Partie 1 : prologue

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Je venais d'être acceptée dans la plus prestigieuse école d'art du pays. Une bourse m'avait été octroyée, me poussant à quitter ma famille. Je m'éloignais de plusieurs centaines de kilomètres de mon domicile pour étudier dans une ville que je ne connaissais pas, mais qui marquerait à coup sûr une étape importante dans ma vie d'adulte.

J'étais en route pour mon tout premier cours. Je sautillais comme une puce à l'idée d'y assister, tellement heureuse de cette opportunité qui s'offrait à moi. 

Mes parents ne roulaient pas sur l'or, ils faisaient partie de la classe moyenne et n'auraient jamais pu se permettre de me payer les lourds frais de scolarité qui allaient avec cette école à succès. Malheureusement, le meilleur de l'éducation semble toujours réservé aux plus aisés. Pour une fois, j'allais aussi pouvoir goûter cette chance.

J'avais été étonnée d'apprendre que c'était à ma modeste personne que la bourse avait été attribuée. Je savais mon travail de qualité, mais j'avais quitté le lycée cinq ans auparavant, ce qui réduisait considérablement mes chances de l'obtenir.

Après avoir passé l'épreuve du bac avec succès, j'étais perdue. Mes dernières années de scolarité ne m'avaient pas suffisamment préparée et j'ignorais totalement ce que je voulais faire de ma vie. Je n'étais parvenue à me décider pour aucune des écoles et facultés dans lesquelles j'étais censée poursuivre mes études. J'avais validé mes examens avec mention, des tas de portes s'ouvraient à moi, mais je n'avais eu que quelques semaines pour décider où je voulais aller, pour décider de mon avenir. Cela me paraissait bien trop court. Si bien que j'avais fini par ne rien choisir, au grand désespoir de mes parents.

« Tu pourrais rentrer n'importe où, Nae, décide-toi avant qu'il ne soit trop tard. Ne gâche pas ton talent ou tu finiras par le regretter. » me disait ma mère.

Mais, qui avait décrété qu'âgés de seulement dix-sept ans nous devions statuer sur notre avenir ? Je ne voulais pas faire ce choix, je voulais tout apprendre à la fois, m'instruire sur tous les sujets possibles : histoire de l'art, littérature, sciences physique et paranormales, musique, éthologie, géographie, philosophie,... autant de domaines imaginables. 

J'étais une passionnée, je voulais découvrir le monde, accumuler le plus grand nombre de connaissances et n'avoir à faire un choix qu'après avoir goûté à tout. Alors je ne m'étais décidée sur rien, je n'avais envoyé aucune candidature et j'avais laissé passer ma chance d'intégrer les plus grandes écoles.

Ne souhaitant toutefois pas être une charge pour mes parents, je veillais à les aider financièrement. Je cumulais les petits boulots et, en parallèle, je m'inscrivais à des cours dans les facultés proches de mon bourg natal. Mes économies me servaient à financer des cours du soir dans des écoles payantes à proximité, elles étaient assez chères mais c'était le prix à payer pour accéder à des matières plus spécifiques.

J'avais ainsi découvert des tas de matières plus intéressantes les unes que les autres. Au bout de cinq ans, je m'étais finalement aperçue que le domaine dans lequel je m'épanouissais le plus était celui des arts plastiques. Que ce soit par la sculpture, la peinture, ou le dessin, j'y trouvais une source de plaisir que je ne connaissais pas ailleurs, une sensation de plénitude qui me comblait entièrement. Je libérais mon esprit sur le papier, mes créations devenant le meilleur des exutoires.

Cela m'avait pris du temps mais, à vingt-deux ans, je savais enfin quel chemin emprunter. Une décision pas forcément très raisonnée, dans le sens où je ne me faisais pas beaucoup d'illusion sur les débouchés... Néanmoins je me sentais à ma place, et le destin déciderait du reste.

Ma route m'avait donc menée ici, à Svatantria, où se trouvait l'une des meilleures écoles d'art au monde. Je marchais depuis dix bonnes minutes, et j'étais presque arrivée à destination, lorsque l'atmosphère changea comme pour se charger d'électricité.

Je ne réalisai pas tout de suite ce qu'il se passait. Des groupes de gens s'agitaient autour de moi. J'entendais leurs murmures, et je les voyais lancer des coups d'œil ébahis vers le ciel. 

Une longue plume immaculée tomba lentement devant moi et je me décidai enfin à lever les yeux à mon tour. Bouche bée, je compris alors la raison de leur agitation.

J'étais fascinée. Rien ne laissait présager un tel spectacle.

— Alors, ils existent ? soufflai-je tout bas.

Des anges. Aussi fou que cela puisse paraître, des anges arpentaient en ce moment-même les cieux de Svatantria, survolant la ville comme s'ils avaient toujours été là. Était-ce le cas ? Avaient-ils soudain décidé de se rendre visibles aux yeux des humains pour une quelconque raison ?

Je n'avais jamais été croyante. Comment aurais-je pu croire en une seule religion alors qu'elles ne reposaient sur rien de concret et qu'il en existait des dizaines dans le monde ? Comment aurais-je pu croire qu'un être suprême ait créé tout un univers pour le laisser ensuite à l'abandon sans s'en préoccuper plus que cela, sans ne lui donner ne serait-ce que la chance de répondre aux questions existentielles que les créatures dotées de raison finissaient par se poser ? J'avais une certitude, je ne trouverais jamais ces réponses dans des écrits datant de quelques siècles auparavant et qui n'avaient vu le jour que pour mieux contrôler une partie de la population.

Pourtant, mes yeux ne mentaient pas, c'était comme s'il pleuvait des anges. 

Des hommes ailés, que seul un petit pagne blanc habillait, sillonnaient désormais le ciel et venaient se poser dans divers endroits de la ville. Des « hommes », sans majuscule, parce qu'à bien y regarder, aucune femme ne composait leurs rangs. À moins que, chez cette race censée être asexuée, seul le physique masculin prédomine ? Quoi qu'il en soit, rien dans la musculature de leurs torses ne renvoyait à une silhouette féminine. Bien au contraire.

Je me trouvais sur une côte, l'école d'art se situant sur les hauteurs de Svatantria. Ma vision passait au dessus des immeubles en contrebas et j'avais une excellente vue sur la scène qui se dressait devant moi.

J'étais toujours perdue dans ma contemplation, subjuguée par tant de beauté, lorsque j'entendis les premiers cris. Je pensai d'abord que des gens chahutaient, excités par ce qu'ils voyaient. Puis je me rendis compte que ces hurlements provenaient de plusieurs endroits à la fois. 

Le chaos s'emparait peu à peu du voisinage. Des personnes s'époumonaient, exprimant une détresse comme je n'en avais jamais connu auparavant. Cette apparition angélique s'était vite transformée en cauchemar, nous laissant tous dans la confusion la plus totale.

Comme s'il pleuvait des anges (Édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant