Chapitre 12 : " Je jure que ça pourrait être plus simple."

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Grand corps malade a écrit : " J'ai rencontré quelques peines, j'ai connu beaucoup de joie. C'est parfois une question de chance : souvent une histoire de choix. "




La fumée de ma cigarette s'envolait dans les airs avec une telle légèreté que je me surprenais à souhaiter pouvoir en faire autant. Et le lion qui se tenait à quelques mètres de moi, derrière un grillage plus qu'imposant, s'éprenait des mêmes désirs.. Il était dans une cage, enfermé, à la merci de ceux à qui il appartenait, obligé de passer sa vie à être une attraction, et pourtant, même si j'étais libre d'aller où que je veuille, de faire ce qu'il me plaisait, c'était lui qui me dominait, de sa simple posture, de sa crinière majestueuse.

J'étais restée assez longtemps planté là pour avoir croiser son regard plusieurs fois. Je ne m'étais jamais vraiment intéressée au sort des animaux. Le silence me noyait déjà bien assez sur des sujets typiquement humain, et j'avais assez de mal à continuer à vivre normalement sans les réponses dont mon cerveau se lassait.

Je me suis laissée aller à la pensée qu'il riait peut-être de nous. Que dans sa tête, quelque part, il ne se sentait pas réellement prisonnier. A force de voir passer des idiots à longueurs de journées, incapable d'apprécier la vie sans qu'on ne la leur pointe devant eux, il avait peut-être commencé à croire qu'il possédait une grandeur qui nous échappait.





Je m'étais mille fois sentie prisonnière de mon propre corps. Le plus souvent, dans cette salle de bain silencieuse où j'avais rendez-vous chaque soir. J'y ai beaucoup réfléchie à la notion de liberté, qui me semblait être la plus belle chose au monde, et qui pourtant, ne pouvait ne serait-ce qu'exister. Par définition, la liberté seule est l'absence de règle, mais quoi que l'on fasse, nos vies sont érigées autour de concept, de lois, commandements. Et je ne parle pas seulement de ce que la société nous impose. En tant qu'humaine, je ne peux voler, respirer dans l'espace, me téléporter, entendre les pensées de mes camarades... Mon corps à ses propres limites qui m'empêche d'affirmer que la liberté existe.

Je n'avais jamais confié mes réflexions à quelqu'un, effrayée que mon interlocuteur ne prenne peur et qu'il s'empresse de me condamner en vue du bordel qui se déroule dans ma tête.

C'est pour ça que j'ai toujours profondément admiré les fous. Ou les idiots. Ceux qui ne se rendent pas compte de leur misérable condition. Ceux qui vivent simplement, sans penser au pourquoi du comment. Ce n'est pas un hasard si on considère les gens les plus ignorants comment étant les plus heureux.



Ce lion ne connaissait peut-être pas ce qu'il manquait là dehors. Il ignorait sans doute le goût de la chasse, la sensation de courir des heures à perte de vue, la compagnie d'autres membres de son espèce... Mais si ce n'était pas le cas, pourquoi s'était-il résigné à rester sagement assit ici, jour après jour, à laisser des idiots le traiter comme un spectacle délectable.

Et pourquoi ceux qui ont compris la réelle valeur de la vie continu à se lever chaque matin pour tenter de trouver une preuve de leur erreur ? Pourquoi, malgré l'absence de liberté, je continuai à nourrir l'espoir qu'on me laisse être qui je suis ?




J'étais restée là peut-être une heure avant que Taylor ne vienne me tapoter sur l'épaule pour me ramener à la réalité. Encore une fois, je m'étais laissée portée par les divagations de mon esprit, ce qui, au vue de la surprise dont je fis preuve face à l'apparition du jeune homme, l'amusa énormément.

The Stars CampsWhere stories live. Discover now