Partie 1 - Chapitre 4

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Du feu liquide coulait dans ses veines, brûlant chaque centimètre carré de sa peau, de son corps. Lynndzee avait l'impression qu'elle était en train de fondre de l'intérieur. La douleur était si forte, elle avait tellement crié que ses cordes vocales étaient au bord de la rupture. A travers les flammes qui entravaient sa vue, elle aperçut, trop tard, la gueule du thérianthrope se refermant sur son visage.

Lynndzee se redressa en hurlant, les mains sur la gorge. Son cri déchira la nuit, réveillant toute la maisonnée. Mais avant que quelqu'un ne fasse irruption dans sa chambre, Lynndzee trouva la force de fermer la porte à clé. Ils avaient tous promis de ne pas forcer son intimité, sa solitude. De la solitude, c'était tout ce qu'elle demandait. Et des heures de sommeil sans rêves.

Cela faisait une semaine que la jeune fille n'avait pas quitté sa chambre. Sur son bureau gisait le collier d'améthyste qui jusqu'alors, l'avait protégé à chaque décès. La chaîne avait dû casser pendant la soirée, car même Wyleeum ne se souvenait pas l'avoir vu à son cou lorsqu'ils avaient dansé ensemble. Esmera l'avait retrouvé par terre, sous une chaise renversée. Elle avait récupéré tous les morceaux grâce à un sortilège, mais le bijou était irréparable, même avec la magie.

Lynndzee sentit la peur l'envahir en repensant à cette funeste soirée. Comme elle ne portait pas son collier au moment du drame, elle se souvenait de chaque détail de sa mort. Les coups de crocs, les coups de griffes, le sang qui coulait de ses plaies, la douleur qui envahissait chaque recoin de son corps. L'odeur ferreuse du sang se répandant dans l'air avait tellement excité les jeunes néophytes qu'ils étaient devenus comme fous et impossible à contenir. Certains avaient réussi à passer le barrage des anciens pour se joindre au festin, jusqu'à ce que les encadrants parviennent à reprendre le contrôle.

Lynndzee était encore vivante lorsque ses parents, les professeurs et le proviseur étaient parvenu à l'extirper des griffes de ses assiégeants. Vivante, mais dans quel état. Défigurée, éventrée, presque démembrée, c'était un miracle qu'elle respire encore. Lynndzee voyait plus cela comme une malédiction. Elle aurait de loin préféré y rester au premier coup de croc que de survivre à une telle attaque.

Les compétences de plusieurs nécromanciens de renom avaient été requises afin de la remettre en état. Mais l'attaque avait été d'une telle sauvagerie qu'ils n'avaient pu restaurer entièrement son corps. Son corps garderait des marques à jamais. Personne ne le lui avait dit en face mais elle avait entendu des rumeurs. En plus d'un corps marbré de cicatrices profondes et indélébiles, elle ne pourrait jamais avoir d'enfant. Jusqu'à maintenant, elle ne s'était pas vraiment soucié de cet état de fait mais découvrir brutalement et officieusement qu'elle ne pourrait jamais fonder une famille à elle avait détruit le peu d'espoir qu'elle avait d'une vie future meilleure.

"Lynndzee."

La jeune fille se figea. Chellzee. Elle se releva lentement et ouvrit la porte dans un sinistre grincement. Elle faisait peur à voir, avec ses cheveux gras, son visage émacié, ses grandes cernes violettes et son pyjama informe et sale, qu'elle ne quittait plus depuis l'incident. Même Chellzee eut un geste de recul. Sans dire un mot, Lynndzee fit un pas en avant et gifla sa sœur avec une telle violence qu'elle en perdit l'équilibre. Même Lynndzee n'en revenait pas d'avoir autant de force dans son état.

"Lynndzee ! s'indigna Esmera en aidant Chellzee à se relever. C'est ta sœur !"

Lynndzee releva la tête, plongeant son regard éteint dans celui de sa mère.

"Et après ? Ça ne l'a pas empêchée de m'attaquer, elle. Ni de me piéger au milieu d'une salle remplit de thérianthropes déchaînés ! Tu lui as dit ça, que j'étais sa sœur ? Est-ce que tu lui as au moins reproché, ne serait-ce qu'une seconde, de m'avoir fait assassiner par ces monstres, moi qui suis sa soeur jumelle ? En a-t-elle, une fois dans sa vie, tenu compte ? Hurla Lynndzee.

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