(2) Le lieux du crime

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Le capitaine de police Bruno Fabre gare enfin sa voiture au pied du poste d'aiguillage. Cela fait plus d'une demi-heure qu'il tourne - sans trouver son chemin - dans le dédale de pistes bitumées qui traversent l'entrelacs des voies de la gare de triage. Il fait nuit noire, les lieux sont exempts de tout éclairage public et en prime, il pleut. "La totale" peste-t-il dans sa barbe.

Bruno Fabre est un flic qui en a vu d'autres en trente ans de carrière. Son visage de  quinquagénaire est marqué de rides et de cheveux blancs précoces qu'il tente de dissimuler en les coupant à ras. Comme souvent, il porte un vieux blouson de cuir élimé sur un gros pull en laine qui atténue sa forte carrure. Avec l'âge, il apprécie de moins en moins d'être réveillé au milieu de la nuit pour aller s'occuper d'un macchabée. Il affiche une mine bourrue de circonstance.

Les lumières bleutés des gyrophares d'une voiture banalisée arrivée avant lui éclairent les lieux du crime : un bâtiment de béton de couleur beige passablement délavé et à deux étages. Le premier est aveugle, fermé par une lourde porte de métal. On accède au second par un escalier extérieur. Il est composé de larges baies vitrées offrant une vue parfaite sur le faisceau de voie ferrées en contrebas. Les lumières y sont allumées, les seules à plusieurs centaines de mètres à la ronde.

- - Ça doit être ici que ça se passe, dit-il à l'adresse de son adjointe assise à côté de lui.

La jeune lieutenant de police Lina Saidi lui adresse un signe de tête. Elle passe une main dans sa coiffure de longs cheveux noirs réunis en queue de cheval et enfile son propre blouson, en cuir comme son collègue, mais flambant neuf et de couleur rouge vif.

"Comment fait-elle pour rester toujours élégante en toutes circonstances ?" se demande une nouvelle fois Bruno. Même réveillée au milieu de la nuit, sa peau mate reste fraîche - sans doute avec le soutien d'un bon fond de teint. Sa tenue est complétée avec élégance par un jean noir moulant et de hautes bottes à talon.

Ils sortent de la voiture et grimpent à pas rapides l'escalier de béton.

Aiguillage mortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant