9. Je m'appelle Laura

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Les coups de patte fusent, les grognements des deux loups déchirent le silence nuptial. Et moi qui croyais que quelques mots menaçants feraient l'affaire... Catarina et moi avons changé de position pour nous réfugier, accroupies, derrière le tronc d'arbre couché. Rester face à ce duel est impressionnant. Je pense que je réaliserai demain le danger que nous courons à présent; seuls quelques mètres nous séparent de ces bêtes aux crocs pointus.

Cat' paraît tout aussi fascinée que moi. Ses fines mains sont posées sur l'écorce de notre cachette et ses jambes sont délicatement recourbées. Elle regarde la scène avec de grands yeux et sursaute à chaque aboiement ou griffure lancés. Je trouve que notre gardien s'en sort bien, même très bien. Plusieurs gémissements de douleurs sortent de la gueule de son adversaire et ce dernier semble avoir du mal à tenir sur ses quatre pattes. Jamais je ne remercierai assez ce sauveur pour son arrivée miraculeuse. Il m'a quand même épargné le ridicule! Mais j'apprends, j'observe et j'analyse. Je remarque qu'il a tenu un piège au gros loup noir qui nous a attaqué: après l'avoir épuiser en évitant ses coups, il l'a coincé entre un arbre et un rocher pour mieux le neutraliser. Depuis, c'est à peine s'il lui a laissé une chance de lever ses coussinets!

Enfin, le combat se termine. Le loup au pelage doré a blessé son adversaire qui s'est enfui sans plus d'histoire.

- Je suis désolée pour le dérangement, vraiment. Mais merci parce que quand même, votre aide nous a sauvées! Vous pensez qu'il nous aurait déchiré la gorge? Et d'ailleurs pourquoi vous nous défendez? Mais merci beaucoup!

Catarina était repartie dans un discours sans fin et incompréhensible.

- Excusez-là, c'est un réflexe quand elle stresse, elle dit tout et n'importe quoi. Merci beaucoup pour votre intervention et félicitations pour votre courage. Au revoir!

Je tire Cat' par la manche et tente de l'éloigner du loup. Pourtant, elle ne bouge pas. Quand je me retourne pour voir l'objet de son attention, le spectacle qui s'offre à moi est magique.

Les livres, nos professeurs, les légendes,... Jamais on ne nous avait parlé de la forme humaine que pouvaient avoir les loups-garous. Celui qui se tient devant nous se transforme bel et bien, à cet instant, sous nos yeux ébahis. Son pelage or disparaît pour laisser place à une peau lisse et rosée. Les poils de son crâne s'allongent et gardent la même couleur; mais sous forme de cheveux, ils sont plus foncés. Ses dents pointues se rétractent et sa bouche devient humaine. Le museau de l'animal s'est métamorphosé en un nez fin et légèrement recourbé. Ses yeux n'ont pas changé; leur éclat est toujours aussi puissant et leur couleur verte pure illumine encore la nuit en reflétant les rayons de la lune. Cependant, en plus de ce changement radical et inattendu, je découvre que la bête féroce et confiante est en fait une jeune fille de mon âge. Je m'attendais à découvrir un homme dans la trentaine avec de l'expérience, et je tombe sur une magnifique créature de la gente féminine. Combien de fois a-t-elle eu à faire à des loups comme celui-ci?

- Qu...qui es-tu?, dit Catarina en reprenant ses esprits.

- Je m'appelle Laura. Mon rôle est de faire la ronde la nuit pour éviter, par exemple, un accident comme celui-ci, car votre camp déclarerait probablement la guerre au nôtre, annonce-t-elle fièrement. Enfin, si je peux dire au "nôtre", continue-t-elle plus bas.

- Pourquoi tu dis ça? Tu fais bien partie des loups-garous!, l'interrogé-je, perplexe.

Elle baisse la tête doucement. Cette question semble la faire réfléchir. 

- A vrai dire, c'est une longue histoire. Mais si ça vous intéresse, autant commencer au début... Ma mère est morte d'un cancer quand j'avais 8 ans. Après ça, mon père est tombé dans une horrible dépression et l'a noyée dans l'alcool. C'est original, n'est-ce pas?, dit-elle avec un sourire forcé. Il est devenu violent et à mes 10 ans, il a commencé à tout me refuser. Je suis allée me réfugier chez mon meilleur ami, le seul à savoir, pour fuir ses coups et sa mauvaise humeur. Malheureusement, beaucoup de loups se sont moqués de moi les fois où j'arrivais à l'école avec un œil au beurre noir. Ils disaient que je n'étais même pas capable de me défendre, que j'étais une petite fille fragile. Alors forcément, je me suis forgé une carapace, et mon caractère avec. Depuis, on me reproche souvent d'être un peu garçon manqué. Mais un jour, mon père a fait une crise cardiaque et il n'y a pas survécu. Malgré sa violence, je préférais avoir un père que de me sentir seule pour de vrai. En plus, les moqueries de mes camarades ont recommencées parce que je suis orpheline. Et donc une fois, un garçon est allé trop loin en disant que c'était de ma faute s'ils étaient morts et...

Wolfire *Sacrifice*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant