Chapitre 6

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<< Give me a hero and i'll write you a tragedy. >>

Donnez-moi un héros, je vous écrirais une tragédie.

-Francis Scott Fitzgerald

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Elsa.

J'avançais doucement dans les couloirs familiers de mon enfance. Je marchais dans ce labyrinthe de souvenirs, j'aurais eu envie de tout oublier. Pour que ce soit plus facile. Pour que mon choix soit plus simple à prendre, même si je connaissais déjà ma décision.

Au détour de cette porte, je croisais le chemin de deux petites filles riant aux éclats, avant de se prendre l'une l'autre dans les bras. Je souriais devant ce spectacle.
Je continuais mon chemin néanmoins. Je remarquais alors un portrait peint plusieurs siècles auparavant qui avait terminé perdu au milieu de tant d'autres dans ce palais. Je ne connaissais pas le peintre ou son intention en créant cette œuvre, mais le garçon dessiné sur la toile avait été le témoin de la joie qu'entretenait les fillettes dans leurs jeux.

Cela me faisait mal de penser à cela, mais je continuais, j'avançais, chérissant chacun d'entre eux lorsqu'ils me revenaient. Je sentais les larmes perler au coin de mes yeux rougis. Je refusais de les laisser couler, alors que l'envie ne me manquait pas.

Sauf que j'avais promis.

De ne plus me laisser aller.

De supporter.

D'être celle qu'il leurs fallait.

D'être la bonne jeune fille, obéissante et conciliante.

Demander le temps d'aller faire un dernier tour, avait été l'une de mes deux seules demandes. Ils ne pouvaient pas me refuser cela, pas quand j'allais accepter. Alors, me voilà, dans ce labyrinthe de couloirs, ce labyrinthe de souvenirs, à avancer pour tout revoir avant de tout perdre.

Par là, je voyais Jack courir tentant de m'échapper après m'avoir volé du chocolat. Ici, j'entendis quelqu'un appeler mon prénom ou mon titre. Lorsque je faisais plus attention, je pouvais même distinguer la voix de mes parents ainsi que le son distinct de leurs rires.

Au moment de tourner dans un autre couloir du dédale, je me retournais et vis ma sœur courir vers moi. Au début de sa course elle ne devait pas dépasser les quatre ans, et puis, plus elle se rapprochait, plus elle grandissait pour devenir une magnifique jeune femme. Mais le fantôme ne s'arrêta pas là, et je regardais ce que le temps préparait pour Anna. Elle devint tout d'abord une femme mûre, puis je crûs distinguer son ventre s'arrondir signe d'une possible grossesse. Je voyais ma sœur vieillir doucement, je remarquais qu'au fil du temps ses cheveux blanchissaient et que des rides apparaissaient sur son visage, mais malgré son apparence extérieure, je percevais encore dans ses yeux, la joie, l'optimisme et la vie que je lui connaissait tant.

Lorsque je sentis le spectre me passer au travers, je ressentis comme un apaisement. Il ne me restait plus qu'une visite avant de partir. Partir pour sans doute trop longtemps.

Les dalles n'avaient pas changées depuis mon dernier passage, même si je savais que bon nombre d'habitants venaient leurs rendre hommage. Je distinguais encore la cire des bougies fondues, ainsi que les pétales séchés des fleurs apportées à l'occasion du dernier anniversaire de leurs morts. Je m'approchais prudemment du monument, une large stèle montant à plus de trois mètres dans laquelle avait été sculpté le haut de leurs corps au-dessus d'une couronne. Je m'accroupis au pieds du mémorial.

Painful MemoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant