Nobody Else

Quatre : Sam

- Bien ! La problématique, vous l'avez. Maintenant, il va falloir trouver la formule pour résoudre cette dernière. Une idée ?

Ethan détourne le regard de M.Lynch, soit par peur qu'il ne prononce son nom, soit pour se consulter lui-même, comme il le fait si souvent avant de tenter sa chance. Nos regards se croisent, et j'esquisse un sourire à son égard, en guise d'encouragement, qu'il ne manque pas. La seconde qui suit, le bras d'Ethan est tendu dans les airs.

- M.White, que proposez-vous ?

- Raisonnement par récurrence...

Face à sa réponse, un léger rire étouffé s'échappe de ma gorge, et " M.White " se tourne légèrement de mon côté avec un air mauvais.

- Une phrase, serait-ce possible ?

Le ton sarcastique du prof n'échappe pas à mon voisin, qui, dans un soufflement, répond :

- On doit utiliser un raisonnement par récurrence, pour pouvoir trouver une inconnue, qui sera donc la réponse à notre problématique.

- Quelqu'un d'autre ?

Je ne peux plus me retenir, et me fous complètement de sa gueule. Peut-être un soupçon trop fort, puisque, suite à ça, le prof n'hésite pas à me virer de son cours. Fait chier.

Deux minutes plus tard, en traînant dans les longs couloirs du bâtiment, des bruits de pas attisent ma curiosité. Et, dans un réflexe totalement absurde, je me glisse dans un tournant, espérant ne pas croiser l'individu. Je l'entends se rapprocher, plus vite que je ne le pense, et il apparaît enfin. Dos à moi, je perçois dans un premier temps son souffle fort et saccadé. Puis il finit par se redresser, ce qui me suffit pour sortir de ma cachette.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

Au son de ma voix, il sursaute, apparemment surpris, et pivote sur lui-même pour me faire face.

- Je ne voulais pas te laisser seule. Après tout c'est un peu de ma faute s'il t'a sorti.

Sa remarque m'arrache un sourire, qu'il me rend immédiatement, sûrement rassuré que je ne le remballe pas.

- Ça te dit de manger avec moi ce midi, Sam ?

Quand mon nom traverse les douces lèvres d'Ethan, et que sa langue vient se placer entre ses dents, pour prononcer cette première lettre, un frisson me parcourt, me déstabilisant dans l'instant.

- Il y a quelqu'un ?

Ces paroles, lointaines, sont accompagnées par un bruit de claquement incessant. Des talons, en effet, percutent, à plusieurs reprises le sol, me tirant de ma transe.

Des talons... Des talons ? Des talons !

La voix qui nous parvient est bien trop perchée pour être celle d'une adulte, et les seules filles à porter de telles choses sont les Nolans.

Ethan comprend également l'urgence de la situation, et se précipite sur moi, m'arrachant un cri incontrôlé.

Les talons se rapprochent et claquent plus fort à présent, je me fige, ce qui permet à Ethan de me tirer vers le fond du couloir.

Au loin, les claquements cessent enfin leurs cadences, et reprennent une allure modeste.

J'ai le souffle court, et je sais que ça peut paraître stupide, mais vous ne pouvez même pas imaginer ce qui se serait passé si une cheerleader du lycée nous avez vus, Ethan White et moi, Sam Sandoval.

- Heureusement que j'étais là, me dit-il amusé.

- Si tu n'avais pas été là, je n'aurais pas eu besoin de me cacher.

Je n'ai aucune envie de rire, et ça, je pense qu'il ne l'a pas assimilé dans sa petite tête.

- C'est pas comme ça que je souhaitais que tu le prennes, je suis désolé. S'il te plait, viens manger avec moi, histoire de me racheter.

Son regard m'enveloppe, me contraignant à accepter.

Il me gratifie, comme à son habitude, d'un sourire, cette fois, emplit de sincérité.

***

Arrivée au self, quelques tables sont déjà pleines, et j'aperçois Crystal et le reste de leur groupe. J'espère qu'Ethan ne va pas, pour autant, me laisser tomber. Une fois devant eux, je sens un malaise m'emplir, et me demande bien ce que je fous ici.

Crystal me toise durement du regard, avant d'ajouter :

- C'est bon, tu peux aller manger dans ton coin maintenant!

Ajoutant à ça un mouvenement de main, me remettant à la place. Petite pute.

Je détourne mon regard du sien, ne voulant pas avoir de problème. Je me connais, et si je reste une seconde de plus auprès de ce genre de gens, ça risque de mal tourner.

Je m'éloigne, ne manquant pas de regarder Ethan du coin de l'œil, et m'aperçois qu'il fait de même. Mais il ne bouge pas pour autant, ce qui m'énerve plus que ce que je ne l'aurais cru.

Je m'installe une table derrière, face à lui. Et, durant tout le repas, il ne me lâche pas du regard. À ce moment-là, je sais très bien que Crystal jase de l'intérieur. Si tu savais ma pauvre.

***

La fin de journée fait vite son apparition, ainsi que le mauvais temps, suivit d'une pluie torrentielle.
Je décide donc de prendre le bus du retour. Le trajet se fait plutôt long, ce qui me laisse le temps de ressasser ma journée, mais je pense surtout à Ethan pour être sincère. Il m'a beaucoup déçu ce midi, et je ne pense pas être prête à lui parler d'ici peu.

Le bus finit enfin par s'arrêter à mon arrêt, d'où je descends précipitamment, me mettant à l'abri le plus vite possible.

Une fois au sec, ou presque, je vérifie l'heure sur mon portable et vois qu'il est déjà tard. Je décide donc de foncer chez moi, pour éviter à ma mère de s'inquiéter.

Arrivé sur le perron, je ôte mon sac de mes épaules, et me rend compte que j'ai été stupide de ne pas penser à sortir mes clés plutôt. Je fouille dans mes affaires comme je peux, et l'eau qui ruisselle de mes cheveux ne m'aide pas vraiment.

Dix minutes plus tard, je ne les trouve toujours pas, et à bout de nerfs je vide le contenu de mon sac au sol, laissant mes cahiers s'imbiber d'eau. Mais pour l'instant ce n'est pas vraiment ce qui me préoccupe le plus.
Je finis par comprendre que je ne trouverais jamais ces foutues clés, puisque que je me rappelle les avoir oubliées sur mon bureau.

Trempé jusqu'au os, je décide de faire le tour de la maison, espérant trouver une fenêtre, ou peut-être même une porte, ouverte. Mais rien à faire, ma mère est bien trop maniaque pour oublier de fermer quoi que ce soit.

Une idée me vient alors à l'esprit. Je saisis une nouvelle fois mon portable, faisant attention aux gouttes d'eau qui tombent. J'écris à Ethan, lui demandant de me rejoindre au plus vite, chez moi, puisque j'ai absolument besoin de lui.

Quelques secondes plus tard, le flash s'actionne, et son message apparaît.

De Ethan:

Je fais au plus vite.

Un sourire se dessine sur mes lèvres, et une partie de ma rancœur s'estompe instantanément.

L'instant d'après, des pneus crissent sur la route à présent inondée. Ethan sort alors de sa voiture, me rejoignant d'un air inquiet.

- Tu m'expliques ce que tu fous dehors avec un temps pareil !?

La pluie est tellement dense, qu'Ethan est obligé de gueuler pour se faire entendre.

- Bah je t'attendais...

- Dehors ?

- J'ai oublié mes clés, et il n'y a personne chez moi comme tu peux le voir.

Face à cette réponse, Ethan rit légèrement de moi, mais il finit par déposer son manteau sur mon dos.

Je le regarde, surpris par son geste, et lui demande, au creux de l'oreille cette fois-ci :

- Comme avant ?

- Comme avant.