[1]

2.4K 85 6
                                    

Aime tout le monde, ne te fie qu'à bien peu; ne fais de mal à personne. Aie le pouvoir de nuire à ton ennemi, sans jamais en faire usage; et garde ton ami aussi soigneusement que ta propre vie. Qu'on te reproche de te taire; jamais d'avoir parlé.

Je resserrai mon manteau autour de ma taille et enfouis mes mains dans mes poches. Je récitais en boucle le discours que j'avais préparé la veille. Fallait que je le fasse, c'était la meilleure décision à prendre. Comme à son habitude, il m' attendait à côté du super U, posé dans sa petite Clio grise. J'ouvris la porte côté passager et lui passai le salam. Il y répondit et commença à engager la conversation, bizarre. Ça allait être plus dur que ce que je pensais. Je m'attendais à ce qu' il parle peu comme à son habitude ou qu'il m'embrouille parce que je l'avais dérangé. C'est comme s'il se doutait de quelque chose. Fallait pas que je me laisse atteindre, c'était trop facile. C'était toujours le même cercle vicieux au final.
Ça faisait bientôt 1 an et demi, et je me demandais encore comment j'avais pu tenir jusqu'ici. L'amour, j'avais finis par me dire. Quand on aime, on est censé tout supporter, tout accepter non?!
Mais au final est-ce que c'était vraiment ce que je voulais ?! Est que c'était avec un homme comme lui que je me voyais finir ma vie ici bas et même dans l'au delà ?! Mon rapprochement envers ma religion, ces derniers temps, y était pour quelque chose.
J'avais finis par cogiter toute la nuit pour finalement trouver la réponse à toutes mes questions.
Je repensais à notre histoire depuis le début. Comme pratiquement toutes, ça a commencé par un regard, puis un sourire , la fois d'après un petit "salam" et la suite a suivit son cours.
Et puis être voisin de tours n'a pas aidé. Le fait que nos mères soient comme des sœurs non plus.
Il avait finit par me parler de plus en plus lorsqu'on se croisait. Moi, de mon côté, je ne comprenais pas son intérêt soudain pour moi. Mon charme algérien me répétait tout le temps Imane [ma shab d'enfance] en rigolant. Ouais, c'est ça.
Mais au fond de moi, je crois que j'aimais bien cette idée.
Petit à petit, il venait me récupérer au lycée [j' étais en terminale L à cette période]. On avait finit par s' échanger nos numéros de téléphone et de là les insomnies avaient commencés. Il m'appelait souvent le soir vers 23h lorsqu'il rentrait et on raccrochait tard dans la nuit. On se racontait nos vies, ou plutôt je lui racontais la mienne, lui de son côté était plutôt discret quand ça touchait d'un peu trop près au personnel.
Il avait eu un bac pro électro-technique, plus pour faire plaisir à sa mère, que par ambition. Il avait arrêté les cours après ça, et donnait un coup de main de temps à autre dans la mini entreprise d'un tunisien du quartier. En dehors de ça, il errait de blocs en blocs avec quelques gars d'ici. Rien de bien glorieux.
Mais moi, j'étais naïve. Trop aveuglée par ces choses nouvelles que je ressentais dans le ventre à chaque fois que je l'apercevais. Et puis, c'était la première fois que ça m'arrivait.
Les premiers temps, c'était "l'amour fou". Il me récupérait pratiquement tous les jours, quand je finissais pas trop tard, et on allait souvent taper dans un grec pas trop loin du quartier, mais assez quand même histoire de pas se faire cramer. B oui, ni ma mère, ni la sienne n' étaient au courant. Et on voulait surtout éviter d'être au cœur des commérages. "Vivons cachés, vivons heureux", c'est bien ça non?!
Et au fil des mois, il a commencé par venir de moins en moins souvent, les appels étaient de plus en courts, "il avait pas le temps" comme il le disait si bien.
Imane disait qu'il fréquentait des gars chelous depuis un moment et que c'était de son âge [il venait d'avoir 22 ans], qu' ils passaient tous par là, trop aveuglés par l'argent facile, le "vice de la rue" disait-on.
J'étais maintenant en première année de fac, Licence LEA.
Je venais de passer mes partiels du premier semestre, c'était les vacances de Noël.
On se prenait trop la tête ces derniers temps, lui me reprochait d'être trop sur lui, et moi, de me calculer que quand il avait rien à faire, c'est à dire pratiquement jamais. B oui, parce que Monsieur était devenu un homme d'affaire apparemment.
Je voulais pas finir comme certaines de ces filles, victime de leur amour.
Je voulais plus continuer comme ça, désobéir à mon Créateur pour un homme sans savoir si un jour ça mènerait quelque part.
J' en venais même à me demander s'il me trompait, ça faisait un an et demi et à part quelques bisous sur la joue, c'était jamais allé plus loin entre nous. Et j'étais pas bête.
Mais je préférais ne pas y penser, et me remémorer les rares fois où il me disait qu'un jour il ferait de moi sa femme, fallait juste que je sois patiente. Et au final c'était peut être ce qu'il me manquait: la patience.

Je le contemplais, adossé contre son siège alors qu'il me parlait de ses parents et de sa petite soeur, Farah. Ils étaient au Maroc en ce moment même. Je l'observais parler, il était beau. Encore plus aujourd'hui, j' ai l'impression . À croire que le destin s'était ligué contre moi. Il est pas du genre "parleur" d'habitude, non. On se capte à tout cassé 30 min toutes les deux semaines environ, parce qu'il est bien trop occupé à taper dans des bails louches.
Je regardais le coin de ses yeux se plisser quand il parlait, ses fossettes se dessiner quand il souriait.
Sûrement qu'il s'était rendu compte que je ne l'écoutais pas plus que ça puisqu'il me stoppa dans mes pensées.

-[Lui]: Oh tu m'écoutes ou quoi ?

-: Bilal faut que je te parle.

-[Lui]: Quoi ? Il se passe quoi ?

Je réfléchissais à comment lui dire. Tout ce que j'avais préparé dans ma tête la veille s'était envolé. Et puis j'avais peur de sa réaction, malgré toutes nos embrouilles, on s'était jamais vraiment séparé. On se calculait plus quelques temps, mais on finissait toujours par se reparler, ou du moins je finissais toujours par lui reparler. Lui, avait bien trop de fierté pour revenir, et moi de mon côté je crois que je voulais tout faire pour que ça marche, je voulais pas avoir perdu autant de temps pour au final rien. Mais j'en avais marre. Je supportais plus ses allers-retours constants, on n'avançait pas. Et lui, ça avait l'air de lui suffire tout ça.

-[Lui]: B parle, il t' arrive quoi ?

-: Je peux plus continuer comme ça, je veux plus Bilal. On avance pas et je souffre plus qu'autre chose au final. Je préfère me concentrer sur mes études et te laisser faire ce que t'as à faire de ton côté mais toi et moi on est pas compatible.

J'avais sorti ça d'un coup. J'ouvris la portière et sortis de sa voiture afin d'esquiver la suite. Mais bon, ça aurait été trop beau pour être vrai. J'entendis le bruit d'une porte claquer, j'accélérai alors le pas mais c'était peine perdu. Il saisit mon bras et me retourna. Je me sentais minuscule face à son m85. Mon petit m65 faisait pas le poids, c'est sur.

-[Lui]: T' as 10 secondes pour remonter dans la voiture Myriam

-:Lâche-moi Bilal.

- [Lui]: 1, 2, 3...

-: Tu me fais mal là.

Il me lâcha instinctivement le bras et souffla un coup.

-[Lui]: Vas-y monte maintenant et arrête ta vielle crise là, t'as trop lu tes livres toi. J'ai pas le temps pour tes trucs de gamine Myriam.

Sa réflexion m'avait vexé et énervé, il me prenait pas au sérieux. Je détestais quand il me parlait comme ça.
Comme si, c'était lui qui commandait et que moi, je devais seulement me contenter d'obéir.

-: Non Bilal, je suis sérieuse. C'est fini.

-[Lui]: Vas-y Myriam, commence pas à me z3ef, je suis K.O là donc monte dans la vago

Et il retourna en direction de sa clio.
Je pouvais plus retourner en arrière, j'ai pris mon courage à deux mains et finit par lui dire.

-: Non je vais pas monter, et je monterai plus dedans Bilal. Je veux plus être avec toi...

Il lâcha un petit rire nerveux à mes mots.

-[Lui]: Tu sais quoi ? Bouge Myriam

Je restai là, à le fixer. Ses yeux noisettes me transperçaient.

-[Lui]: Casse-toi.

Je ne me fis pas attendre et tournai les talons en direction de ma tour.
Imane m'avait harcelé de SMS. Elle était au courant, elle m'avait elle-même conseillé de le faire. Elle ne cessait de me répéter que toute relation basée sur du hram ne mènerait à rien. Je mordis l'intérieur de ma joue pour empêcher les larmes de couler. Parce qu'au au fond Bilal je l'aime. J'en suis même amoureuse, et maintenant il devait me détester.
Je pouvais m'en prendre qu'à moi même. Je me suis lancée la tête la première dans cette relation tout en désobéissant à Dieu, laissant sheytan embellir tout ça. Et maintenant que je me retrouvais seule, je prenais de plus en plus conscience de tout ça.
Ya rabbi, pardonne moi.

« Au gré de nos désirs ».Où les histoires vivent. Découvrez maintenant