Chapitre 2: Dans tes rêves

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Distinguant ici et là quelques objets de la décoration, je me repère aux silhouettes des meubles se découpant dans le noir.
Je marche alors par petites enjambées de félin, percevant la lente respiration des animaux endormis dans le salon et les chambres.
La lourde et bruyante soufflerie qu'est notre Labrador, doyenne des trois chiens de la maison, couvre presque le bruit de la cheminée; le doux crépitement des flammes dans l'âtre, ce son tant apaisant.
Je perçois dans le couloir derrière moi deux petites billes fluorescentes, qui me fixent à travers la nuit. Notre chat est visiblement victime des mêmes troubles du sommeil que moi.
Bien qu'heureux de partager mon insomnie, je progresse toujours à pas de velours, et pose alors une main sur un buffet dans le hall d'entrée. Cette imposante pièce du mobilier sur laquelle sont posées statuettes décoratives en porcelaine, clefs, pièces de monnaies et autres potentielles clochettes susceptibles de tirer la maison de son repos nocturne.
Préférant éviter l'incident diplomatique, je retire alors immédiatement ma grande main maladroite de l'endroit où elle prenait appui, et parcours toujours en mode "espion infiltré" les derniers mètres me séparant de mon objectif.

Arrivé devant la porte en bois vernis, je la pousse lentement pour éviter de la faire grincer, et me glisse à l'intérieur de la salle de bain. Bien que parfaitement réveillé, je ne dispose pas de la vision nocturne des chats et en m'approchant du lavabo à l'autre extrémité de la pièce, je me cogne le petit orteil contre le bas de la commode. Retenant mon cri, qui en plus d'être grossier aurait réveillé tout le monde, je retourne sur mes pas pour tirer la porte derrière moi, appuyer sur l'interrupteur et allumer la lumière afin d'éviter toute autre blessure.

Les LED du plafond diffusent une intense lumière blanche partout dans la pièce, me faisant cligner plusieurs fois des yeux.
La salle de bain refaite à neuf le mois dernier est moderne, aux murs carrelés clairs et au mobilier rouge et gris assorti, une petite fenêtre se découpant sur le mur. En face de celle-ci se trouve la douche, à l'italienne, à côté d'un porte serviettes chauffant. Le sol de la douche est décoré d'une jolie mosaïque de petits carreaux de couleurs.

J'aperçois alors à l'autre bout une forme étrange se détachant sous la porte coulissante du placard mural. Intrigué, et aussi sûrement un peu fatigué, je décide donc d'aller y jeter un oeil. Je fais doucement coulisser la porte et une fois qu'elle est ouverte, se détachant sous les ombres des vêtements suspendus dans le placard, je discerne le contour d'une sorte de trappe.
Curieux de nature, et omettant sûrement par inadvertance le fait que je n'avais jamais remarqué son existence auparavant, j'essaye de l'ouvrir. Après m'être un peu abîmé les bouts des doigts à essayer de la soulever par tous les côtés, je me relève, perplexe, et observe les alentours... La salle de bain me semble alors légèrement plus grande, et quelque chose d'autre me chiffonne... Je secoue la tête, pensant être trop épuisé pour tenir un raisonnement cohérent. Et à ce moment-là, déplaçant un pied vers l'arrière pour m'équilibrer, j'entends un bruit discret, sorte de clic mêlé à un glissement, puis vois soudainement la pièce s'élever au dessus de moi et... En fait non, une sensation de léger vertige m'envahit, et je me retrouve alors plongeant à toute vitesse dans le noir, cette sensation de chute si désagréable dans un rêve au moment de se réveiller en sursaut...

C'est là, que dans mon cerveau oscillant entre marche au ralenti et ébullition, un tilt vint! La commode! Cette fameuse petite commode qui m'avait agressée dans la salle de bain, et bien elle n'était pas là le soir même avant d'aller me coucher! Ce détail ajouté à plusieurs autres me fit comprendre que j'étais alors vraisemblablement en plein milieu d'un songe.
Sauf que là, la sensation de chute persistait et je ne me réveillais pas.
Complètement plongé dans le noir, mon souffle s'accélèrait au même rythme que ma chute, dégringolant toujours plus vite dans l'obscurité la plus totale.

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