(11) Promenade nocturne

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Les deux policiers cheminent le long des voies. Le triage est plongé dans la pénombre et la pluie s'est muée en une bruine fine qui ne laisse qu'une légère humidité sur les vêtements. Bruno tire sur sa cigarette et aspire une longue bouffée.

- Alors, vos premières conclusions à ce stade ? demande-t-il à son adjointe.

Lina s'arrête, passe une main dans ses longs cheveux noirs. Elle réfléchit.

- De prime abord, nous avons trois suspects, trois mobiles, et aucune preuve matérielle pour les départager

- Procédons par élimination alors. Que pensez-vous de l'agent de maintenance ?

Elle se tourne vers le poste d'aiguillage. Elle tente d'imaginer Moussa tenter d'assassiner son chef.

- Ça se tient. C'est même le plus évident. Son chef le harcèle, le menace d'une procédure disciplinaire. Il remonte chercher des outils. Au lieu d'une clef de 12, il redescend avec le pistolet à clou et boum !

- Oui, c'est même trop évident. Moussa a de multiples occasions de tuer son chef, de manière plus discrète. Pourquoi ce soir ? Non, ça ne me plaît pas.

Bruno jette sa cigarette par terre et s'adosse au rebord d'un wagon de fret. Lina grimace en le voyant s'appuyer sur le métal à moitié rouillé. Son propre cuir n'y survivrait pas. Mais son chef prend bien moins soin de lui. Il poursuit :

- Et l'aiguilleur ? Qu'il ait agit ce soir s'expliquerait aisément. Il vient d'apprendre que sa femme le trompe. Il commence par se saouler copieusement, puis sous l'emprise de l'alcool, il passe à l'acte.

- Je n'y crois pas, répond Lina. D'une part parce que je vois mal un type bourré subtiliser le pistolet à clou dans la sacoche de son collègue et ensuite se glisser discrètement jusqu'à la victime. Sans parler de viser juste, un clou au milieu du front. Il en voit plus assez clair pour ça D'autre part, ça n'explique pas l'e-mail anonyme reçu fort opportunément ce soir pour lui révéler le pot aux roses.

- Vous parieriez pour l'ami alors ?

- Oui, dit Lina. Lui devait savoir que son pote couchait avec la femme de Marcel. Il lui avait peut-être même montré une vidéo de ses "exploits". C'est un peu glauque, mais il y a des mecs suffisamment macho pour faire ça. Bref, je l'imagine assez bien découvrir qu'il vient de gagner au loto, se décider à ne pas partager et échafauder un plan pour qu'on pense que Marcel a le profil du coupable idéal.

Bruno se décolle du wagon et reprend la direction du poste.

- Ça se tiendrait, mais on ne peut pas le prouver. Alors, on va faire ça à l'ancienne et cuisiner notre suspect jusqu' à ce qu'il avoue tout. Prête pour une partie de gentil-flic / méchant-flic, lieutenant Saidi ? Si on veut coincer ce saligaud, j'ai besoin que vous soyez au top de votre forme.

Aiguillage mortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant