CHAPITRE 20

154 16 9
                                    


JACK.

Je toussais, essayant d'extirper l'eau salée de mes poumons. Aller à l'encontre de la nature en respirant de l'eau marine avait eu le bon côté de m'apprendre que ça faisait un mal de chien et qu'il y avait bien une explication derrière cette règle naturelle.

Quand mes poumons purent enfin aspirer de l'oxygène sans trop de douleurs, je tentais tant bien que mal d'ouvrir mes yeux.Mais la lumière du soleil était bien trop forte pour se faire, je me contentais alors de rester allongé sur le sol dur contre mon échine. Inspirant de grande goulée d'air, la chaleur du soleil sur mon corps humide, je cherchais à me souvenir de ce qui c'était déroulé. Pourtant rien ne me revenait. C'est comme si le moment entre lequel je lisais le journal d'Erwin et celui où je me sentais ballotté sur cette surface solide avait complètement disparu, remplacé par une migraine persistante, des douleurs dans tous mon corps et une impression de poids sur mon thorax.

Tiens d'ailleurs, pourquoi j'avais la sensation d'être ballotté ? Après avoir fais d'immenses efforts de concentration, je finis par entendre certains bruits, notamment le sons des vagues se fracassant contre une masse rigide, suivis de peu par le claquement distinctif de larges toiles malmenées par des rafales de vents. Je n'avais pas l'habitude d'entendre ce genre d'étrange fond sonore sur Sankt Helena. Alors que sur mon île se jouait l'orchestre poétique des bruissements de feuilles, ici, j'étais assourdis par la rudesse de la musique. Cette dernière était clairement dédiée à accompagner le travail acharné, plutôt qu'une douce sieste à l'ombre.

Il aurait pu se passer trente secondes comme une heure ou six jours que je ne l'aurais pas su, pourtant il fallait bien qu'à un moment j'ouvre les yeux pour me rendre compte d'où je me trouvais. Après bon nombre de tentatives et de découragement, je parvins enfin à m'extirper de ma prison obscure. Cela vous arrive-t-il également ? Que lorsque après un long moment passé les yeux fermés au soleil, au moment où vous tentez de recouvrer la vue, les couleurs ne vous parviennent pas immédiatement ? Et bien c'est ce qui m'arriva : durant un cours laps de temps, je vis le monde en noir et blanc, puis la couleur rouge me parvint et tout le dégradé qui en découle ; ensuite, le vert se découvrit lentement, bien que cette couleur ne sois pas très présente ; enfin, le bleu s'offrit à moi, m'éblouissant de sa clarté. Je pouvais observer mon alentour en couleur, malgré que sans ces dernières j'avais déjà très bien compris sur quoi je me trouvais : perdu au milieu d'une étendue d'eau, je m'étais réveillé sur un immense bateau.

Quelques pas vinrent marteler le bois du pont, les vibrations m'apprenant qu'une personne s'approchait de moi. Lentement je réussis à lever les yeux vers l'homme s'étant arrêté devant moi. Il était grand, ou donnait-il l'impression de l'être puisque j'étais encore avachi sur le sol. Il avait revêtu sur le haut de son crâne les traditionnelles perruques poudrées montrant à qui désirait son statut de noble ; de plus, son embonpoint proéminent suffisait amplement pour le justifier. J'avais transpiré à grosse goûte rien qu'en le regardant se mouvoir dans l'épais manteau brodé étant de mise pour cet homme ; j'avais le capitaine en face de moi.

- Comptes-tu te prélasser encore longtemps sur mon pont, moussaillon ?

La bouche trop sèche pour lui répondre de vive voix, je me contentai de secouer la tête de droite à gauche, essayant de lui faire comprendre ma réponse négative. Le capitaine partit dans un rire tonitruant dont le son rauque me fit deviner un certain laissé aller sur les bouteilles de rhums. Il me tendit sa main boudinée tout en continuant de rire, avant de se présenter :

- Bienvenue sur le pont du HMS Hecla, je suis Sir William Edward Parry, amiral de la Royal Navy.

- Jack, répondis-je la voix cassée.

- Jack ? Juste Jack ?

J'hochais la tête puis attrapais la main qu'il me tendait pour enfin me mettre debout. Une fois sur mes pieds, je dus me retenir au bras de l'amiral quelques instants afin d'éviter une chute qui ne me paraissait pas nécessaire.

- Alors, Jack, suis moi je vais te donner quelque chose qui déliera ta langue. J'ai bien envie de savoir comment tu t'es retrouvé à errer sur l'océan inconscient. Et puis, il me faut bien pouvoir relater cette histoire avec les détails croustillants si je veux que l'on me croit une fois de retour sur terre.

Nous nous dirigeâmes vers sa cabine, chacun impatient, lui d'écouter mon histoire, moi d'enfin pouvoir apaiser ma gorge. Sir Parry ouvrit rapidement une bouteille d'alcool dont l'odeur rappelait celle du rhum mais qui n'en avait ni l'aspect ni la couleur.

Je ne sais combien de temps nous restâmes dans la cabine à boire et parler. Nous discutâmes de tout et de rien, sans que la barrière de la langue ne soit un problème puisque l'amiral parlait très bien le norvégien. Il m'expliqua que l'équipage et lui-même se dirigeait vers la Russie, vers Saint-Pétersbourg plus exactement. Ils m'avaient retrouvé quelques jours après une escale à Oslo.

- C'est incroyable que tu sois encore en vie après la tempête de la nuit dernière, fit remarquer mon compagnon.

- Quelle tempête ?

- Hier soir, vers 23h40, nous avons été pris dans un ouragan imposant, je doutais même que nous en réchappions, mais je médisais puisque nous sommes là.

- Quand est-ce que vous m'avez repêché ?

- Ce matin, je venais de dire à mes hommes d'aller se reposer, en m'avançant vers le bastingage quand j'ai vu quelque chose flotter sur l'eau. J'ai d'abord cru à un morceau de bois flotté, en tout cas jusqu'à ce que la masse dérive vers la proue. C'est à ce moment que je me suis rendu compte que c'était toi et non un objet inanimé. J'ai rapidement rappeler l'équipage, jamais je n'aurais pu te ramener seul. Deux matelots ont plongé pour te hisser sur le pont. Tu étais inconscient mais vivant, et tes vêtements étaient suffisamment imbibés d'eau pour indiquer que tu ne venais pas de tomber à l'eau mais que tu jouais les hommes à la mer depuis relativement longtemps.

J'étais étonné d'apprendre cela, combien de temps s'était écoulé depuis ma tranquille soirée auprès du feu, découvrant les secrets de feu mon ami. De plus, je ne pouvais pas être resté si longtemps, on flottait dans l'eau, certes, mais un poids inconscients ne pouvait pas juste dérivé un temps infini. Je restais perplexe, mais le marin en face de moi ne semblait pas être un menteur. Il avait réellement eu l'air surpris en me racontant l'histoire.

- Sir, commençais-je, combien de temps avant que nous atteignons la Russie ?

- Environ deux à trois semaines, si nous n'essuyons pas de malheurs. Tu peux rester avec nous jusqu'au prochain port, enfin ce n'est pas comme si tu pouvais allez quelque part actuellement, s'exclama-t-il de son rire gras.

- Et si je souhaitais aller jusqu'à Saint-Pétersbourg ?

- Alors, tu devras travailler avec les autres ! Et ce n'est pas de tout repos que le travail de marin !

- Je ferais de mon mieux, Amiral !

- Je t'apprécie, petit, ne me déçois pas.

Il sortit de la cabine, me faisant signe de rester à l'intérieur. Je m'exécutais, il n'aurait pas fallu m'attirer les foudres du capitaine avant même d'avoir commencé.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Apr 11, 2017 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Painful MemoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant