Partie 11-2

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Je m'étais installée sur l'un des tabourets du bar encore libre et me trouvai face à un problème que je n'avais pas prévu. Je pensais profiter de me retrouver seule, sans ces deux bombes sexuelles qui me servaient de partenaires de crime, pour m'offrir un petit moment de détente en avalant un verre ou deux, histoire d'étancher au moins l'une de mes soifs. Mais je m'apercevais que je n'avais rien pour payer mes consommations. En fait, je ne savais même pas quelle était la monnaie de rigueur dorénavant. C'est vrai quoi, vu comment le monde était parti en couille, j'aurais été étonnée qu'on garde l'euro comme moyen de transaction. Peut-être que c'était gratuit pour moi vu que je « connaissais » le patron ?

Je réfléchissais toujours à la façon dont j'allais m'y prendre pour commander un verre au barman sans avoir un sou en poche, quand celui-ci se dirigea enfin vers moi et m'apporta finalement la solution sur un plateau. Il posa un verre à cocktail contenant un liquide aux couleurs de l'arc en ciel sous mon nez.

— De la part du monsieur à votre droite. Rassurez-vous, il n'a pas eu l'occasion d'y glisser quoi que ce soit, m'informa-t-il dans un clin d'œil.

Je me tournai vers mon compagnon de beuverie, un grand type un peu maigre au regard lubrique, et lui souris avant de porter la boisson à ma bouche.

Whaou, c'est fort !

Mes parents auraient sûrement été horrifiés de me voir accepter le verre d'un parfait inconnu dans un bar, même validé par le serveur, mais après tout nous étions en pleine apocalypse, je n'étais plus à ça près. Puis Trevor avait promis de veiller sur moi, je ne risquais donc pas grand-chose. Il était vrai que Monsieur Je-te-fais-jouir-rien-qu'au-son-de-ma-voix m'était tout aussi inconnu en y repensant, mais bizarrement je lui faisais confiance. Ou plutôt je faisais confiance à Keran qui lui faisait confiance. Puis j'avais tenu ma promesse, je n'avais toujours pas adressé la parole à mon bien aimable serviteur.

Bref. Maman, papa, désolée, mais j'ai vraiment besoin d'un remontant.

Je buvais le même verre depuis déjà dix minutes et je constatai qu'il semblait toujours aussi rempli qu'au départ. Ce qui était plutôt étrange parce que j'avais pourtant l'impression de l'avoir déjà vidé plusieurs fois, mais l'alcool était tellement fort que j'y allais par micro-gorgées, ce qui pouvait expliquer ce phénomène étrange.

Mon cocktail commençait à faire son effet. J'observais les personnes qui se trouvaient dans le club et ne pouvais m'empêcher de pouffer devant la scène qui se dressait sous mes yeux. Entre les couples qui se disputaient, les mecs qui essayaient de brancher des nanas qui n'en avaient rien à faire et les pochetrons du bar, le spectacle n'était pas beau à voir. Ce n'était d'ailleurs pas forcément très drôle quand on y réfléchissait, mais j'étais étrangement euphorique ce soir.

Je reportai de nouveau mon regard sur mon verre et louchai dessus pendant quelques secondes avant d'éclater de rire. C'est ce moment là que choisit mon pote alcoolique pour se décider à me parler.

— Quoi que c'est qui te fait rire comme ça, ma mignonne ?

— C'est mon verre, lui expliquai-je d'une voix pâteuse. Il ne veut pas que je le vide.

— Encore un qu'a rien compris à la vie ! Moi, je te... je te le dis ! S'écria-t-il dans un grand mouvement de bras qui eu pour effet de renverser son propre verre et de m'éclabousser au passage.

— Bah, en tout cas, toi tu ne sembles pas avoir de mal à vider le tien !

— Tu l'as dit bouffie ! explosa-t-il.

Et là, sans trop savoir pourquoi, je me retrouvai le cul par terre, pétée de rire devant les exclamations de mon compère. Il descendit de son tabouret et m'aida à me redresser du mieux qu'il le pouvait compte tenu du fait qu'il tanguait tout autant que moi.

— Dis, ma jolie, reprit-il en tentant de me stabiliser. Tu voudrais pas qu'on s'éclipse un moment tous les deux ? Si tu vois ce que je veux dire...

— Une éclipse ?! J'adore les éclipses ! Je ne savais pas qu'il y en avait une ce soir, m'exclamai-je soudain très heureuse à l'idée d'en voir une. J'ai loupé la dernière lune rouge en plus, j'avais oublié de mettre mon réveil.

— Ah ça, tu verras ma lune, assurément ! gloussa mon nouveau copain.

Je l'accompagnai dans un fou-rire particulièrement communicatif et acceptai finalement de le suivre pour aller observer l'éclipse. Il me mit la main aux fesses et s'écroula à mes pieds dans la seconde qui suivit.

Je l'observai étonnée, ne comprenant pas bien pourquoi il avait décidé de dormir là, lorsque je sentis une main m'empoigner le bras. Je relevai la tête vers le corps à laquelle elle appartenait puis un peu plus haut vers la tête qui appartenait au corps, et je rencontrai un regard furibond.

— Monsieur Sexy ! m'écriai-je gaiement.

— Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans « ne parle à personne » et « ne te fais pas remarquer » ?

— Pas compris, furent les seuls mots que trouvai à lui répondre.

— Ma parole, mais t'es complètement démontée ! me dit-il horrifié. Qu'est-ce que t'as bu ?

— De l'alcool.

Keran se pinça l'arrête du nez devant ma réponse.

— Putain, nasilla-t-il. Nae... je viens de mettre KO un type à cause de ton comportement inconscient. Tu te rends compte de la merde dans laquelle tu aurais pu te fourrer ?!

Je l'écoutai me faire la morale sans trop savoir ce que j'avais fait de mal, de toute façon je n'étais pas en état de comprendre quoi que ce soit, et j'étais partagée entre l'idée d'exploser de rire ou de fondre en larmes. En tout cas sur le moment je ne voyais que ces deux choix, je décidai donc d'opter pour le premier et me bidonnai encore plus que je ne l'avais fait précédemment. Je pense que si Keran ne m'avait pas soutenue, je me serais probablement roulée par terre tellement l'expression de son visage me faisait rire.

Je le vis fermer les yeux quelques instants et j'étais sûre qu'il essayait de se contenir pour ne pas me rejoindre dans mon hilarité. Il reprit finalement une expression neutre et me souleva du sol pour me porter jusqu'à la sortie.

Il me reposa à terre une fois les portes du club passées. Je mis une seconde ou deux à me stabiliser et clignai des yeux pour habituer ma vue au changement de luminosité.

— Whaaa, la lune est vachement proche ce soir, m'émerveillai-je devant la sphère jaune qui me faisait face.

Keran parut décontenancé un moment puis il suivit mon regard et se passa les mains sur le visage en étouffant un petit bruit que j'aurais pu prendre pour un gloussement s'il avait été du genre à pouffer.

— Nae... c'est un lampadaire.

Comme s'il pleuvait des anges (Édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant