi se glisse à mes côtés. Ses cheveux châtains reflètent la lumière diffusée par les néons. Ses yeux noisettes se plongent dans les miens et sa bouche me sourie.

- Salut! Moi, c'est Raphaël, mais tu peux m'appeler Raph'!

- Salut... Je m'appelle Éloïse.

Je n'étais pas très à l'aise pour être honnête. Ce n'est pas dans mes habitudes de parler à des gens de troisième, en fait ce n'est pas dans mes habitudes de parler à des gens tout court.

- Merci pour la cachette! Je t'ai repérée de ma table là-bas. 

Il me pointe du doigt une grande table où se trouvent une dizaine de troisièmes avec leur plateau comme bouclier. Je m'en doutais, c'est un populaire qui a beaucoup d'amis avec qui manger. Personnellement, je passe mes repas à lire pour paraître moins seule ou je saute ces repas en me sauvant à la bibliothèque après m'être faite notée sur la liste des élèves de sixième. Je sais que ce n'est pas bien, mais le regard des autres est insupportable et je compense avec un bon goûter en rentrant. Aujourd'hui, j'ai fait l'erreur de manger, tout ça pour assister à ce vacarme. En plus, il faut que je fasse la conversation avec cet être probablement aussi arrogant et prétentieux que ses camarades de classe. 
Cependant, je suis surprise qu'il m'ait "repérée", car en général les autres ne font pas attention à moi. Je dois avoir l'ai d'une petite boule humaine recroquevillée sur elle même, une cuillère dans la bouche et probablement du yaourt aux commissures des lèvres. En résumé, ridicule et insignifiante.

- Tu vas bien? Oh, tiens, prends mon yaourt, je n'ai plus faim!

Il me tendit son pot en plastique. Je retirai le couvercle qui s'enleva bien trop facilement. En effet, le pot était vide. Seulement quelques traces étaient restées sur les parois et dans les coins. Bien sûr, il rigola de sa blague. Et j'avoue que je ne pus empêché mon sourire. Beaucoup de gens auraient trouvé ce geste insultant mais moi, avant, personne ne s'intéressait assez à moi pour prendre la peine de me faire une blague. Aucun garçon ne me tirait les cheveux, personne ne volait mon chocolat à Noël, en attendant que je ne m'en rende compte, et jamais personne ne m'avait tendu un pot de yaourt vide.

- Et bien! C'est pas trop tôt! Enfin la naissance d'un sourire! Tu vas pas en mourir, Pépite!

C'est un surnom qu'il adopta pour la suite de notre amitié. Mes cheveux, disait-il. La couleur du chocolat, des pépites. Mes cookies, don hérité de ma grand-mère, avec des pépites. Et pour finir, nos disputes, qu'il nommait "pépites des relations".  

Wolfire *Sacrifice*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant