4. Sables mouvants

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Le vacarme s'était tut.


Deux homme agonisaient dans le couloir. L'ouverture de la porte par la force s'était soldée par un échec cuisant :  à l'instant où ils la débloquèrent, une mitrailleuse tonna pendant plusieurs secondes et réduisit la porte à l'état de sciure de bois, balayant au passage ceux qui se trouvaient de l'autre côté.

Un des blessés rampait avec difficulté vers ses camarades, tandis que l'autre convulsait au sol.

Kader était resté en position au fond du couloir avec les autres, le canon de son arme braqué sur la porte en lambeaux. Deux autres hommes étaient avec lui, et Golden Hornet les précédait. Ce dernier était rouge de colère et jurait dans sa barbe.

"Dégage",  grogna-il en poussant Kader sur le côté.

Il sortit son pistolet de son holster, un Desert Eagle plaqué or, et tira à bout portant sur la caméra qui observait le couloir. Ceci fait, il se dirigea vers l'entrée, ignorant le blessé qui rampait, en longeant bien le mur pour ne pas rester dans l'angle de la porte - qui était la ligne de mire de la mitrailleuse.

Il fit un geste en direction de Kader, et les deux autres combattants de l'escouade restants se déployèrent sur le côté du couloir.  Ils étaient maintenant sur un côté de la porte, et le tireur retranché à l'intérieur ne montrait aucun signe de vie.

L'autre blessé ne convulsait plus.

Kader restait en position et regardait faire, gardant leurs arrières. Le blessé rampant se dirigeait vers lui, laissant une traînée sanglante sur son sillage. Il voulait l'aider, mais il était encore au beau milieu du couloir, constituant une cible trop facile.

Golden Hornet était en train de réfléchir à la situation. Il avait été touché au bras et à la jambe par des éclats d'explosifs, après que l'escouade ait - à plusieurs reprises - déclenché les pièges des étages inférieurs. Malgré tout, il avait la même détermination qu'au début, et l'objectif du pillage était dans cet appartement. Il n'y avait pas de retour possible.

Le blessé était arrivé au niveau de Kader. Celui-ci le pris par les épaules et le tira vers un coin sûr. Il l'examina rapidement.
Il respirait difficilement, et était touché à la jambe. Son bras gauche formait un angle étrange, une balle lui ayant réduit son coude en charpie. C'est tout juste si son avant-bras tenait.

A la vue de l'état du blessé, Kader se senti mal. Il se retourna puis se mit à compter. Un, deux, trois, quatre. Il ferma les yeux, et pris une grande inspiration. Un, deux, trois, quatre. Il les rouvrit.

Avec un effort surhumain pour éviter de rendre sur le sol, il continua d'examiner le blessé.
L'homme avait certainement la trentaine, barbu, et des yeux humides de larmes. Il murmurait un flot de paroles incompréhensibles. Kader prit sa main, et le regarda droit dans les yeux.

"Pense à ta mère", murmura-t-il. "Pense à tes parents, aux gens que tu aimes."
Le blessé éructa du sang a plusieurs reprises, recouvrant sa poitrine du liquide rougeâtre, puis se mit à sangloter douloureusement. Sa main se délia de l'emprise de Kader et monta jusqu'à son visage.
Impuissant, il le regarda mourir. La main du mourant ensanglantée passait sur son visage, pendant qu'il le fixait avec un mélange d'horreur et de désespoir dans les yeux. Kader soutint son regard.

Tout devint trouble autour de lui. Golden Hornet hurlait des ordres et se préparait à attaquer, mais il ne comprenait pas ce qu'il disait. Il restait focalisé sur l'homme en train de perdre la vie devant lui. Ce dernier se mit à trembler violemment.
Au même moment, la fusillade éclata. Mais il n'entendait presque plus rien. Comme si le son, brouillé, flou, provenait de loin, de beaucoup trop loin.
Sa vue s'assombrit progressivement.
Il se mit à voir des étoiles et à perdre l'équilibre.

Chroniques du monde poussiéreuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant