Il faisait bon. L'eau du bain que je m'étais fait couler était à température idéale, et le son du clapotis de l'eau à chaque mouvement avait quelque chose pour moi de relaxant. J'étais alors allongé dans la baignoire remplie aux trois-quarts, et seule ma tête dépassait du liquide chaud. La lumière était éteinte, il faisait nuit. Un mince faisceau de lumière émanant de la lune perçait les ténèbres et filtrait à travers le verre opaque de la petite fenêtre de la salle de bain.
Je devinais grâce à cela par endroits les ondulations de l'eau quand je déplaçais un de mes membres. L'ambiance tirait au calme total, le silence complet régnant sur la pièce. Dans l'obscurité, la chaleur du liquide mêlée au léger bruit des variations du fluide dans la baignoire participait à progressivement me détendre, au point que j'en oubliais presque l'inoubliable.Je repensais à tout ce qui m'avait amené là, à ce moment précis, à cet ultime tournant.
L'échec, à répétition, la défaite permanente, l'incapacité d'aller au bout de mes projets, à accomplir quoi que ce soit.
La fatigue s'était emparée de mon corps depuis bien longtemps, et une profonde mélancolie avait gagné mon esprit depuis quelques semaines. La tristesse du constat affligeant de chaque bilan que j'établissais, faisait monter en moi à chaque fois de chaudes larmes, associées à tout le ressentiment que j'avais envers ma propre personne.
L'espoir m'avait abandonné. Toute force de me battre s'évaporait avec chacune des journées qui s'achevait sans que je n'ai pu progresser dans un quelconque domaine. Mon quotidien me faisait presque souffrir. Je repensais également aux autres. Que j'étais incapable d'aider, de soutenir. Pour qui je ne valais sûrement pas grand chose. Ou bien qui me visualisaient tel que je n'étais pas, et croyaient en moi. Les rares personnes qui semblaient éprouver de l'affection à mon égard. J'allais elles aussi les décevoir, me montrant à elles sous un jour reflétant réellement qui j'étais.Dans l'eau depuis environ un quart d'heure, je sentais mes muscles totalement détendus. Ma chaire s'était faiblement ramollie sous mon épiderme, et j'étais grâce à la chaleur partiellement anesthésié. Je jugeais que l'instant était choisi. Sentant une larme chaude glisser sur ma joue, j'expirai une dernière fois, expulsant au passage toute pensée qui pourrait me détourner de mon but. Je levais ma main droite, regardant l'éclat argenté du métal scintiller, frange lumineuse du scalpel affûté sur laquelle se réfléchissait un rayon de lune. Je le vis briller en le prenant en main donc, d'un éclat blanc et aussi froid que l'acier qui le composait. Dans le même temps je sorti mon bras gauche de l'eau. J'étais calme. Aucun tremblement n'agitait mon corps, alors que quelques larmes sans saveur coulaient en bas de ma figure. Elles aussi fuyaient mon visage. Je levais le bras gauche, et tendis le poignet vers l'arrière. À l'endroit où je devinais le tendon se terminer, je plaçais la lame aiguisée puis appuyais. Je sectionnais ensuite dans un mouvement droit les veines passant à cet endroit sous ma peau. Je laissais ensuite mes deux bras plonger à nouveau dans l'eau, regardant à l'endroit de ma profonde et nette incision le sang s'écouler; d'abord doucement, quelques gouttes, quelques millilitres, puis presque instantanément ma pression artérielle fit augmenter la cadence, pour qu'enfin un flux continu se dégageait de la plaie béante. Le flot sanguin qui se déversait directement dans l'eau s'y diluait, se répandant au départ sous forme de volutes, à la manière d'une brume ou d'une fumée, puis ces nuages prirent plus de place. C'en était presque beau, hypnotisant.
Je sentais mes artères se vider, et presque aucune douleur ne se faisait sentir. Je constatais alors les premiers effets de mon action, ma vision se troubla, mon corps faiblit et je devins bientôt incapable de maintenir une posture redressée. Laissant mon buste s'enfoncer dans l'eau désormais rosée et virant au rouge, je n'avais aucune idée du temps qui s'écoulait et de la vitesse à laquelle mon esprit partirait. Mon âme semblait encore présente, mais ma conscience me quittait peu à peu. Les battements de mon cœur faiblissaient, s'espaçaient entre eux. Plu aucune sensation ne m'habitait, et je ne ressentais ni haine ni tristesse, ni regret ni peur, mais j'avais brièvement senti une vague de froid, une vibration glaciale parcourir mon échine puis se répandre tel un frisson tout le long de mon squelette. Mes paupières n'étaient plus capable de tenir, et mes yeux ne virent bientôt plu rien. Ma respiration était lente et faible, poussive. Le noir entourait désormais tout mon corps, que je ne sentais plu, j'avais l'impression que seul un mince résidu de moi-même flottait à la dérive, attendant de s'échouer, de se dissoudre.
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Dreamwalker
FantasyToutes ces choses merveilleuses qui nous arrivent en songe, ce monde aussi incroyable qu' incompréhensible, chaque seconde passée entre l'instant où l'on s'endort et celui où l'on se réveille... Un jeune homme comme les autres, à la vie tranquille e...