Qui a peur du noir ?

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Sa respiration dans le silence. Presque trop forte.

La goutte de sueur glissant lentement le long de sa tempe.

L'obscurité, à peine blessée par la clarté blafarde de sa lampe torche.

L'odeur de renfermé, lourde, étouffante, s'infiltrant dans ses poumons compressés par l'appréhension.

Et le goût amer de sa peur, traînant sur sa langue, emplissant sa gorge, lui donnant la nausée.

C'est là. Il le sait. Et, instinctivement, son corps tout entier se tend, se raidit, sa respiration s'alourdit. L'instinct de survie le transformant en simple proie lui somme de s'enfuir, sans faire se mouvoir ses jambes trop lourdes.

Une main s'abat brutalement sur son épaule, le faisant hurler de peur.

Un rire joyeux y répond. Presque déplacé, dans le contexte.

- Putain, Cathy, braille le jeune homme, pourquoi t'as fait ça ?!

Éric fait volteface, cœur battant à tout rompre, et fusille du regard l'interpellée, actuellement en train de se rouler par terre, gloussant comme une hystérique – ce qu'elle est.

- Connasse, marmonne-t-il.

- T'aurais vu ta tête ! Bon dieu, j'ai cru que t'allais me claquer entre les doigts !

Le jeune se détourne, vexé. Il dresse sa lampe, troublant les ombres alentours à l'aide du faisceau pâle, fouillant les contours flous des ténèbres du regard, et soupire.

- J'le savais, que c'était pas une bonne idée de visiter une maison en ruines...

* * *

Il errait. Paisible. Tranquille. La nuit l'enveloppait de son étreinte de soie. Une nuit froide. C'était logique. L'hiver approchait doucement. L'été brûlant n'était plus qu'un vague souvenir que tentaient de faire revenir les frileux, toujours en vain.

Il marchait. Sans but précis. Autour de lui, la foule, bariolée de sa joyeuse insouciance. Riant, dansant, s'amusant dans un fou tintamarre. Vivant dans l'instant, virevoltant, bravant l'air glacial que bientôt, elle fuira.

Séduisantes sorcières, fragiles fées de l'ombre, petits diablotins et attirants fantômes. La vie grouillait autour de ce porteur de mort, sans qu'il ne s'en offusque, sans que la houle humaine ne s'effraie.

Le Temps semblait presque suspendu.

Cela aurait pu rester ainsi, moment de paix entre le loup et son troupeau, si quelqu'un n'avait pas bravé la limite implicite entourant le prédateur.

Ou quelqu'une.

Fusée blonde au teint pâle, une jeune femme bouscula l'Homme.

Celui-ci s'arrêta net. Immobile dans une foule en mouvement. Avec une lenteur presque calculée, il se retourna, furieux. Juste à temps pour voir l'insolente rejoindre un groupe de jeunes qui s'éloigna aussitôt. Ses poings se serrèrent convulsivement, faisant craquer ses doigts.

Un sourire cruel naquit sur les lèvres du tueur.

Sans le quitter, il sortit un paquet de cigarettes de sa poche, en tira une, qu'il porta à sa bouche. Un briquet sauta dans sa main, allumant dans un éclair de chaleur le bâton de nicotine. Tout en guettant du coin de l'œil les ados, il en tira une longue bouffée grise, qu'il rejeta dans la nuit.

A présent pleinement éveillé, assuré, il commença à suivre la bande.

La chasse commençait.

Qui a peur du noir ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant